Comme vous venez de l'indiquer, monsieur le président, ces arrêts nous ont permis de prolonger notre mission et d'éviter de rendre un rapport qui serait aujourd'hui obsolète.
Au cours de ces mois, nous avons procédé à une dizaine d'auditions et effectué quatre déplacements, à Brest, Bruxelles, Toulon ainsi qu'à la Réunion et Mayotte.
Nous avons dressé un état des lieux des principaux enjeux de la sécurité maritime et de la façon dont l'État s'organisait pour y répondre. En décembre 2009, a été créée la fonction « garde-côtes », c'est-à-dire la coordination, sous la responsabilité du secrétaire général de la mer, de toutes les administrations participant à l'action de l'État en mer : la marine nationale, mais aussi les douanes, les affaires maritimes, la gendarmerie, la police et la sécurité civile. Nous avons pu assister à la montée en puissance de cette organisation et nous nous sommes efforcés d'en tirer les principaux enseignements et les perspectives pour l'avenir.
Avant toute autre chose, je voudrais rappeler le contexte de cette création : la fonction « garde-côtes » est une des composantes de la politique maritime de la France, définie par le Président de la République dans son discours du Havre du 16 juillet 2009, qui s'est traduite par la rédaction d'un Livre bleu portant sur une stratégie nationale pour la mer et les océans, dans les mois qui ont suivi.
Quels sont ces enjeux ? Notre politique maritime part d'un triple constat :
– la mer constitue, pour les années à venir, un réservoir de ressources et d'énergie considérable. Je pense, par exemple, aux ressources minérales des grands fonds marins et aux énergies marines renouvelables. Elle est également le vecteur principal de la mondialisation puisque les trois quarts, en volume, du commerce mondial transitent par elle ;
– l'économie maritime occupe une place très importante dans l'économie nationale : plus de 300 000 emplois directs – plus que l'automobile ou le secteur aéronautique – et comprend de nombreux secteurs d'excellence, dans le domaine de la construction navale, des transports ou de la recherche scientifique ;
– enfin, notre politique maritime est bâtie sur l'idée qu'il est indispensable de traiter les questions de la mer de façon transversale et non sectorielle – environnement, pêche, sécurité….
La mise en évidence de ces enjeux et la définition des priorités qui en découlent figurent dans le Livre bleu sur la stratégie nationale pour la mer et les océans de décembre 2009. On peut notamment y lire que « la crédibilité de la politique nationale repose avant tout sur la capacité de l'État français à exercer ses responsabilités en mer. » Les enjeux de sécurité maritime sont en revanche absents du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Nous le regrettons et ferons des propositions pour qu'ils soient pris en compte dans le prochain.
Quelles sont les responsabilités de l'État français en mer ?
– la première est d'affirmer sa souveraineté sur les espaces maritimes qui sont sous sa juridiction : 97 % de notre espace maritime se situe outre-mer. Les richesses de nos fonds marins attirent les convoitises de nos voisins, Chine, Brésil ou Mexique, et nous devons, par notre présence et notre activité, leur rappeler en permanence que nous n'entendons pas renoncer à nos droits ;
– notre deuxième défi est de lutter contre les nombreuses menaces intentionnelles : les différents trafics, l'immigration clandestine – dont nous avons pu mesurer l'ampleur en nous rendant à Mayotte – mais aussi la piraterie. La piraterie dans l'océan Indien aurait généré, pour un armateur français, un surcoût de 40 millions d'euros en 2010, compte tenu de la nécessité de faire transiter les gros porte-conteneurs à vitesse maximum dans la zone considérée ;
– troisième type de menace : les catastrophes maritimes, d'autant plus préoccupantes qu'on doit faire face au gigantisme grandissant des flottes de commerce ou de croisière : il y avait plus de 4 000 personnes à bord du Costa Concordia ! Certains navires peuvent transporter jusqu'à 8 000 personnes et mesurer 350 mètres, soit presque 100 de plus que le Charles-de-Gaulle ! Cela rend naturellement les opérations de secours plus complexes et plus coûteuses. J'ai pu assister, en septembre dernier, au large de Brest, à un exercice de ce type, organisé par le forum européen des garde-côtes.