Pour ce qui est tout d'abord du nombre de contrats de développement territorial, il est actuellement de 18 ou 19. Dix-huit, car certaines collectivités se sont volontairement mobilisées autour de Sénart pour mettre en place un tel contrat, rendu possible hors du cadre du Grand Paris Express par l'importance du projet d'investissement envisagé – en l'espèce une gare TGV –, comme c'est du reste le cas pour le projet de gare Confluence, équipement important potentiellement porté par l'État, le port autonome de Paris et le port d'Achères. Ces approches débordent du cadre strict des rocades du Grand Paris Express et accompagnent de grands projets fondateurs pour la métropole. Un dix-neuvième CDT verra peut-être le jour, car Issy-les-Moulineaux en a exprimé le souhait – mais il faut d'abord pour cela que cette commune s'entende avec d'autres.
Plusieurs protocoles fixant les orientations générales sur lesquelles s'engagent les collectivités locales et l'État ont déjà été signés. Nous en signerons d'autres dans les prochaines semaines. Le projet du Grand Paris est en marche, il avance et il est irréversible.
Les CDT revêtent nécessairement trois dimensions. La première est une vision de ce que le développement du territoire concerné apporte, au-delà de sa stratégie propre, au développement économique global de la métropole. La deuxième est celle des réponses que le contrat apporte aux besoins en matière de logement à l'échelle de la métropole. La troisième est, au-delà de l'apport du Grand Paris Express, sa contribution à l'amélioration de la mobilité.
L'identification d'une stratégie économique visible à la fois pour le territoire et à l'extérieur de celui-ci ne vise nullement à induire une mono-activité, mais à assurer une visibilité à une thématique économique particulière, en cohérence avec les autres. Cette démarche s'appuie sur les réflexions menées à propos des clusters, sur les pôles de compétitivité et sur les différentes politiques menées : il s'agit donc de mettre en cohérence à l'échelle territoriale, un ensemble de politiques publiques qui auront du fait de leur force un effet de développement sur ces territoires et au profit de toute la métropole.
La dimension « logement » est fondée sur une analyse menée précédemment par l'ensemble des acteurs de la région d'Île-de-France et visant à réaliser 60 000 logements dans cette région. En 2011 la loi ayant porté à 70 000 le nombre de logements à construire, il était logique que les 10 000 logements supplémentaires soient situés en priorité sur les territoires relevant des contrats de développement territorial (CDT). Cette méthode nous a permis d'élaborer un outil de territorialisation des objectifs de logements en définissant des points de repère assurant la cohérence des CDT conclus par l'État avec l'objectif défini par le législateur. Il s'agit donc bien de faire plus de logements en vue de renforcer le développement économique.
Quant à la mobilité, elle suppose de mener, au-delà du principe d'un métro rapide qui irrigue ces territoires, un complément de réflexion sur le « transport secondaire » – le transport de rabattement sur les gares principales – et la bonne irrigation des quartiers, afin d'éviter que, comme l'évoquait tout à l'heure M. Paternotte, des quartiers puissent se trouver totalement isolés et connaître des taux de chômage très élevés à proximité de zones de forte activité ménageant des possibilités d'emplois. Cette vision complémentaire du réseau principal doit donc être intégrée dans le troisième volet du CDT afin de mieux assurer l'adéquation entre les emplois, les logements et les activités.
L'AOT de second rang est, dans certains cas, une bonne réponse pour une meilleure adaptation et une meilleure vision locale du transport – du moins sous réserve qu'aucun déficit d'exploitation ne soit reporté sur « la maison mère ». C'est la raison pour laquelle j'ai encouragé l'adoption d'une telle AOT pour Saclay, où elle se justifiait. Il serait également justifié que le grand Roissy fasse aussi l'objet d'études en ce sens.
