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Intervention de Pascal Clément

Réunion du 15 février 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Clément, rapporteur :

Notre pays entretient des relations particulièrement intenses avec le Liban, dont plus de 200 000 citoyens résident en France. Ces liens privilégiés sont très marqués dans le domaine éducatif et dans le champ économique.

Ainsi, la France soutient 7 des 42 établissements d'enseignement supérieur reconnus par l'Etat libanais : 4 sont entièrement francophones et 3 disposent de filières francophones. En dépit de la concurrence croissante des établissements anglophones, une part très importante, de l'ordre du quart, des étudiants suit des formations entièrement assurées en français. Aussi n'est-il pas surprenant que la France soit de loin la première destination à l'étranger pour les étudiants libanais : elle accueille 40 % d'entre eux, soit environ 5 000 par an, contre 1 800 partis aux Etats-Unis. Il existe en outre une trentaine de « doubles diplômes » communs à des établissements d'enseignement supérieur libanais et français.

Pour ce qui concerne l'économie, en 2010, les exportations de la France vers le Liban ont atteint 894 millions d'euros et les importations françaises depuis le Liban se sont limitées à 32,5 millions d'euros. La balance commerciale avec la France est donc positive à hauteur de 862 millions d'euros. Notre pays a été le 5ème fournisseur du Liban et son 6ème client. De fait, elle est le premier importateur de produits libanais parmi les Etats membres de l'Union européenne. La présence française est en plein essor, notamment grâce à l'installation de nombreuses franchises d'enseignes françaises au centre-ville de Beyrouth. D'après Ubifrance, le nombre d'entreprises françaises (tous secteurs confondus) actuellement implantées au Liban est de 90, employant au total un peu moins de 5 000 personnes.

Ces relations particulièrement intenses justifient pleinement que la France et le Liban prennent des mesures afin de faciliter la mobilité de leurs ressortissants entre leurs deux territoires. C'est dans ce but qu'ils ont signé, le 26 juin 2010, un accord sur la mobilité des jeunes et des professionnels dont l'approbation est l'objet du présent projet de loi.

Cet accord comporte trois volets : un relatif aux visas de circulation, un en faveur des jeunes, un en faveur des professionnels en général.

Afin de favoriser la circulation des personnes entre les deux Etats, la France s'engage à faciliter la délivrance de visas de circulation aux Libanais dont la venue régulière en France participe au développement des relations bilatérales. Prévus par la convention d'application de l'accord de Schengen, ces visas, d'une durée de validité comprise entre un et cinq ans, permettent à leurs détenteurs d'entrer autant de fois qu'ils le veulent dans la zone Schengen sous réserve que la durée de leurs séjours n'excède pas trois mois par semestre. Il s'agit en effet de visas multi-entrées de court séjour. Environ 9 000 visas de ce type sont d'ores et déjà délivrés par la France à des ressortissants libanais chaque année : l'accord se contente de faciliter leur délivrance.

Les stipulations de l'accord sont en revanche plus favorables que les règles de droit commun en ce qui concerne le séjour des jeunes qui relèvent de l'une des catégories suivantes : étudiants, stagiaires, jeunes professionnels, volontaires en entreprise. Les mesures de l'accord sont très proches de celles que nous avons récemment examinées dans le cadre de la discussion d'accords relatifs à la mobilité des jeunes conclus avec la Serbie, la Macédoine et le Monténégro.

Ainsi, les jeunes ayant obtenu un diplôme de niveau au moins équivalent au master en France ou dans un cursus de double diplôme seront autorisés à rester en France pendant six, voire douze mois, afin d'y chercher et d'y exercer un emploi, à condition que cet emploi soit en relation avec la formation suivie et rémunéré au moins à hauteur d'une fois et demie le SMIC. A l'issue de cette période, s'ils le souhaitent, ils pourront rester en France pour exercer leur activité sans que la situation de l'emploi soit prise en considération. Le droit commun ne permet pas le renouvellement de la période de six mois et maintient la prise en considération de la situation de l'emploi pour obtenir le droit de rester en France une fois cette période écoulée.

