Vous voulez un vote conforme, mais vous ne pouvez pas être sûr de ce que fera le Sénat.
Pourquoi, à la hâte, revenir sur une jurisprudence récente de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, qui de fait est loin d'être fixée définitivement ? En effet, postérieurement à cet arrêt, des juges se sont prononcés en s'appuyant sur la théorie de l'acceptation des risques, refusant l'indemnisation d'une victime d'accident sportif.
De fait, et compte tenu du faible recul dont nous disposons, il est bien difficile de mesurer précisément les conséquences sur les pratiquants, sur les disciplines sportives concernées et sur celles et ceux qui ont en charge de les organiser.
Bien entendu, si l'arrêt du 4 novembre 2010 venait à être confirmé, l'abandon de la théorie de l'acceptation des risques permettrait une extension du droit commun de la responsabilité civile à tous les types de dommages causés par les sportifs.
Du point de vue juridique, cela constituerait une avancée bénéfique en permettant une meilleure prise en compte des intérêts des victimes, en accord avec l'évolution générale du droit. Mais, dans le même temps, le passage d'un régime de responsabilité pour faute à un régime de responsabilité sans faute ouvrirait largement le champ de l'indemnisation, ce qui semble poser problème.
En effet, la responsabilité des organisateurs d'événements et des fédérations serait systématiquement engagée, et on peut imaginer – il ne s'agit encore que d'une hypothèse – des incidences fortes à leur niveau. Sans doute la Haute juridiction n'en avait-elle pas mesuré tous les contours en procédant à ce revirement de jurisprudence.
Quelles sont ces incidences ?
C'est tout d'abord le fait que le sportif blessé n'aura plus à démontrer la faute du concurrent responsable du dommage corporel. On peut dès lors penser que cela multipliera l'engagement de procédures.
C'est aussi la possibilité de demande d'indemnisation de tous les dommages par la victime : dommages matériels et immatériels qui pourraient dans certains cas atteindre des sommes très élevées, comme on nous l'a précisé pour ce qui concerne l'automobile.
Les organisateurs et les fédérations tenues de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile des concurrents entre eux verraient donc ainsi celle-ci systématiquement mise en jeu dans le cas de la responsabilité d'un concurrent à l'origine d'un dommage
Nous n'avons pu prendre l'avis du secteur des assurances mais, à l'évidence, une augmentation notable du nombre des dommages indemnisables fera augmenter mécaniquement le montant des primes d'assurance. Cela a pu être vérifié pour plusieurs activités sportives, mais pour d'autres raisons relevant des règles du jeu. Dans les sports à risques, l'organisation des compétitions, voire des entraînements exige, ce qui est bien normal, la mise en oeuvre d'une sécurité répondant à un cahier des charges contraignant et en même temps coûteux.
L'augmentation prévisible, que certains disent pouvoir être très importante, du coût de l'assurance légale et réglementaire pourrait dissuader certains de continuer à organiser des manifestations et des épreuves fédérales, à moins d'augmenter de façon exponentielle le prix des licences.
Les organisateurs et les fédérations pourraient donc rencontrer une difficulté réelle ; en cela nous partageons l'avis du rapporteur.
Comment y remédier ?
La proposition de loi vise à exclure explicitement du régime de la responsabilité civile sans faute les dommages matériels et immatériels causés à d'autres pratiquants à l'occasion de l'exercice d'une activité sportive sur un lieu dédié à celle-ci. Règle-t-on pour autant le problème, comme vous le prétendez ?
Assurément non puisque la rédaction qui nous est proposée acte la reconnaissance d'une responsabilité de plein droit du fait des choses pour les dommages corporels.
Si nous voulons donner toute sa pertinence à cette proposition de loi et apporter des réponses au monde sportif, qui semble les attendre, on ne peut rester au milieu du gué.
C'est la raison pour laquelle, nous avons soumis à la commission, lors de la réunion tenue en application de l'article 88 du règlement, un amendement visant à reconnaître un régime spécial de responsabilité pour les accidents résultants de la pratique sportive, causés ou non par une chose. Il a été repoussé.
C'est de cet amendement portant sur la reconnaissance de la responsabilité pour faute ou violation des règles du jeu que nous souhaitons débattre. Notre vote dépendra de l'issue de cette discussion et de l'adoption ou du rejet de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)