…a souligné à juste titre les difficultés que nous rencontrons parfois avec les règles communautaires. La politique industrielle a, en effet, été longtemps reléguée derrière la politique dite « de libre concurrence ». Mais vous avez raison de dire, monsieur Myard, que le concept de « politique industrielle européenne » n'est plus tabou, que le mot n'est plus un gros mot.
Cependant, elle progresse encore trop lentement, même si nous avons maintenant des alliés en place. Le vice-président de la Commission européenne en charge des questions industrielles, Antonio Tajani, est un allié et Michel Barnier, dans son domaine de compétence, réalise un travail remarquable. Mais il est vrai qu'il nous faut convaincre.
Il reste que, sur tous les sujets que vous avez abordés – et je suis prêt, à titre personnel, à partager plusieurs de vos analyses –, la France est un fer de lance. Nous n'arrivons pas toujours à entraîner, mais nous sommes toujours à la pointe. C'est vrai également en matière de réciprocité. C'est le Président de la République qui, lors de chaque Conseil européen consacré à ces questions, parle de ce que doit être la réciprocité, que nous devons imposer non pas parce que nous craignons la concurrence, mais parce que nous voulons qu'elle soit juste et non faussée.
Pour en revenir à notre débat, je considère que le « produire en France » est en effet un sujet important.
Les entreprises prennent davantage conscience, jour après jour, de l'intérêt de produire en France, où la main d'oeuvre est qualifiée et compétente, où les infrastructures sont bonnes, où la demande de produits de qualité est forte. Les chiffres en témoignent, que ce soient ceux des investissements industriels – Christian Estrosi le soulignait à juste titre – avec le dispositif des aides à la réindustrialisation, grâce auquel vingt projets ont été soutenus depuis un an, représentant 344 millions d'euros d'investissements et 1 525 emplois créés à terme. Ou que ce soient tout simplement les chiffres de créations d'usines : aujourd'hui, en France, une usine se crée ou est étendue chaque jour.
Je prends l'exemple de Peugeot, dont on a parfois critiqué telle ou telle action, qui a investi 150 millions d'euros sur le site de Poissy et recruté 700 salariés en CDI pour la production de la 208, ou encore celui de Toyota, qui a investi 125 millions d'euros dans la production de la Yaris 3 à Valenciennes.
La bataille pour le « produire en France » se joue aussi, vous l'avez dit les uns et les autres, au niveau européen : d'une part, avec le brevet européen unique, pour lequel nous nous battons afin de protéger, mieux et à moindre coût, nos innovations dites « made in France » ; d'autre part, en exigeant la réciprocité dans les échanges commerciaux. Nos industriels doivent pouvoir concourir aux marchés publics des pays tiers. À défaut, les entreprises de ces mêmes pays tiers ne devraient pas pouvoir concourir aux marchés publics européens. C'est l'enjeu de la nouvelle législation que j'évoquais il y a un instant, que Michel Barnier et le commissaire européen au commerce présenteront le 16 mars prochain pour doter enfin l'Europe d'un vrai mécanisme de réciprocité.
On avance, monsieur Myard. Peut-être trop lentement, mais on avance.
Du côté des consommateurs, de nombreux sondages montrent que les Français considèrent qu'il est important d'acheter français. La proposition de résolution souligne ainsi, selon une récente étude du CREDOC, que 64 % des Français sont prêts à acheter un produit fabriqué en France, alors même que des produits similaires importés, moins chers, sont disponibles. Cette proportion était de 44 % en 2005. C'est la tendance qu'il faut noter. Cette étude du CREDOC montre que même les ménages les plus modestes sont touchés par cette tendance.
Il existe donc une vraie demande, partagée, tant du côté des entreprises que du côté des consommateurs, pour le « produire en France ».
Dans ce cadre, le Gouvernement n'a pas attendu pour agir. Il mène une action résolue pour promouvoir le « fabriqué en France ».
