De nombreux pays ont tenté ces dernières années de mettre en place des mesures nationales, montrant que la réflexion menée par Christian Estrosi est partagée en Europe, que ce soit en Allemagne, en Italie ou en Grèce, pour ne citer que ces trois exemples.
De son côté, le Parlement européen a voté, en 2010, une résolution demandant à la Commission de prendre toutes les initiatives nécessaires à ce sujet. La proposition de résolution qui est aujourd'hui soumise au débat va donc très clairement dans le bon sens.
Le premier point de ce texte, qui vise à rappeler que l'indication du pays de production d'origine des produits n'est pas synonyme de repli sur soi et de refus des évolutions du monde, est fondamental.
Toute initiative nationale en ce domaine est aujourd'hui vécue par certains au niveau européen comme une forme de protectionnisme, incompatible avec le principe fondateur de l'Europe de libre circulation des produits. Il faut, vous l'avez dit les uns et les autres, combattre cette idée. Le marquage d'origine des produits est surtout synonyme d'une meilleure information et d'une plus grande transparence vis-à-vis des consommateurs, qui en sont demandeurs. Aujourd'hui, au nom du principe de libre circulation des produits, cette transparence leur est de fait refusée. Cela n'est pas acceptable, et le Gouvernement est donc pleinement favorable au premier point de votre résolution.
Le deuxième point consiste à demander à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil de l'Union, de reconnaître que le marquage de l'origine ne constitue pas une entrave aux échanges. Il s'agit en particulier de faire évoluer la position actuelle de la Commission européenne qui, en dehors des produits agroalimentaires, s'oppose systématiquement à tous les dispositifs nationaux de marquage d'origine, y compris volontaires. Le Gouvernement est également favorable à cette seconde proposition, même si je veux attirer votre attention sur l'ampleur de la tâche. Vous le savez d'ailleurs. Christian Estrosi par exemple, qui m'a précédé dans ces fonctions, sait combien changer les esprits au sein des institutions européennes relève d'une évolution culturelle qui prendra du temps.
Nous nous y employons, je le disais à l'instant, pour la réciprocité, pour la politique industrielle européenne, pour les pôles de compétitivité, avec, encore une fois, l'appui du commissaire Tajani. Mais, parfois, des arguments d'ordre juridique, d'aucuns diraient des arguties, nous sont opposés. Ainsi, selon certains, c'est le traité de l'Union européenne lui-même qu'il faudrait modifier pour y inscrire ce principe d'information et de transparence vis-à-vis du consommateur et faire du marquage d'origine un atout pour nos produits plutôt qu'un symbole de protectionnisme.
Néanmoins, les difficultés que rencontrera la mise en oeuvre concrète de cette résolution ne doivent pas nous empêcher d'exprimer une volonté politique, et le Gouvernement, j'y insiste, est favorable également au deuxième point de la résolution.
Le troisième point a pour objet de demander à la Commission européenne d'adopter un règlement rendant obligatoire pour l'ensemble des produits, qu'ils soient intracommunautaires ou extracommunautaires, le marquage de l'origine.
Depuis le début des discussions au niveau européen, la France est favorable à l'obligation du marquage de l'origine, à condition bien sûr que ce marquage soit pragmatique, facilement applicable et ait un coût raisonnable pour les entreprises et les autorités de contrôle.
Cela étant, rendre obligatoire le marquage d'origine est une question qui divise fortement les acteurs. Elle divise les États-membres de l'Union, qui n'ont jamais pu trouver de consensus à ce sujet. Elle divise également, avouons-le, les entreprises : plusieurs fédérations professionnelles sont opposées à cette obligation.
Pour sortir de ces divisions, toutes les initiatives nouvelles sont à considérer, et la présidence polonaise sortante de l'Union a elle-même écrit à la Commission pour indiquer que le seul moyen de débloquer le dialogue au sein du Conseil était d'apporter des éléments nouveaux.
La proposition de Christian Estrosi, qui s'inspire elle-même de la recommandation d'Yves Jégo visant à imposer le marquage à tous les produits mis sur le marché au lieu des seuls produits importés, est une manière intéressante et constructive de relancer le débat.
Mais il faut être conscient que cette résolution, qui concerne tous les produits, alimentaires et non-alimentaires, intracommunautaires et extracommunautaires, sera sans doute jugée par un certain nombre de nos partenaires encore trop ambitieuse pour recueillir un consensus. Une démarche similaire, chacun s'en souvient, avait déjà échoué au niveau européen en 2003, ce qui avait conduit le projet de règlement à évoluer vers un marquage des seuls produits importés.
Une approche progressive, fondée sur une démarche volontaire, et limitée à une liste de produits bien définie et évolutive, aurait sans doute, aux yeux de certains experts qui connaissent bien les arcanes de Bruxelles, plus de chances de succès. Vous le voyez, nous partageons l'objectif, tout en nous interrogeant sur l'approche qui aurait le plus de chances d'être couronnée de succès.
Le quatrième point de ce texte vise à inciter les institutions européennes à réviser la notion d'origine des produits en privilégiant la logique de production industrielle et de transparence vis-à-vis des consommateurs.
Le Gouvernement partage votre souci de privilégier la notion de production au sein de l'Union européenne. Trop longtemps, l'Union n'a tenu compte que de la protection du consommateur et d'une conception orthodoxe, si je puis dire, de la concurrence. Nous sommes d'accord avec vous, il faudra veiller, dans l'ensemble des négociations européennes et internationales, à prendre en compte la dimension productive, et le marquage d'origine doit en faire partie.
Le cinquième et dernier point de la résolution introduit le marquage made in UE dans le débat, et invite la Commission à réfléchir à l'éventualité d'un tel marquage.
Je tiens tout d'abord à rappeler que ce marquage est déjà possible, et utilisé par les entreprises. Jusqu'à présent, les fédérations professionnelles n'ont pas exprimé de demande particulière concernant un tel marquage, à l'exception des industries de santé qui y seraient favorables.
L'apposition de ce marquage, surtout s'il est accolé au marquage national, demande certainement à être étudiée, en particulier pour que l'ensemble soit clair et lisible pour le consommateur, déjà confronté à des étiquettes surchargées. Si le débat est nécessaire, il porte donc plutôt sur les techniques de marquage et ne relève sans doute pas du même niveau politique que les points précédents de ce texte.
Au final, je veux souligner la forte ambition de cette proposition de résolution, sur un sujet techniquement complexe mais qui se situe au plus près des préoccupations quotidiennes des consommateurs.
Le Gouvernement tient à saluer la contribution de cette proposition au nécessaire débat qui doit se tenir non seulement en France, ce que nous faisons, mais également au sein de l'Union européenne. Nous nous inscrivons parfaitement dans l'esprit de cette proposition, qui va dans le sens d'une plus grande transparence vis-à-vis du consommateur et d'une meilleure valorisation de la qualité des produits.
Même si plusieurs des points de cette résolution apparaissent difficilement praticables, soit du point de vue technique, soit surtout parce qu'il faut que nous arrivions à convaincre nos partenaires, et si, de ce fait, ils relèvent d'un « idéal » vers lequel il faut tendre, il y a en même temps une nécessité absolue d'aller dans cette direction. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable à l'adoption de ce texte.