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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 14 février 2012 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Si la crise du logement n'était pas si grave, on pourrait s'amuser d'un ultime gadget proposé à quelques semaines de la fin de notre mandature. Je tiens cependant à exprimer ma vive irritation face à cette initiative scandaleuse au regard de l'enjeu de cette crise. Si c'est là tout ce que la majorité et le Président de la République ont à offrir à tous ceux qui sont mal logés, ceux-ci n'ont guère de chances de s'en sortir.

Nul ne conteste, monsieur le secrétaire d'État, que l'urbanisme soit un problème – et je vous reconnais le mérite d'avoir ouvert un débat intéressant, associant acteurs et experts. Il est en revanche scandaleux que, dans l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi – et qui n'a d'étude d'impact que le nom –, vous puissiez évoquer ce débat et citer les noms de ceux qui y ont participé sans souligner que ce travail ne se traduit nulle part dans le dispositif proposé. Vous disposez d'une extraordinaire boîte à outils, mais il est incroyable que vous vous contentiez de l'invoquer sans en faire usage.

Sur le fond, la procédure que vous présentez comme particulière, facultative et transitoire existe en fait depuis 1995 – mais on en ignore les résultats. L'étude d'impact est largement insuffisante – à la lecture par exemple de ce qu'elle dit de l'étude d'impact paysager, on a le sentiment que vous prenez les parlementaires pour des andouilles !

En même temps que vous proposez de prescrire une majoration des droits à construire, vous donnez aux villes la possibilité de ne pas l'appliquer. Or il y a deux types de maires. Certains ont adopté depuis longtemps une stratégie d'intensification et de construction : ceux-là, qui ont défini leur PLU ou s'y efforcent, susciteront une délibération leur permettant de ne pas appliquer un dispositif qui compliquerait encore leur tâche. Quant à ceux qui n'ont jamais voulu engager cette démarche – parfois pour des raisons électorales –, ils s'empresseront aussi d'obtenir une délibération qui les dispensera d'appliquer votre dispositif.

Ce dispositif ne créera que des processus d'aubaine. Ainsi, le principal problème que rencontre le Grand Paris est celui du droit à construire : aujourd'hui, on ne vend pas un pavillon sur un terrain, mais la potentialité qu'offre ce pavillon, réuni à dix autres parcelles, de construire 150 logements, ce qui a pour effet de multiplier les prix par 2 ou 2,5.

Si vous aviez voulu traiter la question de l'instrument d'urbanisme, il aurait fallu utiliser la boîte à outils que je viens d'évoquer, en proposant la suppression du COS, la simplification des instruments de PLU et des initiatives de projets, et purger les contentieux au fur et à mesure de l'avancée des procédures, afin d'éviter, cinq ans plus tard, l'annulation d'une procédure par le tribunal administratif pour l'oubli d'une simple lettre recommandée. Au contenu de l'offre de logement, vous avez préféré l'affichage.

La procédure est facultative, mais vous obligez les collectivités à délibérer. Elle est limitée dans le temps, mais qu'adviendra-t-il des contentieux que cette mesure ne manquera pas de susciter ? Ce dispositif fragilisera les stratégies. Du reste, on en observe déjà un effet : l'annonce de votre mesure a immédiatement gelé les transactions.

En rendant cette mesure facultative, vous avez voulu forcer la main aux collectivités. Surtout, une anomalie subsiste : une commune qui le souhaite peut appliquer le dispositif alors même que la communauté d'agglomération compétente en matière de PLU l'aurait refusé. Vous imposez là une limite aux stratégies du PLU intercommunal et à la responsabilité des élus en la matière, au profit de ce qu'un maire pourrait juger opportun. Vous disposiez de nombreux instruments que, pour une part, vous aviez vous-même réunis – et c'est à votre honneur –, mais pourquoi n'avez-vous pas utilisé votre boîte à outils ? Vous vous contentez de saisir une opportunité en traduisant une déclaration présidentielle coupée de la réalité des besoins des Français.

Bien entendu, nous ne voterons pas ce gadget, qui ne produira rien et s'est déjà aliéné tous les acteurs du logement. Aucun d'entre eux, en effet, n'y a vu une bonne idée. C'est signe que votre proposition est vouée à ne pas être appliquée – ce qui est bien le pire qu'il puisse advenir d'une loi votée par le Parlement.

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