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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 2 février 2012 à 15h00
Débat sur les partenariats public - privé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons saluer l'initiative du groupe GDR qui nous permet de discuter aujourd'hui des contrats de partenariat public-privé. C'est, me semble-t-il, la deuxième fois dans cette législature que nous avons l'occasion d'en débattre dans cet hémicycle. Nous avons en effet légiféré en juillet 2008 pour réformer une ordonnance de 2004 qui organisait ce type de dispositif.

Les contrats de partenariat public-privé, initialement conçus comme des contrats administratifs dérogatoires au droit commun de la commande publique, sont devenus, en réalité, des outils presque usuels.

Ils le sont dorénavant au même titre que les marchés publics et les délégations de service public, et ce, alors même que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est beaucoup plus réservée. En vérité, nous arrivons à ce que souhaitaient le législateur et sa majorité quand, il y a quatre ans, nous avons réformé l'ordonnance de juin 2004.

Vous souhaitiez une augmentation conséquente du nombre de contrats de partenariat signés ; vous y êtes arrivés. Nous vous avions, à l'époque, mis en garde contre ce que nous considérions comme étant le risque d'un recours systématique et irraisonné au partenariat public-privé. Nous vous avions alors rappelé la décision du 26 juin 2003 du Conseil constitutionnel qui limitait ces dispositifs « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général ».

Trois conditions, rappelées par le Conseil, devaient en effet être réunies pour permettre un PPP : la « complexité » de l'opération envisagée, son « urgence » et, depuis la loi de 2008, le bilan économique plus favorable. Je rappelle que l'ordonnance de 2004 prévoit la réalisation d'une évaluation préalable qui doit établir si une de ces conditions d'éligibilité au moins est présente.

Or en pratique, on constate que le recours au contrat de partenariat est plus souvent le produit du volontarisme d'un ministre qu'un examen précis des conditions d'éligibilité que je viens d'évoquer.

En effet, comme cela a été rappelé tout à l'heure, le marché français des PPP est au tout premier rang européen. Les PPP signés cette année devraient dépasser 6 milliards d'investissements et ils sont, pour l'essentiel, le fait de l'État, les collectivités n'y ayant recours que pour moins du quart du volume total.

À l'évidence, le contrat de partenariat est devenu un formidable levier, non seulement de financement, mais surtout d'accélération des délais de livraison des ouvrages publics. La tentation est alors grande de sacrifier l'intérêt général à la satisfaction d'intérêts particuliers de court terme.

Ce dévoiement est préoccupant.

Utilisé à mauvais escient et pour de mauvaises raisons, le contrat de partenariat peut avoir des effets dévastateurs : l'endettement devient rapidement excessif, la rigidité budgétaire guette et le coût des projets explose. Bref, le recours immodéré à cette facilité comptable qu'est parfois le PPP conduit à la gabegie budgétaire.

Mais l'objet de mon propos, aujourd'hui, n'est pas de revenir sur les critiques que nous avions déjà formulées en 2008, au moment du vote de la loi relative aux contrats de partenariat. Leur actualité se vérifie et les déboires récents de l'Hôpital Sud Francilien ou du projet de construction du Pentagone à la française devraient inviter les thuriféraires du PPP à davantage de circonspection.

Je voudrais plutôt appeler à la tempérance et inviter à revenir aux principes fondateurs de l'ordonnance de 2004, aujourd'hui largement oubliés.

Ce débat est l'occasion d'appeler l'attention du Gouvernement sur deux domaines particuliers : la sécurité et la justice.

Dans le premier, celui de la sécurité, le ministère de l'intérieur, via la préfecture de police de Paris, a adjugé le 8 juillet 2010 dernier, un contrat de partenariat portant sur la mise en place d'un système de vidéoprotection ou de vidéosurveillance – cela reste un système de vidéo ! – pour la ville de Paris. Les finances publiques ont été engagées pour plus de seize années et pour un montant total qui avoisine les 130 millions d'euros.

Quand on regarde le contrat de partenariat que j'ai demandé à la préfecture de police de Paris, on observe que les conditions dans lesquelles la préfecture de police a mené la négociation de ce contrat ont été peu transparentes – je fais là référence à ce qu'a évoqué Michel Diefenbacher. Et l'association des autres services de l'État, notamment la Direction de l'évaluation de la performance des affaires financières et immobilières – la DEPAFI – a été bien trop discrète.

Au final, le ministère n'aura qu'une maîtrise bien trop faible de ce projet, pourtant majeur. Aussi, à bien des égards, ce contrat de partenariat est tout à fait symptomatique des dérives que nous dénonçons et des craintes que nous formulons.

En matière de justice, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la question des prisons.

Depuis plusieurs années, le ministère de la justice a fait le choix de recourir à ce mode de financement, ce qui se traduit par une augmentation incessante de la part des loyers désormais dus par l'État

De 2009 à aujourd'hui, le coût des loyers a augmenté de 86 %. En 2012, 51 % des places de prison seront gérées par un partenaire privé. Et les loyers passeront de 80 millions de crédits de paiement en 2011 à 114 millions en 2012, soit une augmentation de 42 % en un an. Pour la gestion déléguée, ils passeront de 291 à 295 millions en 2012, soit 14 % de l'ensemble des crédits de paiement de l'administration pénitentiaire.

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