En clair, cela signifie que nous ne pouvons faire plus et plus vite pour combler le retard et renouveler les rails, traverses et câbles électriques trop âgés.
J'en viens à l'investissement proprement dit sur les programmes de RER. Les RER ont leur histoire et leur géographie que vous connaissez bien. Une fois qu'on a amélioré leur entretien et leur renouvellement, il s'agit d'améliorer leur capacité. Cela passe par des investissements plus substantiels, et donc par les schémas directeurs. Là aussi, les projets ont tardé à être définis. Il est vrai qu'ils sont complexes à monter. Se mettre d'accord avec la SNCF Transilien et le STIF sur un schéma directeur et sur les choix à faire – localisation des voies supplémentaires, augmentation ou réduction des dessertes – n'est pas chose aisée. Comment s'y prendre pour améliorer la structure même du réseau RER ? La réponse est loin d'être simple ! Néanmoins, nous avons aujourd'hui un schéma directeur pour tous les RER ou presque – sont concernés le B, le C, le D et le E. De nombreux programmes sont arrêtés pour les cinq ans qui viennent, soit jusqu'en 2017-2018. Des programmes plus substantiels – qui ne sont pas encore financés – sont également prévus à l'horizon 2020-2025.
Le pilotage des schémas directeurs est assuré par le STIF, autorité organisatrice de transports. Quand bien même elle requiert une approche technique, la démarche part en effet du service à rendre – quelles améliorations de cadence, de régularité ? Le STIF a donc la main sur la définition du projet, à charge pour RFF de lui fournir les éléments d'étude qui permettront d'arbitrer entre les choix d'investissement. Reste ensuite à combiner les investissements sur un itinéraire. Le schéma directeur orchestre sur un certain nombre d'années un ensemble d'opérations qui doivent avoir leur cohérence pour permettre à terme d'augmenter le nombre de trains, la fréquence, le nombre d'arrêts et la qualité du service sur la ligne.
Le programme de schémas directeurs a été difficile à mettre au point, et il progresse à des rythmes différents selon les lignes. C'est sur le RER B Nord qu'il est le plus avancé : nous sommes proches de la phase finale. Bref, nous avons de quoi travailler – avec les financements nécessaires – pour les années qui viennent. Cette première série d'améliorations de l'investissement va permettre de franchir un pas vers une plus grande qualité.
Nous avons cependant avec la géographie des RER un autre problème, et d'une autre nature : les lignes sont trop longues et trop compliquées, si bien que même en augmentant le nombre de voies et en installant des postes d'aiguillage neufs, la mise en qualité du réseau se heurte à de vraies difficultés. Sans doute vous a-t-on déjà parlé de l'idée de séparer les flux : lorsqu'une section du réseau est fréquentée par les RER, mais aussi par des TGV et des trains de fret, il est impossible d'assurer une très bonne qualité, même si le rail est parfait. Le « mélange des genres » dans le trafic ne permet pas de faire du haut de gamme, car celui-ci exige une exploitation séparée, une cadence rapide et un mode de fonctionnement adapté au service. Il y a là un problème d'incompatibilité difficile à résoudre. Nous ne pouvons détricoter du jour au lendemain le réseau de l'Île-de-France : il faut faire avec. Lorsque c'est possible, nous nous attachons cependant à proposer une simplification du réseau RER. Il peut s'agir de couper certaines branches qui se mélangent trop, d'essayer de trouver des sections où le réseau soit dédié au RER, en séparant les voies… C'est un travail structurel, de long terme, qui s'ajoute aux efforts de court et moyen termes que nous avons déjà évoqués. Il ne faut pas sous-estimer sa complexité, mais il ne faut pas non plus reculer devant sa nécessité. Par exemple, nous prolongeons le RER E à l'Ouest, mais cette prolongation ne s'inscrit pas dans la continuité de la ligne à l'Est. Il y aura donc deux demi-lignes, ce qui évitera qu'un incident n'affecte l'ensemble de la ligne.
En ce qui concerne le mode de pilotage, deux points font l'objet d'une attention particulière. Il s'agit d'abord de l'interconnexion SNCF-RATP, qui est une source majeure de dysfonctionnements. Le problème peut être traité par une collaboration, une organisation différente ou une cogestion de la ligne par les deux entreprises – et elles y travaillent. Mais cela n'empêche pas que la zone centrale du RER A – pour prendre un exemple – fonctionne véritablement comme un métro tandis que ses extrémités se divisent en plusieurs branches. Même avec un seul opérateur, on n'échapperait donc pas aux difficultés que pose la coexistence sur la ligne d'une zone parisienne à haute densité et très cadencée et de branches aux situations très variées. Bref, il n'y pas seulement un problème de cohérence entre deux opérateurs, mais aussi un problème de nature du réseau. C'est pourquoi nous considérons que l'une des contributions les plus utiles que nous puissions apporter à l'amélioration du RER A est la réalisation du RER E. Ce dédoublement permettra de simplifier sensiblement la gestion de la ligne.
