L'une de mes missions premières est de veiller au développement de la région capitale, qui représente le sixième de la population nationale et le tiers du produit intérieur brut de notre pays – de telle sorte que l'avenir de la région d'Île-de-France et celui de notre nation tout entière sont intimement liés. C'est à partir de ce constat qu'a été conçu le projet du Grand Paris, qui vise principalement à rendre à notre région les moyens d'être compétitive dans le cadre de la concurrence mondiale entre métropoles de premier rang et de tirer vers l'avant avec elle la France entière. Cette approche s'inscrit quelque peu en rupture avec la conception précédente de l'aménagement du territoire, consistant à freiner le développement de la région Île-de-France pour permettre aux autres régions françaises de se développer. Le problème ne se pose plus aujourd'hui dans les mêmes termes, car les autres régions ont désormais montré leur capacité de développement et l'on s'est rendu compte que freiner l'Île-de-France avait, en revanche, pour effet de faire reculer le Grand Paris dans le classement mondial des grandes métropoles.
La question des transports est centrale pour la réalisation de cet objectif. Elle recouvre celle, primordiale, de l'amélioration du fonctionnement du réseau express régional, le RER, qui structure le fonctionnement de la métropole, son marché de l'emploi donc détermine son attractivité.
Ce réseau est aujourd'hui saturé. Il est victime d'un effet de ciseaux produit par l'augmentation de la fréquentation et le vieillissement des infrastructures qui n'ont pas été rénovées à temps, faute d'investissements au cours des vingt à vingt-cinq dernières années. Ce constat est partagé par tous, ainsi que la volonté de mobiliser des moyens exceptionnels pour y remédier – le Président de la République s'est d'ailleurs exprimé sur ce point dans son discours du 5 décembre dernier.
Pour y parvenir, les leviers directs à actionner sont connus. Il s'agit d'abord de rénover les infrastructures existantes et d'accroître les capacités du réseau, en particulier dans les goulets d'étranglement tels que le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord ou encore Brétigny. Il s'agit aussi de repenser les dessertes en mettant en place un système dans lesquels les trains omnibus à haute fréquence en zone dense sont complétés par des trains rapides. Enfin, il convient d'améliorer les conditions d'exploitation – je rappelle à cet égard les efforts déployés pour obtenir une meilleure synergie entre la RATP et la SNCF – et installer de nouveaux moyens informatiques.
Les choix à opérer dans ces différents domaines relèvent plutôt de l'autorité organisatrice, et ils vous ont sans doute été largement présentés lors des auditions auxquelles vous avez déjà procédé.
Une fois ces choix arbitrés et au-delà des contraintes techniques, l'un des principaux facteurs « limitants » est la quantité des financements mobilisables. L'accord conclu entre l'État et la région le 26 janvier 2011 a constitué une avancée très importante, car cette convention a permis d'arrêter une stratégie d'investissement axée sur deux volets qui se veulent complémentaires : l'amélioration à court et moyen terme des transports franciliens au moyen du plan de mobilisation et la réalisation à plus long terme d'un nouveau métro automatique de grande capacité, prévu par le dispositif de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il s'agit là d'une rupture par rapport à la logique qui prévalait précédemment, car ce plan vise à assurer une desserte « point à point » de cette grande métropole sans passer par le centre – Paris intra muros – et à éviter ainsi les bouchons que nous constatons aujourd'hui.
L'accord du 26 janvier 2011 prévoit que plus de 10,9 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2020 seront consacrés aux transports collectifs, dont 4,7 milliards d'euros, soit près de la moitié, dédiés à l'amélioration du RER. À ce titre, les schémas directeurs du RER D et du RER C représentent un investissement de 500 millions d'euros, la réalisation du schéma directeur du RER B Nord + atteint 220 millions d'euros et le prolongement d'Éole à l'Ouest 2,5 milliards d'euros – ce dernier budget étant actuellement en cours de discussion, car la facture dépasse désormais 3 milliards d'euros, du fait de demandes qui me semblent du reste justifiées.
On voit bien que la priorité a été logiquement donnée au RER. Cet engagement s'est concrétisé par la signature entre l'État et la région, le 26 septembre 2011, d'une convention spécifique « transports » qui porte, sur la période 2010-2013, les engagements de l'État et de la région en faveur des transports collectifs franciliens à plus de 2,745 milliards d'euros, dont 1,084 milliard pour l'État, ce qui représente un effort exceptionnel dans les circonstances budgétaires actuelles. C'est également une démarche originale car, du fait de la répartition des compétences entre la région et l'État définie en 2004, l'État n'a pas nécessairement à intervenir financièrement dans ce domaine.