Les jeunes stagiaires français au Liban ou libanais en France obtiendront quant à eux un titre de séjour de douze mois, qu'ils soient des étudiants faisant un stage dans le cadre de leur cursus ou des salariés venant suivre une formation dans une entreprise française liée à celle pour laquelle ils travaillent dans l'autre pays.

Afin de stimuler les échanges de jeunes professionnels de 18 à 35 ans, l'accord prévoit qu'ils obtiendront un titre de séjour de douze mois, renouvelable une fois, pour pouvoir exercer dans l'autre pays un emploi correspondant à leur formation ou à leur expérience professionnelle, sans que la situation de l'emploi soit prise en considération. Ces mesures dérogatoires bénéficieront à un contingent de 100 jeunes Français et de 100 jeunes Libanais chaque année, ce qui est quatre à cinq fois plus élevé que le nombre de jeunes Libanais recevant annuellement une carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire ». Pour développer cette pratique, l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que l'Agence pour l'emploi des cadres mettront en place une plateforme d'accès à des offres d'emplois dans les deux pays, grâce à l'octroi par la France d'un financement de 25 000 euros par an pendant trois ans.

Enfin, le Liban s'engage à délivrer aux jeunes volontaires en entreprise (VIE) un titre de séjour de douze mois, renouvelable, sur production d'une attestation d'Ubifrance, l'organisme public français qui les détache auprès d'entreprises françaises implantées au Liban.

Le volet de l'accord relatif à la mobilité professionnelle d'une manière générale comporte trois mesures :

– la France s'engage à faciliter la délivrance de la carte de séjour « salarié en mission » aux ressortissants du Liban salariés d'entreprises situées sur le territoire de ce dernier qui doivent effectuer des séjours en France pour les besoins de ces entreprises, en application du 5° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

– notre pays prend le même engagement en ce qui concerne la délivrance de la carte de séjour portant la mention « compétences et talents », régie par l'article L. 315-1 du CESEDA ;

– enfin, les deux pays conviennent d'accueillir sur leur territoire respectif les travailleurs hautement qualifiés ressortissants de l'autre Etat qui remplissent les conditions pour bénéficier de la « carte bleue européenne », lesquelles figurent en droit français au 6° de l'article L. 313-10 du CESEDA, c'est-à-dire qui justifient d'un contrat de travail d'au moins an pour un poste « hautement qualifié », rémunéré à hauteur d'au moins une fois et demie le salaire annuel brut moyen, et qui ont un diplôme d'un niveau égal ou supérieur à « Bac + 3 » ou cinq ans d'expérience professionnelle d'un niveau comparable correspondant à la profession qui sera exercée. Ces personnes seront autorisées à travailler sur le territoire de l'autre Etat sans que la situation de l'emploi leur soit opposable et recevront un titre de séjour d'une durée de validité comprise entre un et trois ans, et renouvelable.

Cet accord vise ainsi à développer la mobilité des personnes entre la France et le Liban tout en maintenant l'obligation de visa, y compris de court séjour, afin de limiter les risques d'immigration illégale. Qu'il facilite l'accès à des dispositifs de droit commun ou fixe des règles plus favorables, il s'adresse à différents types de personnes dont la mobilité est la plus susceptible de contribuer à l'enrichissement des relations bilatérales et d'avoir des effets positifs sur la situation des deux Etats. Il relève à ce titre de l'esprit qui a conduit le Président de la République à prendre l'initiative de la création de l'Union pour la Méditerranée.

L'utilité de ces dispositifs ne fait aucun doute à mes yeux. Reste à savoir dans quelle mesure les autorités libanaises actuelles seront disposées à faire le nécessaire pour permettre l'entrée en vigueur de l'accord : pour l'heure, la procédure d'approbation de l'accord n'a pas été lancée. Cela constituera un test de leur volonté de contribuer à la mise en oeuvre de cette belle idée euro-méditerranéenne et de poursuivre les relations privilégiées que l'histoire a nouées entre le Liban et la France.

En espérant que les autorités libanaises saisiront cette opportunité, je vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

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