Le deuxième point sur lequel j'appelle votre attention est le suivant : la séparation entre le transporteur et l'opérateur qui s'occupe des sillons et des circulations – on parle de RFF par souci de simplification, mais il s'agit en réalité de RFF et de la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), une direction autonome de la SNCF qui travaille pour le compte de RFF : est-elle adaptée à la situation de l'Île-de-France ? Je dirai que le plus important pour nous n'est pas de respecter les dispositions législatives ou européennes en la matière : cela va de soi, mais cela ne doit pas nous empêcher de pourvoir à plus essentiel : inventer des modes de gestion adaptés aux situations réelles. Il y a une réalité : nous devons organiser la cohabitation de plusieurs activités sur le réseau francilien, ce qui suppose de disposer d'une « tour de contrôle » commune aux RER et aux autres trains. Pour autant, rien ne nous interdit, sur les sections RER sur lesquelles il n'y a pas de concurrence, de mettre au point avec le STIF des modes d'exploitation adaptés à la nature du trafic, à savoir un trafic dense, qui exige de pouvoir prendre des décisions en temps réel et sans contraintes inutiles. Dès lors qu'il n'y a qu'un seul transporteur, Transilien, organisons la gestion de ces sections en convenant avec les personnels concernés de la meilleure manière de faire.
Vous avez utilisé le terme de « délégation ». Il n'est pas tout à fait approprié, puisqu'il ne s'agit pas d'une délégation au sens juridique du terme, mais d'un mode opératoire. Ce que nous souhaitons faire, c'est mettre la DCF et Transilien dans une disposition d'esprit et d'action commune. Compte tenu de leurs contraintes, il leur faut trouver la meilleure manière de s'organiser ensemble pour assurer le pilotage de ces lignes, en tenant compte du fait que sur certaines sections, il peut y avoir d'autres trains, mais en essayant de réduire au maximum les contraintes de ce voisinage et en se concentrant sur le sujet principal : l'organisation de cette circulation de RER dense et la meilleure gestion possible des situations dégradées. Il faut vraiment que nous mettions au point un mode de gestion et des outils. Vous savez sans doute que la régulation des trains sur la ligne C du RER est assurée par des agents implantés à Montparnasse – qui n'est pas une station de la ligne. Peut-être aussi avez-vous visité le poste des Invalides, que nous venons de rénover. Ne pourrait-on y installer les agents qui s'occupent du RER C ? L'idée est d'adopter les modes opératoires, les outils, les lieux d'implantation et les modes de collaboration qui permettent de tirer le meilleur parti possible d'une proximité entre le régulateur – RFF DCF – et le transporteur – Transilien – sans méconnaître les contraintes qui s'imposent à nous, et notamment le fait que certaines parties du réseau sont fréquentées par des trains venant d'ailleurs. C'est une approche qui se veut pragmatique. Nous proposerons donc dans les deux mois à venir une adaptation du mode opératoire de gestion de ces lignes, élaborée conjointement avec la DCF et Transilien, et que nous allons examiner avec la SNCF.
Il nous faudra ensuite combiner, pour les RER A et B, cette approche coopérative avec la circulation RATP. Il faut conjuguer la coopération entre les personnes avec un effort considérable d'investissement. À cet égard, j'ai un regret : alors que la RATP a organisé depuis très longtemps le pilotage par axes, RFF et la SNCF ont tardé à suivre cet exemple et continuent de privilégier une gestion par territoires. Le RER nécessite évidemment une gestion par axes : il faut que quelqu'un soit responsable sur l'ensemble de l'itinéraire du pilotage des trains, des relations avec les conducteurs, des relations avec les clients et de l'information des voyageurs. Or cette organisation structurée par axes n'a pas été mise en place. Cela est vrai aussi d'un point de vue technique : nous avons 17 postes d'aiguillage sur le RER D ! Autrement dit, il faut organiser la coopération et la coordination de 17 lieux et de 17 personnes alors que sur son axe, la RATP a un poste de commande unique. Bref, il y a un gros effort d'investissement et de rationalisation des outils à entreprendre.