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Intervention de Michèle Tabarot

Réunion du 7 février 2012 à 18h30
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Tabarot, rapporteur :

Le texte que nous examinons aujourd'hui concerne tout autant l'adoption que la protection de l'enfance. Il s'agit en effet de confirmer la place de l'adoption comme institution vouée à l'intérêt de l'enfant.

En France, le nombre de déclarations judiciaires d'abandon oscille entre 150 et 200 par an. Ce chiffre semble bien faible au regard des 120 000 enfants qui font, chaque année, l'objet d'un placement par décision de justice. De nombreux experts estiment d'ailleurs que le nombre d'enfants déclarés abandonnés pourrait être plus élevé.

Il y a donc en France des mineurs, dont on sait qu'ils ne retourneront jamais dans leur famille, et qui vont devoir grandir dans des foyers, parce qu'on ne les rendra jamais adoptables. La loi doit désormais inviter à un changement des mentalités sur ce sujet essentiel pour leur avenir.

Autres réalités préoccupantes : l'allongement des procédures, l'instabilité de l'adoption internationale et les difficultés croissantes des adoptants.

Les candidats à l'adoption découvrent souvent trop tardivement le parcours qui les attend. Parfois peu au fait des réalités et des implications juridiques de l'adoption, ainsi que de ses conséquences matérielles et morales, ils découvrent la portée de leur engagement à mesure que les difficultés se présentent à eux. C'est révélateur des insuffisances de nos procédures d'agrément. Nous devons mieux préparer ces personnes, mieux les accompagner, et mieux nous adapter aux évolutions internationales sur le sujet.

Notre proposition de loi prend pleinement en compte ces constats. Elle est le fruit d'une longue réflexion, issue de plusieurs rapports – celui de M. Jean-Marie Colombani en 2008, puis ceux de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2009 et de l'Académie nationale de médecine en 2011 –, mais aussi de travaux importants tant du Conseil supérieur de l'adoption (CSA) que de notre groupe d'études sur la famille et l'adoption, coprésidé par Mme Patricia Adam.

Ce texte vise, premièrement, à réformer la déclaration judiciaire d'abandon.

Celle-ci sera ainsi appréciée au regard d'un critère nouveau, le délaissement parental, qui permettra de centrer le dispositif sur l'intérêt de l'enfant. Chaque année, les équipes qui suivent un mineur placé devront s'interroger sur sa situation au regard de ce délaissement parental. Ce délai sera réduit à six mois pour les enfants âgés de moins de deux ans, et le ministère public pourra saisir d'office le juge des situations de délaissement dont il aura connaissance.

À la lumière des travaux de notre Commission spéciale, je présenterai plusieurs amendements sur cet article.

Le premier visera d'abord à déplacer les dispositions relatives à la déclaration judiciaire d'abandon dans une nouvelle section, au titre IX du code civil relatif à l'autorité parentale.

Afin de tenir compte des observations faites durant les auditions, je proposerai également une nouvelle définition du délaissement parental, qui consistera en l'absence d'actes des parents contribuant à l'éducation ou au développement de l'enfant.

Je souhaite aussi préciser le contenu du rapport pluridisciplinaire établi pour chaque enfant placé – un rapport qui, au-delà de l'analyse de la situation de l'enfant, doit aussi lui proposer un projet de vie.

Concernant le ministère public, il semble enfin utile de préciser qu'il pourra également saisir le tribunal d'une demande de déclaration judiciaire d'abandon sur saisine du juge des enfants.

Le deuxième objet du texte consiste à mieux former les candidats à l'adoption. Nous souhaitons que soit expérimentée une formation préalable à l'agrément, sous forme de modules obligatoires. L'intérêt porté par certains départements déjà volontaires pour cette expérimentation est très encourageant.

Troisièmement, il était également important de penser aux adoptants, qui sont confrontés à l'allongement des procédures. C'est pourquoi nous proposons de réduire le délai de délivrance de l'agrément à neuf mois, à compter de la demande faite au président du conseil général, et non plus à compter de la confirmation de cette demande.

Nous souhaitons aussi permettre la prorogation de l'agrément pour les procédures les plus avancées. Lorsqu'une proposition d'enfant existe alors que la validité de l'agrément est près d'expirer, l'adoption doit pouvoir être menée à son terme.

Je souhaite préciser par amendement que cette prorogation d'un an sera renouvelable une fois. En effet, certains professionnels ont considéré que le délai d'un an pouvait se révéler parfois trop court face à des difficultés inattendues.

Toujours concernant l'agrément, nous voulons clarifier les conditions de sa caducité et de son retrait.

Le retrait s'avère une décision parfois bien trop dure. C'est une forme de double peine puisqu'il interdit de déposer une nouvelle demande pendant trente mois ! Dans bien des situations, la caducité apparaît comme un choix plus juste. Elle permet de refaire une demande immédiatement, par exemple, en cas de divorce ou à la suite du décès du conjoint.

Je proposerai par amendement de préciser que l'agrément ne sera toutefois pas caduc lorsqu'une proposition d'enfant existe.

Enfin, le texte poursuit deux autres objectifs.

D'une part, nous voulons renforcer la stabilité de l'adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité de l'adopté, sauf motifs graves sur demande du ministère public.

D'autre part, concernant l'adoption internationale, nous souhaitons accompagner le développement de l'Agence française de l'adoption (AFA) et renforcer le contrôle des conditions d'adoption dans les pays d'origine, sous l'égide du ministère des Affaires étrangères.

Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi permet à l'AFA d'intervenir dans des actions de coopération humanitaire au profit d'institutions accueillant des enfants. Cette disposition semble trop restrictive au regard de la pluralité des actions de coopération que les pays d'origine peuvent proposer. Aussi présenterai-je un amendement pour élargir le champ d'intervention de l'AFA à toute action de protection de l'enfance.

Plusieurs de ces avancées étaient attendues depuis de nombreuses années. Certaines figuraient d'ailleurs, madame la secrétaire d'État, dans le projet de loi déposé en avril 2009. La priorité est aujourd'hui de leur donner une chance d'être enfin mises en oeuvre. L'urgence est grande face à la détresse de ces enfants délaissés, qui passent leur jeunesse de familles d'accueil en foyers.

Je souhaite dès lors qu'à l'issue de nos échanges, ce texte reçoive un large soutien, car il me semble que nous partageons très majoritairement les objectifs qu'il poursuit.

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