Nous avons travaillé dans une entente que j'oserais presque dire exemplaire, et ce dans un environnement administratif particulièrement agréable.
Dans la première partie de notre rapport, nous avons analysé la coordination des politiques d'aménagement du territoire en milieu rural, puisque celui-ci concerne dix ministères, seize missions et trente-cinq programmes budgétaires. Le champ était si vaste que vous aviez exprimé quelques doutes, monsieur le Président, sur sa pertinence lors de la présentation du rapport d'étape. Cependant, toute vision partielle échoue à rendre compte de la politique d'aménagement du territoire, dont la particularité est d'associer la transversalité interministérielle et la verticalité, puisque c'est l'État qui donne l'impulsion. La Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) assure la coordination de ces politiques sous l'autorité du Premier ministre, laquelle est en réalité transférée à un ministre. Or, au cours de la présente législature, trois ministres ont été successivement chargés de l'aménagement du territoire : M. Borloo, qui fut assisté d'un secrétaire d'État ; M. Mercier, qui reçut un portefeuille dédié ; enfin, M. Le Maire, qui est chargé à titre principal de l'agriculture. L'une de nos recommandations est, d'une part, que la Datar reste directement placée sous l'autorité du Premier ministre, et, de l'autre, qu'un ministère soit réservé à l'aménagement du territoire, compte tenu de sa complexité et de la dynamique interministérielle qu'il requiert. Sur ce dernier point, la loi de développement des territoires ruraux de 2005 prévoyait une conférence annuelle de la ruralité ; or cette conférence ne s'est tenue que deux fois, en 2006 et en 2007.
Nos analyses et nos critiques sont assorties de recommandations, parmi lesquelles le renforcement du rôle de la Datar, qui a été dirigée, depuis sa création, par des personnes de grande qualité. L'immense majorité des habitants des territoires ruraux, élus compris, ne connaissent ni la Datar, ni le secrétaire général pour les affaires régionales (Sgar), qui est chargé de la coordination au niveau régional ; ils souffrent donc du manque d'interlocuteurs.
Il nous apparaît également essentiel de mieux articuler nos politiques avec celles qui sont menées au niveau européen. Ainsi, l'essentiel des crédits du Fonds européen agricole de développement rural (Feader), qui atteignent au total quelque 7 milliards d'euros, vont aux agriculteurs : il conviendrait de les redéployer davantage vers l'aménagement du territoire, celui-ci étant au demeurant indispensable aux agriculteurs eux-mêmes, et de décloisonner les différents fonds européens par une intégration de leur programmation en France.
Le deuxième volet concerne la gouvernance locale. Sur ce point, nous avons interrogé les consultants extérieurs sur ce qui leur semblait être la taille de territoire idéale, tant il est de tradition, en France, de calibrer les mêmes modèles pour tous. Mais il est apparu, précisément, que cet idéal n'existait pas : chaque territoire est construit par les hommes, selon une ingénierie particulière et par la mobilisation de ses forces vives, sous l'impulsion des acteurs locaux. En un mot, la bonne gouvernance des territoires ne dépend pas de leur taille.
Les consultants ont insisté sur l'importance de la matière grise. Or la plupart des intercommunalités sont de gestion, et non de projets. Des intercommunalités de projets seraient plus efficaces, par exemple, dans le cadre de la sollicitation des fonds, européens ou nationaux, ou du dialogue avec la Datar : en l'absence d'ingénieurs formés à la conception technique et financière des projets, ces territoires risquent de végéter. Nous préconisons donc que l'État prenne en charge cette ingénierie publique, autrefois assurée par les directions départementales de l'aménagement (DDA) et de l'équipement (DDE).
Par ailleurs, la dernière réforme territoriale a un peu abruptement supprimé, sinon les pays, du moins leur statut législatif. Selon les acteurs de terrain, cette décision fut une erreur, car les pays permettent la déclinaison locale des politiques d'aménagement du territoire.
Enfin, il existe deux modalités de mise en oeuvre des politiques publiques : la première réside dans les appels à projets et la seconde dans le zonage prioritaire. Celle-ci incite moins à la dynamique que celle-là, puisqu'elle repose sur l'attente passive des deniers publics. Il convient donc, selon nous, de combiner ces deux modalités.