Monsieur le Président, mes chers collègues, la Commission européenne a présenté un paquet de trois propositions d'actes législatifs européens relatifs au huitième programme-cadre, rebaptisé « programme-cadre pour la recherche et l'innovation “Horizon 2020” » : une proposition de règlement portant établissement d'Horizon 2020 ; une proposition de décision établissant le programme spécifique d'exécution de ce programme-cadre ; une proposition de règlement définissant les règles de participation et les règles de diffusion des résultats.
La commissaire à la recherche et à l'innovation a résumé ainsi la philosophie du programme : « Une nouvelle vision de la recherche et de l'innovation en Europe est nécessaire en ces temps de profonds changements économiques. […] Horizon 2020 stimule directement l'économie et préserve notre base scientifique et technologique et notre compétitivité industrielle pour le futur. »
Ces trois textes, qui s'articulent avec la stratégie Europe 2020 et avec le projet d'Espace européen de la recherche (EER), ont maturé pendant deux ans, sous la conduite de quatre présidences. Ils ont fait l'objet d'une consultation publique de la Commission européenne, qui a suscité plus de 2 000 contributions, ainsi que d'un Livre vert. Vingt-cinq groupes de travail thématiques ont également travaillé sur le contenu. De son côté, le Parlement européen a publié quatre rapports préparatoires.
Par rapport aux PCRD précédents, Horizon 2020 innove à trois niveaux : il regroupe en un programme unique trois initiatives jusqu'à présent séparées, le PCRD, le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (CIP), et la contribution de l'Union européenne à l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET) ; il se concentre sur les défis sociétaux auxquels l'Europe doit aujourd'hui faire face, comme la santé, le développement des énergies propres et l'amélioration des transports ; il élargit l'accès aux financements communautaires, pour l'ensemble des territoires, des entreprises, des universités et des organismes de recherche.
Alors que le 7e PCRD était découpé en quatre programmes spécifiques, Horizon 2020 est rassemblé en un seul programme, organisé autour de trois priorités scientifiques : excellence, primauté industrielle et défis sociétaux.
Premièrement, une science de classe mondiale constitue la base des technologies, des emplois et de la qualité de vie de demain. Pour garantir des recherches scientifiques d'excellence, l'Europe a besoin de former, d'attirer et de retenir des chercheurs de talent, mais aussi de leur procurer des infrastructures optimales. Il est prévu d'attribuer 27,8 milliards d'euros au titre de cette première priorité.
Deuxièmement, pour créer de la croissance et des emplois, l'Europe se doit de susciter un accroissement des investissements privés dans la recherche, particulièrement dans des technologies stratégiques générant de l'innovation, dans les secteurs traditionnels comme dans les secteurs émergents. Horizon 2020 consacrera 20,3 milliards d'euros à cette deuxième priorité.
Troisièmement, la recherche doit tenir compte des préoccupations citoyennes pour obtenir des percées technologiques, qu'il s'agisse du climat, de l'environnement, de l'énergie ou des transports. Les solutions prometteuses doivent être testées, démontrées et expérimentées à grande échelle. A cet effet, 35,9 milliards d'euros de financements sont proposés.
Les trois priorités seront aussi visées à travers des dotations allouées directement à deux organismes communautaires relais : le Centre commun de recherche (CCR) et l'IET.
Le 6 décembre 2011, le Conseil compétitivité a adopté des conclusions reprenant les analyses développées par la Commission européenne dans sa communication relative au « Partenariat pour la recherche et l'innovation », qui aborde aussi bien les partenariats public-public (P2P) que les partenariats publics-privés (PPP) et les partenariats européens d'innovation (PEI), instruments stratégiques de coordination politique de programmes, dépourvus de crédits.
L'enjeu, de taille, doit faire l'objet d'une attention particulière dans un contexte budgétaire aussi tendu que celui que nous traversons : il s'agit de mettre en réseau les efforts scientifiques disséminés sur le continent européen, afin d'éviter deux écueils : la fragmentation et la duplication des recherches.
Dans sa proposition de règlement du 29 juin 2011 fixant le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Commission européenne prévoit d'affecter en faveur d'Horizon 2020, à euros constants de 2011, 87,7 milliards. Ce montant représente une augmentation substantielle par rapport au 7e PCRD, dont le budget pluriannuel s'établira, au terme de son exécution, à quelque 55 milliards d'euros. Mais les années 2007-2013 ont été marquées par une montée en puissance régulière et soutenue des moyens du PCRD ; compte tenu de l'enveloppe globale allouée à Horizon 2020, la courbe de progression devrait être moins pentue que sous le 7e PCRD – on constate d'ailleurs déjà un infléchissement à partir de l'exercice 2012.
