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Intervention de Jean-Claude Paravy

Réunion du 15 février 2012 à 16h00
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Jean-Claude Paravy, secrétaire général de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, AFITF :

Je tiens à renouveler les excuses de M. Perben, qui a eu un empêchement personnel assez grave. En tant que secrétaire général, je fournirai des précisions sur le fonctionnement de l'AFITF plutôt que sur les enjeux stratégiques, qui relèvent de la décision politique.

Comme vous l'avez rappelé, l'AFITF est issue du CIADT de 2003 qui, à la suite d'un grand débat, a décidé un programme de relance des infrastructures de transports, créant, à cette fin, un outil doté de ressources affectées. L'Agence a été créée pour orienter et financer sur toute la durée de ce programme 7,5 milliards d'euros permettant 20 milliards de travaux ou de projets d'aménagement du territoire au sens large, dont le CIADT avait dressé la liste – projets routiers, ferroviaires, fluviaux ou portuaires. Cet établissement public a la particularité d'être doté d'un conseil d'administration paritaire composé, pour moitié, de membres issus des administrations concernées et, pour moitié, d'élus nationaux – députés et sénateurs – et locaux. C'est un lieu d'affectation de ressources permettant d'assurer un flux financier régulier en direction des infrastructures, en fonction des priorités et des orientations débattues entre l'État et les élus. Avant même le Grenelle de l'environnement, l'Agence s'était déjà occupée de politique intermodale puisque les ressources d'origine routière, notamment les dividendes des sociétés d'autoroutes, servaient, à l'époque, à financer un programme aux trois-quarts alternatif à la route, notamment de nature ferroviaire.

Dès 2005, la vente par l'État de ses parts dans les sociétés d'autoroutes a privé l'AFITF d'une partie de ses recettes, sinon la plus importante, du moins la plus prometteuse, recettes. Il a fallu les remplacer par d'autres sources de financement plus stables et cela s'est accompagné de l'élargissement du rôle de l'Agence au financement des contrats de projet État région – CPER – et, progressivement, de toute politique contractuelle, les lignes budgétaires d'investissement disparaissant en deux ans des programmes correspondants de l'État.

Le Grenelle de l'environnement a représenté, pour l'Agence, une deuxième étape dans l'élargissement de son périmètre puisqu'elle est devenue un outil d'application de son volet « Transports » – articles 10 et suivants du Grenelle –, ce qui a entraîné la révision de plusieurs projets inscrits dans le CIADT de 2003 et le choix de nouveaux projets dans le cadre du Schéma national d'infrastructures de transport – SNIT –, avec une confirmation du rôle de l'AFITF en matière de report modal. Certes, les textes ne font aucune obligation précise en la matière à l'AFITF, mais le Gouvernement lui donne l'objectif d'augmenter progressivement la part des infrastructures alternatives à la route avec, dans l'état actuel des choses, une très nette dominante ferroviaire.

En 2005, le routier, dans la politique de l'Agence, était toutefois remonté à quelque 50%, en raison du poids des contrats de plan État régions pour la période 2000-2006. Depuis, il s'érode progressivement, le Plan de relance ayant marqué un palier. Les mises en place des crédits varient énormément d'une année sur l'autre. Le routier était tombé jusqu'à 35%. Et si, l'année dernière, les crédits de paiement en direction du routier ont augmenté, le ferroviaire a, en revanche, représenté 83% des autorisations d'engagement, à savoir des paiements de demain, contre 17% pour le routier.

Le décret instituant l'AFITF ni d'ailleurs le Grenelle de l'environnement ne fixent aucune règle : il s'agit d'une orientation que nous nous efforçons de conforter année après année.

L'Agence n'a pas franchi en toute tranquillité les étapes, que j'ai évoquées, dans l'élargissement de son périmètre, car elle posait un problème en tant que nouvel outil affectant des crédits à une catégorie particulière de dépenses. Aussi, en 2008 et 2009, a-t-elle connu une crise : les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont interrogées sur cette exception à la règle de l'universalité – ce qui est vrai –, la Cour des comptes se demandant, de son côté, si, à la suite du Grenelle de l'environnement et des réorganisations ministérielles, l'AFITF n'était pas devenue inutile et ne devait pas être supprimée.

Le Gouvernement, après avoir confié à M. Claude Gressier, président de la section Économie, transports, réseaux du Conseil général de l'environnement et du développement durable, la rédaction d'un rapport, a décidé de conforter l'Agence car elle offre trois avantages. Le premier est d'être un lieu unique d'observation des investissements dans les infrastructures de transports au plan national. Le deuxième est d'être un outil de dialogue entre l'État et les élus, en raison de la composition paritaire de son conseil d'administration, qui n'a finalement pas été renforcé mais dont le Gouvernement a souhaité développer le rôle. Le troisième est que cet outil peut, à moyen terme, servir à renouveler des recherches de financements innovants : il permet d'évaluer l'action et de jouer un rôle d'ingénierie financière.

La situation de l'Agence est donc confortée, du moins jusqu'au prochain rapport de la Cour des comptes, dans son rôle de mise en oeuvre des priorités dégagées par le Grenelle de l'environnement.

L'AFITF détient le « nerf de la guerre » au plan national en matière d'infrastructures de transports puisqu'elle est le bras séculier de l'État sur le plan financier. Toutefois, son rôle est indirect, puisque l'Agence n'est pas l'État lui-même mais elle se trouve placée sous la tutelle du ministre des transports, qui prend les décisions. Elle ne saurait évidemment davantage décider à la place des collectivités territoriales. Elle n'est pas non plus le maître d'ouvrage des projets qu'elle finance – ce peut être l'État lui-même, pour les routes ; s'agissant du RER, ce sont surtout la RATP, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF). Enfin, elle n'est pas une autorité organisatrice des transports, laquelle, pour le RER, est le STIF. Son rôle est donc d'apporter des cofinancements déterminants.

