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Intervention de Daniel Vaillant

Réunion du 1er février 2012 à 15h00
Contrôle des armes à feu — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Vaillant :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Bruno Le Roux, qui regrette de ne pouvoir être présent du fait d'un déplacement organisé par le groupe d'amitié France-Suède, qu'il préside.

Bruno Le Roux fait figure, depuis 1998, de pionnier en matière de lutte contre la prolifération des armes. Connaissant mon engagement en faveur d'une amélioration de la législation encadrant et contrôlant l'acquisition et de la détention d'armes, il m'a demandé de le remplacer et c'est avec plaisir que j'ai accepté d'intervenir ce soir en faveur de cette proposition de loi qui constitue une avancée réelle et attendue dans le domaine de l'encadrement, de l'acquisition et de la détention des armes. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail du rapporteur, Claude Bodin.

Comme vous le savez, j'ai été confronté en tant que ministre de l'intérieur à la tragédie de la fusillade de Nanterre en 2002. J'ai beaucoup regretté que l'auteur de cette tuerie ait pu disposer aussi facilement d'armes à feu, d'autant qu'il était connu des services départementaux de psychiatrie.

Depuis, d'autres drames de ce type sont venus hélas noircir l'actualité. Les récentes fusillades qu'ont connues les villes de Marseille, Colombes ou encore Saint-Ouen, les arsenaux découverts ce week-end à Marseille, ne font que confirmer la nécessité d'une amélioration de l'encadrement de l'acquisition et de la possession d'armes, dans l'intérêt nos concitoyens et pour leur sécurité.

Dix ans après mes initiatives réglementaires, qui n'ont pas fait consensus à l'époque, cette position fait aujourd'hui l'objet d'un large accord au sein des deux chambres du Parlement, de l'opposition à la majorité gouvernementale, ce dont je m'en réjouis. Elle reçoit aussi l'assentiment des utilisateurs et détenteurs légaux d'armes : c'est encore mieux.

Cela n'aurait pu être possible sans le travail d'écoute et de prise en compte des préoccupations de tous les acteurs concernés : police, gendarmerie, justice et associations de chasseurs, de tireurs sportifs et de collectionneurs.

Je veux donc rendre hommage au travail minutieux et efficace réalisé en amont dans le cadre de la mission d'information sur les violences par armes à feu, qui a permis d'aboutir à un texte équilibré, offrant une véritable avancée dans les domaines du contrôle des armes, de la prévention des violences et de la simplification du droit. Cette proposition, qui nous revient en seconde lecture, ne réglera pas tous les problèmes mais constitue une réponse législative efficace qui mérite d'être saluée.

La recrudescence du nombre de victimes de violences par arme à feu, à l'origine de la demande de création d'une mission d'information, a permis de mettre en évidence de nouvelles problématiques liées à la détention et à l'utilisation des armes dans notre pays. On a constaté une évolution préoccupante du trafic, une augmentation du nombre d'armes de guerre en circulation mais aussi une augmentation de l'usage d'armes factices, qui si elles sont bien évidemment moins dangereuses, témoignent d'une réelle intention de nuire.

S'agissant du trafic, les conclusions de la mission d'information s'avèrent plutôt rassurantes quant au nombre d'armes qui circulent illégalement en France et plus particulièrement dans les quartiers les plus touchés par la délinquance. Contrairement aux apparences, les auditions ont fait apparaître que leur nombre n'avait pas sensiblement augmenté, mais que les membres d'un même groupe délinquant mutualisaient de plus en plus leur usage. D'autre part, ces mêmes conclusions tendent aussi à relativiser le rôle que peut jouer Internet en favorisant l'accès illégal aux armes. S'agissant du cadre légal actuellement en vigueur, la mission d'information a fait apparaître sa trop grande complexité et son obsolescence dues à l'empilement des dispositions relatives à la classification, à l'acquisition et à la détention des armes depuis le décret-loi du 18 avril 1939.

Cette proposition de loi vise donc à simplifier la classification des armes à feu en remplaçant les huit catégories du décret du 6 mai 1995 par quatre catégories – A, B, C, D – plus conformes à la législation européenne.

En modifiant l'ancienne classification fondée sur les caractéristiques techniques des armes, le nouveau classement introduit une meilleure lisibilité pour les forces de l'ordre, les préfectures ainsi que pour les utilisateurs et détenteurs légaux. Les règles encadrant l'acquisition et la détention sont ainsi proportionnées selon les différentes catégories d'armes, organisées selon leur degré de dangerosité et donnent lieu à une gradation des régimes juridiques. L'acquisition et la détention de certaines armes seront ainsi soit interdites, soit autorisées ou feront l'objet d'une déclaration, d'un enregistrement. Les moins dangereuses resteront librement accessibles.

D'autre part, ce texte opère une distinction entre les détenteurs légaux d'armes à feu, qu'il s'agisse des tireurs sportifs, des chasseurs, des collectionneurs, et les détenteurs illégaux. Il répond ainsi positivement aux préoccupations des citoyens, détenteurs légitimes d'armes, en sécurisant le cadre juridique lié à l'exercice de leurs activités sans porter atteinte au droit de chasser, de pratiquer le tir sportif ou de collectionner des armes. Les questions soulevées par les associations de collectionneurs pourront d'ailleurs, comme il a été dit, faire l'objet d'un texte spécifique de clarification. En effet peut-on mettre sur le même plan un collectionneur d'armes anciennes et la personne gardant chez elle des munitions datant de la première guerre mondiale récupérées dans des champs du Nord-Est de la France ? J'ai ainsi pu voir une collection de bombes de gaz de la guerre de 14-18 alignées sur un manteau de cheminée. Je ne sais d'ailleurs pas où en est le débat sur le démantèlement des armes et la construction de l'usine Sequoia, sur le territoire de Vimy, que vous connaissez bien pour y être né, monsieur le ministre.

Enfin, ce texte offre à nos forces de l'ordre des moyens supplémentaires pour prévenir et lutter contre les violences par armes à feu, contre la délinquance et les trafiquants d'armes.

Les dispositions relatives au Fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention des armes – le FINADIA – sont élargies aux personnes qui font l'objet d'une condamnation visant à la confiscation de leurs armes ou leur interdisant la détention et le port d'armes. Elles participeront ainsi au renforcement des dispositifs de prévention.

Les nouvelles dispositions étendant le champ d'application de la procédure de saisie, harmonisées avec le code de procédure pénale, permettront quant à elles d'aller chercher les armes là où elles se trouvent.

Acceptez que je m'arrête un instant sur ce point. L'élargissement du fichier FINADIA et l'extension des possibilités de mise en oeuvre des saisies administratives ne constituent pas en eux-mêmes des moyens suffisants pour éradiquer le phénomène de la détention illégale d'armes. En effet, si la présence des armes dans les quartiers sensibles s'avère, et heureusement, moins massive que nous ne pouvions le craindre, il ne faut pas avoir la naïveté de penser que les armes sont absentes. Elles restent accessibles aux voyous qui savent, par le trafic, se les procurer.

Pour lutter contre cette criminalité, qui n'hésite plus à s'armer, à tirer et à tuer dans le seul but de faire – pardonnez-moi cette expression triviale – toujours plus de fric, il faut que les forces du droit disposent des moyens matériels et humains à la hauteur des enjeux.

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