Depuis la remise du rapport d'Yves Jégo au Président de la République, le Gouvernement s'est employé sans relâche à mettre en oeuvre ses recommandations. Plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises, ou sont sur le point de l'être.
Au plan national, comme le Gouvernement l'avait annoncé, une concertation avec les industriels a été engagée sur le « fabriqué en France », dans le cadre du Comité stratégique de la filière des industries des biens de consommation, qui sont les entreprises les plus directement concernées. Cette concertation a vocation à être élargie à d'autres secteurs, comme les industries de la mode et du luxe, les industries agroalimentaires ou les industries de santé.
Le label « origine France garantie », lancé par Yves Jégo dans le cadre de son association Pro France, rencontre un succès significatif. Au 31 décembre 2011, environ quarante produits bénéficiaient de ce label, dont la notoriété est croissante, et nombre d'entreprises sont en cours de labellisation de leurs produits. Je me félicite, et je félicite surtout son auteur, du succès rencontré par cette initiative, qui montre l'intérêt des entreprises mais aussi celui des consommateurs pour une plus grande transparence et une meilleure information. Mes services suivent avec attention le développement de ce label qui devrait entrer dans une phase de déploiement à grande échelle à partir de 2012.
La recommandation issue du rapport d'Yves Jégo concernant l'extension des indications géographiques aux produits industriels, pour identifier de manière efficace les savoir-faire de nos régions, comme la porcelaine de Limoges, a été prise en compte dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, actuellement en discussion devant le Parlement. Là aussi, l'initiative est d'ores et déjà lancée.
La Commission européenne devrait à son tour proposer un texte qui permettra d'étendre cette protection à l'ensemble du territoire européen, après une étude d'impact qui devrait se dérouler en 2013.
Je rappelle également l'initiative de mon collègue Frédéric Lefebvre, l'opération « France savoir-faire », dont le but est de faire connaître aux entreprises industrielles l'ensemble des mesures qui leur permettent de distinguer leurs produits aux yeux des consommateurs.
Enfin, la carte d'identité des produits, prônée par Yves Jégo dans son rapport, devrait connaître de nouveaux développements très prochainement. Cette initiative permettra de développer la traçabilité des produits, de renforcer leur sécurité et de mieux informer sur l'ensemble de leurs caractéristiques, y compris leur lieu de fabrication.
L'objectif est simple : inciter les consommateurs à prendre en compte d'autres critères que le prix – le prix est bien sûr un critère important mais ce n'est pas le seul. Le Président de la République a d'ailleurs demandé au Conseil national de la consommation de se saisir du sujet, afin d'élaborer des recommandations sur la mise en oeuvre concrète de cette carte d'identité. Le CNC remettra ses conclusions à la fin du premier trimestre.
Sans attendre, le ministère de l'industrie lancera, avant la fin du mois de février, un appel à projets sur la carte d'identité des produits, afin d'inciter les entreprises, fabricants et distributeurs, et plus particulièrement les PME, à collaborer dans le sens d'une plus grande transparence aux yeux des consommateurs.
Vous le voyez, beaucoup a d'ores et déjà été fait !
Concernant cette proposition de résolution, je crois qu'elle propose des dispositifs parfois difficiles à appliquer, mais qu'elle ouvre aussi des pistes de réflexion très intéressantes.
Le Gouvernement est déterminé à aller plus loin encore pour le « produire en France », notamment en mettant en place des initiatives au niveau européen. En cela, la proposition de résolution de Christian Estrosi est une première étape importante vers une évolution des principes communautaires en matière de marquage de l'origine.
Vous le savez, le débat sur le marquage d'origine des produits rencontre des difficultés. La jurisprudence communautaire considère que ce marquage à l'intérieur de l'Europe serait contraire au principe de libre circulation des produits dans l'Union européenne. Cette jurisprudence empêche systématiquement les initiatives nationales, nombreuses – nous ne sommes pas les seuls –, qui pourraient être prises sur ce point.