Je remercie à nouveau nos deux rapporteurs, ainsi que les membres du groupe de travail et les fonctionnaires de l'Assemblée. Je suis d'accord avec Bernard Lesterlin : il faut souligner la mobilisation de nos collègues sur ce dossier, et nous veillerons à ce que leurs noms figurent en bonne place dans le rapport.
J'admets que l'ampleur du sujet m'avait inquiété. Le défi était difficile à relever, mais vous l'avez fait avec succès. La situation actuelle découle d'une des plus importantes mutations qu'ait connue la société française : en un demi-siècle, le nombre des exploitations agricoles est passé de 2,3 millions à 490 000, soit une diminution de 80 %. Il n'est donc guère étonnant que nous soyons aujourd'hui confrontés à un certain nombre de problèmes, qu'il s'agisse de la désertification de certaines zones ou des déséquilibres entre collectivités territoriales, beaucoup plus puissantes en milieu urbain. Cela soulève des questions extrêmement intéressantes sur la représentativité des territoires, notamment par rapport au nombre de leurs habitants ; il est heureux de pouvoir en débattre sans pressions politiques, conformément à la règle du CEC. De fait, on évoque souvent une surreprésentation des territoires ruraux au sein des collectivités – que je ne juge pas si grave que cela. Les tenants de la décentralisation se trouvent confrontés à la nécessité d'une régulation et d'un contrôle par la puissance d'État de l'indispensable solidarité entre les territoires.
Dans le même temps, la désertification des zones rurales et le manque de services publics – et de services en tous genres – en milieu rural sont réels. Pourtant, en une trentaine d'années, le nombre des fonctionnaires d'État a augmenté de 400 000 et celui des fonctionnaires territoriaux de 500 000 : cela semble signifier que si l'on avait voulu maintenir les services publics en milieu rural inchangés, on aurait eu les moyens humains de le faire. Ce rapport d'évaluation constitue une base de données extrêmement importante pour essayer d'infléchir ce qui doit l'être.
Je pense que vous avez raison en ce qui concerne le danger d'une fracture numérique. Toutefois, n'ignorons pas non plus les progrès fantastiques qui permettent d'accéder plus facilement à ces puissants moyens de se connecter au reste du monde.
Je finirai par deux réflexions personnelles. La première est d'ordre sémantique : vous recommandez une « mutualisation » des moyens, alors qu'il s'agit plutôt d'une « mise en commun », la mutualisation signifiant la mise en commun d'une charge ou d'un risque. Si l'on mutualise des moyens, il n'y a plus de gestion possible. Si, comme le suggère Louis Giscard d'Estaing, on procédait à l'évaluation de la loi Chevènement, on s'apercevrait que l'utilisation du terme « mutualiser » a conduit les collectivités, quand elles en avaient les moyens, à introduire un niveau administratif supplémentaire et à augmenter leurs dépenses de fonctionnement, sans pour autant apporter une amélioration de service significative. Il faut donc mettre en commun les moyens humains, financiers et immobiliers, notamment au sein de l'intercommunalité, et mutualiser les risques, les charges et le handicap territorial.
Deuxièmement, les élus ont besoin d'ingénieurs à leurs côtés. Alors que d'aucuns nous expliquent qu'il faut organiser la concentration des habitants au détriment des petites communes, ou développer certaines initiatives au détriment de notre avance technique, technologique et industrielle, il est vital d'assurer la présence, au niveau local et national, de fonctionnaires d'État qui soient des ingénieurs de haut niveau. La France moderne, celle des grands succès techniques et technologiques, résulte du travail des ingénieurs. L'aménagement du territoire doit découler d'une réflexion scientifique, et non seulement philosophique ou sociologique. Pour faire marcher la société, il faut que soient répartis de manière scientifique les moyens, l'énergie, les liaisons haut débit, les investissements.