La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 4 novembre 2010, a initié un important revirement de la jurisprudence en matière de responsabilité civile applicable au sport. La Haute juridiction a partiellement abandonné la théorie de l'acceptation des risques inhérents à la pratique sportive.
Cette évolution jurisprudentielle est de nature à mettre en danger la pratique du sport de compétition et celle du sport comme loisir, ainsi que la situation financière des fédérations sportives et de tous les organisateurs de compétitions. Je précise, cher François Rochebloine, que le sport automobile n'est pas le seul concerné.
Les fédérations, d'abord, soumises à une obligation d'assurance, devront assumer la réparation intégrale des dommages matériels et corporels résultant d'accidents survenus en compétition et lors des entraînements. À l'évidence, cette charge conduira à une augmentation exponentielle des primes d'assurances, qu'elles ne pourront financer pour la plupart, à moins de trouver des solutions palliatives de financement comme l'augmentation du prix des licences, ce qui n'est ni souhaitable ni acceptable.
Il n'est pas exclu également de voir les compagnies d'assurances refuser de garantir les pratiques sportives les plus risquées.
Les sportifs, ensuite, seront incités à renoncer à la pratique du sport afin de ne pas risquer de voir leur responsabilité engagée en cas de dommage pourtant causé dans le cadre d'un exercice normal des règles du jeu.
Enfin, les organisateurs de grandes compétitions internationales pourraient être réticents à confier à la France l'accueil de telles manifestations, en considération d'un tel régime de responsabilité et de ses incidences à leur égard.
Il faut souligner que le texte adopté par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, qui ne prévoit une exclusion de responsabilité que pour les dommages matériels et immatériels causés par une chose gardée par un sportif, acte par une interprétation a contrario la reconnaissance d'une responsabilité de plein droit du fait des choses pour les dommages corporels.
Ce faisant, l'adoption de cette version de la proposition de loi graverait dans le marbre la disparition de la théorie de l'acceptation des risques dans le sport. Elle donnerait libre cours à une extension du droit commun de la responsabilité civile à tous les types de dommages causés par des sportifs, laissant le problème soulevé par la jurisprudence de la Cour de cassation en grande partie sans réponse.
Or il est absolument vital pour le sport que lui soit appliqué un régime spécial de responsabilité pour les accidents résultant de la pratique sportive, causés ou non par une chose, dans des lieux réservés de manière permanente ou temporaire à cette pratique. C'est pourquoi nous présentons un amendement qui prévoit que la responsabilité d'un sportif à l'égard d'un autre sportif ne peut être engagée, en cas de dommage causé par la chose dont il a la garde à l'occasion de l'exercice d'une activité sportive en compétition ou lors d'entraînements, qu'en cas de faute caractérisée par une violation des règles du jeu. La commission n'a pas voulu accepter cet amendement déposé par de nombreux députés venant de tous les bancs de l'hémicycle.
Nous pourrions revoir notre position s'il était adopté par l'Assemblée ; dans le cas contraire, nous émettrons de très fortes réserves à l'égard de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)