Pour ce qui est des gares, nous avons lancé une réflexion visant à associer tous les partenaires intéressés afin d'identifier des lieux emblématiques qui pourraient être autant d'éléments de visibilité forte. De même que Paris intra-muros s'est illustrée jadis avec des gares symboliques d'un point de vue tant historique qu'architectural, une réflexion s'impose aujourd'hui en vue de construire les gares du xxie siècle, qui doivent à la fois être des lieux de visibilité, appuyés sur des études d'architectes et d'urbanistes, et des lieux de multifonctionnalité où se combineraient mobilité, commerces, culture et prestations de services. Il ne faut pas exclure que l'élaboration de ces gares nouvelles, associant des activités très différentes, fasse appel à de nouveaux modes de financement, et des partenariats public privé pourraient ainsi être conclus pour certaines gares à caractère symbolique – soit, sur les 57 gares prévues, la dizaine de celles qui représentent des noeuds importants. L'on ne peut que se réjouir de constater que le thème a suscité un grand intérêt : la SGP a engagé des études et mis en place des comités de pilotage, tandis que la SNCF s'est renforcée en interne pour mener cette réflexion.
Les CDT sont cependant loin de se limiter au périmètre des gares, qui a été visé par le législateur comme permettant de mettre en oeuvre cet outil particulier qu'est la Société du Grand Paris (SGP), destinée à être acteur sur ces territoires, mais cela n'exclut en rien l'ensemble du territoire concerné. C'est d'ailleurs le cas des CDT sur lesquels nous travaillons.
Le défunt CDG-Express, projet porté naguère par une entreprise privée, n'a pas abouti, mais les ministres ont relancé la réflexion et m'ont confié le soin de la mettre en oeuvre, ce qui sera chose faite pour le 21 février. Il nous est apparu que cette ligne devait relier l'aéroport Charles de Gaulle à Paris et les grands opérateurs ont désormais accepté les conditions techniques de cette liaison, qui arrivera à la Gare de l'Est, verra son tracé faire une « virgule » et se verra doter de voies supplémentaires pour ne pas encombrer cette aérogare. Nous avons également bien avancé sur les éléments financiers. Restent donc à voir les éléments juridico-financiers.
Il me semble, et cet avis est partagé par tous les acteurs qui étudient ce dossier, qu'il n'y a pas de concurrence entre les deux lignes. De fait, le Charles-de-Gaulle Express, qui reliera l'aéroport Charles-de-Gaulle et Paris intra-muros sans arrêt et pour un prix supérieur à 20 euros, c'est-à-dire plus cher que le trajet en RER, s'adressera à une clientèle d'affaires ou de tourisme. Il n'existe du reste pas de liaisons directes entre la Gare de l'Est et La Défense et les voyageurs qui emprunteront le Charles-de-Gaulle Express le feront essentiellement pour se rendre le plus rapidement possible dans le centre de Paris avec un confort équivalent à celui que proposent les lignes reliant les grands aéroports internationaux aux capitales qu'ils desservent. Je me suis d'ailleurs toujours employé à expliquer aux différents ministres compétents qu'il n'y avait pas de concurrence entre ce que l'on appelle aujourd'hui Grand Paris Express et ce qu'était alors le CDG Express. C'est la raison pour laquelle j'ai pris la responsabilité de prononcer une déclaration d'utilité publique (DUP), qui a certes fait l'objet d'attaques, mais a finalement été validée par le Conseil d'État.
La question relative aux relations entre les préfets de région appelle une réponse nuancée. Des relations de parfaite collaboration sont établies avec les préfets de région de Normandie, car la logique du Grand Paris associe les deux Normandie et fait écho à une future ligne à grande vitesse. Je travaille par ailleurs avec mon collègue de Champagne Ardenne sur certaines liaisons, notamment sur le problème de l'électrification de la ligne Paris-Troyes – ou Paris-Bâle. Les liens sont cependant moins continus avec la Picardie, alors que le Grand Roissy comporte une forte dimension picarde ; cette question aura, je l'espère, un regain d'actualité avec la mise en place, le 14 février, d'une gouvernance du Grand Roissy.