Cette augmentation mesurée des moyens financiers procède d'un raisonnement simple, lié à la conjoncture : l'investissement dans la recherche et l'innovation constitue l'une des solutions pour sortir de la crise économique mais les ressources extrêmement contraintes de l'Union ne lui permettent pas de dégager davantage de crédits en faveur de cette politique.
Le système des PCRD donne satisfaction, mais seulement pour les acteurs qui parviennent à gérer la complexité. Les grands organismes de recherche disposent ainsi d'unités spécialisées, ce qui est impossible, a contrario, pour les petites entreprises. Une fraction de l'impact potentiel sur le tissu économique est donc perdue. A cet égard, on peut regretter que la volonté de simplification affichée par la Commission européenne ne se retrouve pas vraiment dans les textes.
Horizon 2020 prévoit que les coûts éligibles directs seront dorénavant pris en charge jusqu'à 100 % pour tous les projets de recherche, ce qui est présenté comme une simplification. Sauf que la notion de « coûts éligibles » n'est pas encore définie et qu'il est par conséquent difficile de se faire une idée des financements futurs. En outre, la Commission européenne se réserve la possibilité, dans son programme de travail, de moduler ce taux entre 0 et 100 % ; il s'agit donc en réalité d'un alignement cosmétique. De surcroît, pour les projets comportant des activités proches du marché, comme l'animation de démonstrateurs, le taux de subventionnement sera ramené à 70 % de la totalité du programme.
Pour ce qui concerne les coûts éligibles indirects, la Commission européenne prévoit de verser un forfait correspondant à 20 % du montant des coûts éligibles directs, mais elle pourrait aussi accorder des dérogations pour tel ou tel projet de recherche. Ce qui est certain, c'est qu'elle exclut de rembourser les coûts indirects aux frais réels, seule méthode acceptable pour garantir la bonne gestion des comptes publics.
Pour la France, l'un des leaders de la recherche européenne, Horizon 2020 revêt un enjeu particulier en termes d'emploi et de perspectives industrielles.
Pour commencer, les propositions de la Commission manquent de précision quant à la gouvernance d'Horizon 2020. Une multitude de détails utiles pour comprendre la façon dont seront déclinées les priorités sont renvoyées à la comitologie, ce qui n'est pas acceptable, dans la mesure où, avec quarante personnes autour de la table, la capacité des représentants aux comités de programme (RCP) à infléchir le dispositif est très réduite.
Ensuite, l'effort financier européen ne doit pas être phagocyté par la démonstration, les prototypes et les mesures d'aide à la mise sur le marché. Pour ne pas se retrouver en panne d'innovation dans quelques années, sur chacune des trois priorités d'Horizon 2020, il faut veiller à trouver un équilibre entre soutien à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée.
Enfin, la performance française enregistrée sous le 7e PCRD est relativement honorable mais très variable selon les thématiques. Très prosaïquement, pour que le taux de retour global de la France ne chute pas de façon mécanique à partir de 2014, il importe de faire en sorte que les financements dédiés à nos disciplines fortes – espace, aéronautique, sécurité – soient maintenus à niveau.
L'expérience des PCRD précédents enseigne qu'il est illusoire de songer à remettre à plat l'économie générale de la proposition initiale de la Commission européenne – déjà le fruit d'un compromis interne assez subtil. Néanmoins, les co-législateurs n'en étant qu'au tout début des négociations, des marges de modification substantielles existent encore sur les questions des critères et des taux d'éligibilité au subventionnement des projets de recherche, des règles de fonctionnement des comités de programme, de la répartition entre recherche fondamentale et recherche appliquée ou encore du niveau des financements dédiés aux disciplines fortes de la France.
En revanche, les propositions très structurantes de création d'un fonds européen des brevets et d'un fonds européen de capital-risque, initialement envisagées dans le cadre d'Horizon 2020 mais abandonnées dans les textes de la Commission européenne, n'ont donc aucune chance d'être réintégrées. Ces deux idées ne sauraient toutefois être définitivement laissées de côté car elles conditionnent aussi les succès futurs de l'innovation européenne, sur laquelle Horizon 2020 met l'accent.
Durant notre prochaine législature, les sujets ayant trait à la recherche et à l'innovation seront au coeur de l'actualité européenne. Je pense, monsieur le Président, que nous pourrons lancer plusieurs rapports d'information. Pour commencer, il conviendra de suivre avec attention les négociations d'Horizon 2020.
La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :
« La Commission des affaires européennes,