À l'origine, l'AFITF ne s'occupait que de grands projets structurants nationaux : le RER n'entrait donc pas dans son cadre. Avec l'élargissement de son périmètre aux contrats de projet État région, l'Agence s'est mise à participer au financement des RER. Le contrat de plan 2000-2006 de l'Île-de-France ayant une dominante « transports collectifs », il comprenait un volet RER. L'AFITF a donc pris le relais de l'État en assurant un rattrapage de plus de 400 millions d'euros pour achever les contrats relatifs aux transports collectifs en Île-de-France – j'ignore la part exacte du RER –, tout en prenant en charge le financement de la part « État » des contrats de projet. Or, le contrat de projet Île-de-France comprend de nouveau une dominante « transports collectifs » – le ferroviaire et le fluvial étant plus marginaux. Le grand projet N° 5 évoque déjà le schéma directeur des RER B, C et D, les études pour Éole, le RER A, ainsi que le projet Arc Express. L'AFITF, par le biais des CPER, apporte donc la part financière de l'État à des projets négociés entre l'État et la région.

Afin de ne pas casser la mécanique des contrats de projets, dans le cadre desquels les opérations sont décidées au travers d'un dialogue entre le préfet de région et le président du conseil régional, et de laisser toute sa dimension à la décentralisation, l'AFITF verse le fonds de concours à l'État dans le cadre d'une convention globale. Dès lors, si l'Agence connaît les projets qui ont été négociés, elle ignore l'affectation précise des crédits qu'elle verse. Je ne connais donc pas la part exacte des lignes du RER, des tangentielles ou encore des pôles d'échanges dans les quelque 110 millions d'euros que nous versons annuellement aux transports collectifs d'Île-de-France dans le cadre du contrat de projet. Nous demandons en revanche des comptes rendus de la destination finale des crédits que nous versons.

Le niveau des contrats de projets étant insuffisant pour répondre à l'insatisfaction des usagers devant l'état du réseau, on évoqua, durant deux à trois ans, l'idée d'un avenant au contrat de projet d'Île-de-France avant que le débat, entre l'État et les collectivités locales, sur le projet de Grand Paris ne mette l'Agence quelque peu « sur la touche ». Toutefois, l'accord de janvier 2011 s'est traduit, au mois de septembre suivant, par un contrat spécifique en matière de transports qui, financé par l'AFITF, a repris à son compte le projet d'avenant. C'est pourquoi un avenant à la convention de fonds de concours a permis d'ouvrir, dès 2011, essentiellement des autorisations d'engagement en vue de financer le volet de la convention spécifique « transports » d'Île-de-France. Cette convention prévoit non seulement le complément immédiat et à moyen terme du contrat de projet mais également, dans le cadre des perspectives pluriannuelles de l'AFITF, des projets assez lourds comme le prolongement d'Éole à l'ouest.

Telle est l'action indirecte de l'Agence en direction des RER.

Je tiens également à mentionner le fait que, parallèlement aux contrats de projets, l'Agence finance le volet « transports » de la dynamique Espoir banlieues – toutefois ce financement concerne davantage le bus ou les gares de banlieue que le RER. Elle a également financé les études du CDG Express, qui n'est d'ailleurs pas sans rapport avec le RER B. Enfin, dans le cadre du contrat de projet et de la convention relative à la décentralisation du STIF, il a été décidé, comme l'État n'avait pas de ligne budgétaire à cette fin, que l'AFITF verserait une aide aux matériels roulants de 400 millions d'euros, étalée jusqu'en 2025, dédiée davantage aux trains de banlieue qu'au RER. Un décret permettant à l'Agence de financer non seulement les infrastructures de transports mais également, pour tout type de transport, les équipements liés à ces infrastructures. Cela nous permet notamment d'inclure l'outillage spécialisé dans le financement d'une plate-forme de transports combinés. Était-ce la vocation de l'Agence de promettre cette aide de 400 millions ? Elle seule, en tout cas, avait la capacité de le faire, même si son coeur de métier se situe dans la construction d'infrastructures neuves ou leur remise en état lourde – elle finance les lignes à grande vitesse (LGV), le canal Seine Nord Europe ou la remise en état du réseau lorsqu'il est orienté vers le fret... Le financement de la rénovation du réseau ferroviaire, quant à lui, dépend plutôt des ressources budgétaires ou des ressources propres de RFF que de l'AFITF, sauf engagement particulier, comme l'Engagement national pour le fret ferroviaire. C'est donc de manière exceptionnelle que l'AFITF participe au financement du matériel roulant, même si un tel financement est possible sur le plan juridique.

Je tiens à préciser que nous ne finançons pas le projet du Grand Paris : la Société du Grand Paris (SGP) dispose de ressources propres. Nous avons simplement financé, avant sa naissance, des études préalables à hauteur de 8 millions.

Enfin, l'AFITF ne s'intéresse pas qu'aux transports collectifs de la région d'Île-de-France. Nous sommes un établissement public national – vous l'avez rappelé. Elle équilibre ses interventions en direction de l'Île-de-France et des agglomérations urbaines, en contribuant au financement des appels à projets lancés dans le cadre du Grenelle.

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