Il m'appartient aujourd'hui de présenter devant vous deux rapports d'information : le premier conclut la série d'auditions qui ont été conduites par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de septembre 2011 à janvier 2012, sur la théorie du genre ; le second, qui me tient particulièrement à coeur, a trait à la parité dans la fonction publique.
Ce dernier rapport résulte d'une saisine de la Délégation sur le projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, présenté au Parlement par M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Il nous donne notamment l'occasion d'introduire à nouveau la parité au sein des conseils d'administration des établissements publics, un élément qui figurait déjà dans mon texte sur la parité dans les sociétés anonymes à conseils d'administration ou à directoires mais qui avait été écarté par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi.
Tout d'abord, quelques mots sur le rapport relatif au genre :
Si vous vous en souvenez, la théorie du genre a fait irruption dans le débat public, à la suite de l'introduction de la question du « genre » dans les manuels de sciences et vie de la terre (SVT), édités pour la rentrée de septembre 2011, en application des nouveaux programmes définis, à la fin de l'année 2010, pour les classes des premières L, S et ES. Cette initiative a donné naissance à une vive controverse et a suscité des interrogations dans notre hémicycle.
À vrai dire, ce qui avait motivé le ministère de l'Éducation nationale pour demander qu'au début de cette rentrée scolaire, les professeurs de biologie fassent, des allusions, dans leurs cours, à la théorie du genre, c'était le constat du mal-être de nombreux adolescents à tendance homosexuelle et la vague de suicides ou de tentatives de suicides qui s'en était suivie, les années précédentes.
À cela s'ajoute l'idée qu'un travail sur le genre est nécessaire dans la mesure où ce thème équivaut, aujourd'hui à un vrai débat de société. J'en prends pour exemple le débat passionné auquel j'ai assisté, lors de la dernière session du Conseil de l'Europe : la commission « Égalité des chances » ayant décidé de créer une sous-commission ayant pour thème d'études « L'égalité entre les femmes et les hommes », la traduction en anglais de ce concept s'est faite à travers le mot gender, ce qui a suscité une vive opposition.
Pour tenter d'y voir clair dans cette controverse, la Délégation a souhaité faire le point sur le concept de « genre », concept qui reste encore assez méconnu de ce côté-ci de l'Atlantique, puisque les travaux sur le genre sont issus des gender studies américaines – gender studies qui ont pris leur essor dans les années 70 et 80. Cette réflexion est un travail nécessaire en France car une telle notion doit pouvoir être appréhendée par tout parlementaire appelé à voter des lois sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
Ce rapport sur le genre s'articule en trois parties.
La première partie est un questionnement sur la théorie du genre. Pourquoi un questionnement ? Parce que l'on n'aboutit pas nécessairement à des certitudes, mais au constat que la théorie du genre est une théorie complexe et, finalement, assez discutée, y compris dans la communauté scientifique. Afin d'en cerner les contours, la Délégation a procédé à de nombreuses auditions de personnalités qui, favorables ou défavorables à la théorie du genre, représentent l'ensemble de la communauté scientifique. On citera notamment : Mme Françoise Héritier, anthropologue, Mme Catherine Vidal, neurobiologiste, M. Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste, Mme Chantal Delsol, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, Mme Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique à l'Université de Reims Champagne-Ardenne et M. Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l'Éducation nationale, qui avait publié un éditorial très intéressant sur le sujet.
Dans sa seconde partie, le rapport montre comment la cause des femmes a progressé dans notre droit positif, non pas à partir de la notion de genre, mais à partir du concept juridique d'égalité. Cette progression, au cours de ces dix dernières années, s'est notamment accomplie grâce à l'action de toutes celles et de tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet au sein de la Délégation.
De ce point de vue, il reste naturellement encore beaucoup à faire pour obtenir une égalité parfaite. Mais il paraît peu probable que la notion de genre se substitue un jour, comme concept juridique structurant, au vieux concept juridique d'égalité qui date de la Révolution française. En revanche, la notion de genre, en raison même de ses ambiguïtés, peut devenir un mot de passe, dans cette lutte prolongée pour l'égalité, qui ne s'applique plus seulement à la différence des sexes, mais qui s'applique aussi aux organisations, aux entreprises ou aux technologies. C'est tellement vrai que d'ailleurs, lors de son audition, Mme Brigitte Longuet nous avait expliqué comment cette théorie du genre pouvait être un très bon vecteur de l'égalité.
Enfin, dans sa troisième partie, le rapport explique comment, au-delà de l'arsenal juridique, ce sont les mentalités et les représentations collectives qu'il faut changer, dans notre vie de tous les jours, si l'on veut faire évoluer la cause des femmes. En effet, les avancées législatives ne suffiront pas à réaliser l'égalité femmeshommes tant que les mentalités n'auront pas également évolué en ce sens.
Trois propositions sont faites, dans ce rapport, pour obtenir un tel changement au bénéfice des femmes, propositions que je détaillerai après vous avoir demandé si, à ce stade, vous avez des questions à me poser.