Pour ce qui concerne le RER, la convention prévoit notamment des opérations d'urgence permettant d'engager sans attendre le schéma directeur du RER C et de réaliser les premiers travaux de réaménagement du pôle de Juvisy, point nodal de l'amélioration du système de fonctionnement du RER C, ainsi que les études de poursuite du schéma directeur et des premiers travaux sur le RER D, et d'engager tant les études que le lancement de travaux du RER E à l'Ouest, dans la section Nanterre–Mantes-la-Jolie.
Au-delà de l'accord sur le programme, il nous appartient d'être vigilants quant à la mise en oeuvre dans les délais des programmes contractualisés. Un dispositif de suivi adapté, associant les opérateurs, l'État et la région, a été mis en place en ce sens, le 2 décembre dernier. Nous veillerons ensemble à ce que les crédits annoncés soient mobilisés efficacement et rapidement. Les efforts se prolongeront ensuite lors de la négociation du prochain plan État-région, qui sera conduite dans le respect de l'accord du 26 janvier 2011.
Le deuxième point que j'aborderai est le projet de transport automatique du Grand Paris Express, sur lequel l'État et la région se sont engagés et qui représente 20,5 milliards d'euros d'investissement. Il s'agit d'une perspective plus lointaine pour des usagers qui subissent aujourd'hui les dysfonctionnements du réseau, mais les premiers tronçons, qui seront mis en service dans moins de dix ans, seront de nature à améliorer la situation et ce délai, bien qu'il paraisse long, est comparable à celui de la réalisation d'autres infrastructures lourdes, notamment pour l'amélioration du RER.
Dix-neuf des cinquante-sept gares du futur réseau du Grand Paris seront en interconnexion avec le RER. Le nouveau réseau, structuré en rocade, modifiera profondément les habitudes de transport des Franciliens en facilitant les déplacements de banlieue à banlieue, qui représentent aujourd'hui plus du tiers des déplacements quotidiens. Les modèles de trafic présentés lors du débat public sur ce grand projet montrent que le réseau du Grand Paris déchargera significativement les lignes du RER – de l'ordre de 10 % aux heures de pointe et, pour les tronçons centraux, les plus saturés, de 20 % pour les RER A et B, de 15 % pour les RER C et D et de plus de 20 % pour le RER E.
Le réseau du Grand Paris permettra donc d'absorber une grande partie de la hausse du trafic projetée d'ici à 2025. Nous aurons ainsi apporté une réponse importante à au problème de saturation du RER.
Le troisième point que j'aborderai est l'aménagement de la région parisienne en vue d'équilibrer habitat et activités. Face aux contraintes budgétaires et techniques d'intervention sur le réseau et aux contraintes physiques inhérentes au milieu urbain, il est clair que la réponse à la hausse continue de la demande de transports ne pourra se limiter à multiplier toujours plus les infrastructures et le nombre de trains. La saturation des RER doit conduire à s'interroger plus largement sur la façon dont nous nous déplaçons. Dans le respect des compétences de l'autorité responsable des transports, il faudra réfléchir à la manière de favoriser un étalement dans le temps de la pointe matinale.
Au-delà de l'organisation de l'utilisation du réseau, se pose la question de l'aménagement du territoire francilien, qui exige de concilier deux objectifs moins antagonistes qu'ils ne semblent l'être : développer des pôles d'activités polarisées – ou clusters – assez importants et lisibles pour exercer un rayonnement international et rapprocher davantage les logements des emplois, en développant un tissu urbain mixte et accessible. Ces deux logiques doivent être conciliées dans une démarche contractuelle, que j'avais suggéré d'ajouter au schéma que proposait le secrétaire d'État de l'époque et qui consistait à relier des clusters par un métro automatique rapide. Ces contrats sont menés en liaison avec les collectivités, afin d'en faciliter l'appropriation par les parties prenantes. Je veille à ce que le développement économique s'accompagne systématiquement de la production de logements, en privilégiant la densification – certains parlent de « compacité » – et à ce que celle-ci se fasse autour des futurs noeuds de transport du Grand Paris.
Un deuxième outil dont nous disposons consiste à veiller à l'équilibre entre l'habitat et les activités par le biais de la délivrance de l'agrément auquel est soumise toute opération de construction de locaux d'activités de grande ampleur. Une étude de circulation comportant une évaluation du trafic engendré par la construction est alors exigée et l'agrément n'est délivré qu'à la condition que des projets de logements équivalents soient également programmés dans la commune. Le rééquilibrage territorial entre les activités et les logements est un souci constant et s'appliquera nécessairement au futur Schéma directeur de la région (SDRIF) , actuellement en révision.
La résolution pérenne des difficultés du RER ne peut passer que par les trois leviers mis en place simultanément : l'amélioration du réseau existant tant en matière d'infrastructures que d'exploitation ; la création d'une nouvelle rocade de métro automatique à grande capacité ; le rééquilibrage du tissu urbain par des projets de développement mixte associant étroitement les logements et les activités.