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Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 6 février 2012 à 21h30
Responsabilité civile des sportifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on peut en effet se demander pourquoi avoir inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée cette proposition de loi sur la responsabilité civile des sportifs, et pourquoi l'avoir fait en urgence. À la première partie de la question, le rapporteur a répondu, et c'est le rôle du Gouvernement de légitimer l'urgence.

Je vous en remercie, monsieur le ministre, car la décision de novembre 2010 de la Cour de cassation est à haut risque. En effet, ne plus admettre le bénéfice de la théorie du risque accepté au profit de la responsabilité sans faute, c'est ni plus ni moins transférer cette responsabilité sur les organisateurs et les participants aux compétitions.

Que représente la théorie du risque accepté dans la pratique sportive ? Pensez-vous un instant que, pour un enduro, le Paris-Dakar, les 24 heures du Mans, le rallye de Monte-Carlo ou un Grand prix sur circuit, on trouverait des concurrents si l'état d'esprit naturel des pilotes n'était pas d'accepter de prendre des risques ? Et pensez-vous qu'un organisateur continuerait à programmer de telles épreuves si la responsabilité sans faute lui incombait en totalité ? Qu'on pense à l'accident dramatique de Pierre Levegh sur Mercedes au Mans en 1955 ou, plus récemment, sur le même circuit, à la violente collision entre une Audi et une Ferrari en 2011. La responsabilité des conséquences devait-elle être attribuée aux pilotes, aux véhicules, aux organisateurs ?

On voit bien que la décision de la Cour de cassation modifie en profondeur la nature des contrats d'assurances, dont les primes vont devenir très élevées. Les contentieux vont se multiplier. Les sports mécaniques ne seront pas seuls concernés. Les conséquences peuvent se faire sentir pour le cyclisme, le bateau, l'escrime, peut-être le javelot – il y a eu un drame il y a deux ans au meeting de Rome – et le marteau. Le sport que vous pratiquez, monsieur le ministre, semble cependant à l'abri.

La Cour de cassation poursuit certes l'objectif louable de protéger les intérêts des victimes de dommages corporels en revenant à une application stricto sensu de l'alinéa premier de l'article 1384 du code civil et en récusant l'acceptation des risques.

Le code du sport impose aux associations, aux sociétés et aux fédérations deux obligations en ce qui concerne les assurances. D'abord, elles doivent souscrire un contrat d'assurance des personnes couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique peut les exposer. Les fédérations souscrivent donc des contrats collectifs, associés à la délivrance d'une licence. Ensuite, elles doivent souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile. Cela vaut, au-delà des fédérations, pour les organisateurs de manifestations et les gestionnaires de circuits.

Le code du sport prévoit en outre que les participants et les licenciés sont tiers entre eux, ce qui permet à l'assurance de jouer pour les assurés d'un même contrat de responsabilité civile, qui a pour vocation de réparer les dommages causés à un tiers.

Mais, dans les sports mécaniques, suite à l'arrêt de la Cour de cassation, des fédérations et certains organisateurs risquent à très court terme de ne plus être en mesure de respecter l'obligation de souscrire un contrat couvrant la responsabilité civile, ou avec une explosion du montant des primes. En effet, désormais, la responsabilité de tout pilote pourra être engagée même en l'absence de faute, dès lors que le dommage aura été le fait de la chose qu'il a sous sa garde, c'est-à-dire sa voiture, sa moto ou son vélo. Cela ouvre la voie à des demandes d'indemnisation de tous les dommages subis par les victimes, et de préjudices qui peuvent être également matériels comme la destruction de leur véhicule, voire d'un prototype aux 24 heures du Mans, ou d'une voiture de formule 1 accidentée lors d'un grand prix se déroulant en France.

L'impact financier de cette jurisprudence est donc dévastateur pour les organisateurs, les fédérations et également les sportifs, avec un risque important de ne plus pouvoir s'assurer. L'assurance en responsabilité civile étant une obligation, ce serait alors l'arrêt de mort de compétitions comme les prochaines 24 heures du Mans, le Rallye d'Alsace, le Bol d'or en moto et, pourquoi pas, le Tour de France cycliste.

Les Français ont avec le sport automobile un lien passionnel. Il a commencé en 1906 au Mans ; il existe 1 200 épreuves par an, près de 60 000 licenciés se regroupent dans 400 associations. La France a le plus beau palmarès au monde en ce qui concerne les pilotes et les marques. Votre ministère cite d'ailleurs dans son projet annuel de performance la place de premier mondial de notre pays en 2009. Cela vaut également pour la moto.

À mes yeux, l'acceptation du risque relève de l'engagement de l'individu et de sa réflexion personnelle. Qui croira qu'un pilote, sur la ligne de départ, n'a pas conscience du risque qu'il prend ? Dans le cas contraire, qu'il rentre chez lui faire du tricot !

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