Je plaide pour un peu d'indulgence quant à l'augmentation des coûts car tous les grands investissements, notamment publics, connaissent toujours un coefficient de majoration entre le point de départ et le point d'arrivée – je ne connais pas d'exemple du contraire.
Pour tenter de contenir ces coûts, trois éléments sont nécessaires. Il faut en premier lieu du courage : celui de résister aux différents appétits qui se manifestent. De fait, si on joue le jeu, les débats publics et les échanges qui constituent la démocratie locale se traduisent généralement plutôt par des augmentations que par des diminutions des coûts. C'est le cas d'Éole, pour lequel a été demandée une gare supplémentaire, parfaitement justifiée sur le plan territorial, mais dont il faudra assumer le coût. Il faut donc savoir dire « non » à certaines demandes !
Le deuxième élément consiste à mieux anticiper les réponses et, pour ce faire, prêter une grande attention aux études préalables. Je veille toujours à éviter de faire des études sans motif – ce qui peut être un excellent moyen de ne pas agir –, mais le risque de dérapage financier est encore plus grand si nous n'en faisons pas.
Il convient également d'être lucides quant aux délais, afin d'éviter les dérapages du calendrier. Ils se traduisent toujours par des augmentations des coûts. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place, pour Éole, des groupes assurant un suivi attentif et régulier.
Les relations entre la RATP, la SNCF, RFF, l'État et le STIF – car il faut désormais tenir compte de cet acteur de premier plan – sont complexes. Plus les acteurs sont nombreux, plus il est nécessaire de coordonner – et donc de savoir qui doit avoir cette responsabilité de coordination, dans le cadre de répartitions de compétences d'une rare complexité et où le seul « juge de paix » est l'usager. On pourrait envisager de revisiter la répartition des compétences entre la RATP, la SNCF et RFF, mais il est d'autant plus difficile de différencier les territoires, déjà fortement imbriqués, que les ego en jeu compliquent encore les relations. Une telle révision concernant la SNCF et RFF était d'ailleurs l'une des conclusions des réflexions lancées récemment sur le ferroviaire. Cette question est régulièrement abordée au conseil d'administration de la SNCF, dont je suis membre, et cette entreprise souhaite déplacer le curseur, jugeant que la réforme n'a pas été menée jusqu'à son terme. Les progrès réalisés notamment à propos de la ligne B du RER ne suffisent peut-être pas et une unité de vue pourrait être nécessaire. La question est devant nous.
Quant à savoir si nous avons eu une vision stratégique, il me semble que cela n'a guère été le cas depuis vingt-cinq ans. La dernière vision stratégique me paraît avoir été celle de mon prédécesseur Paul Delouvrier. Depuis lors, on a « tiré » sur les lignes pour adapter le réseau à l'éloignement croissant des habitants chassés par le coût du foncier, ce qui fragilise beaucoup le système de transports – c'est l'« effet papillon » évoqué tout à l'heure : un problème à un bout de la ligne se répercute sur l'ensemble. Ce constat fait l'unanimité, et il nous faut nous interroger sur l'efficacité de l'unité de la tarification – ceux qui habitent loin ne paient pas plus cher – pour prévenir l'étalement urbain. Peut-être faut-il aussi savoir couper ou réduire certaines lignes, plutôt que de continuer à les fragiliser en les prolongeant, mais la décision de substituer un autre mode de transport au RER dont bénéficiaient certains usagers pour faciliter le fonctionnement global du réseau n'est pas sans poser des problèmes. Une réflexion s'impose également sur les dessertes qui se brancheront sur les nouveaux modes de transport prévus.
Il reste donc « du grain à moudre » en termes de réflexion globale. De plus, le transport n'a plus véritablement de pilote – ou plutôt, il en a plusieurs –, ce qui complique la réflexion.