La part des salaires dans la valeur ajoutée ne pouvant baisser indéfiniment, il est difficile d'extrapoler de ce qui s'est passé en Allemagne depuis une dizaine d'années. Mme Agnès Bénassy-Quéré a eu raison de faire état du rattrapage auquel nous avons assisté, l'évolution des salaires ayant été très dynamique en Allemagne après la réunification. En l'occurrence, monsieur Jean Grellier, nous pouvons nous attendre à un rééquilibrage en Allemagne en faveur de la demande domestique, laquelle profiterait beaucoup aux exportateurs français. Si la cause structurelle de la modération salariale relève donc, peut-être, de la correction de différents excès et, donc, d'un rattrapage – dans ce cas-là, nous nous approchons de la limite d'un tel exercice –, elle peut aussi résulter de réformes ayant modifié le rapport de forces en Allemagne à travers notamment l'affaiblissement durable des syndicats. De surcroît, la stratégie allemande reposant sur l'externalisation de la fabrication de certaines pièces intermédiaires, les menaces de délocalisations peuvent également peser sur l'évolution des salaires. Quoi qu'il en soit, la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée témoigne de ce que ces derniers ne suivent pas l'évolution de la productivité, d'où le déséquilibre.
En France, en revanche, nous mettons l'accent sur un renforcement de l'offre productive comme en attestent un certain nombre de mesures qui ont été prises récemment et qui vont dans le bon sens, par exemple en matière de recherche et développement ou en ce qui concerne l'autonomie des universités.
Si le taux facial de l'impôt sur les sociétés, monsieur Jean-Claude Sandrier, est très élevé, le taux effectif n'en est pas moins, en effet, relativement faible en raison du nombre de niches fiscales. Une mesure budgétairement neutre consisterait à baisser le taux statutaire et à supprimer certaines niches fiscales qui profitent d'ailleurs plus aux grandes entreprises qu'aux petites et moyennes entreprises.
Le dynamisme démographique français, monsieur Pierre Morange, constitue quant à lui un atout. Mais il ne faut pas oublier le rôle des politiques publiques en la matière. À cet égard, une évaluation des politiques publiques familiales me semble néanmoins nécessaire afin de vérifier s'il est possible de parvenir à maintenir ce dynamisme mais à moindre coût. Outre que des économies peuvent être en effet réalisées, il convient d'ajouter que le coût du vieillissement est moins cher chez nous que dans un certain nombre de pays, dont l'Allemagne.
S'agissant de la fiscalité du travail, nous préférons parler de « coin fiscal » pesant sur le travail, soit, de la différence entre le coût du travail supporté par les entreprises et le salaire net des salariés. Cela comprend en l'occurrence l'ensemble des cotisations sociales et l'impôt sur le revenu. La teneur idéologique de ces questions est importante, mais nous considérons que les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires constituent une bonne mesure puisque ces 22 milliards rapportés au coût par emploi brut – tout en tenant compte des effets de bouclage – ont permis de préserver entre 600 000 et 800 000 emplois. Toutefois, il importe qu'une telle politique se limite aux seuls bas salaires afin de contourner les problèmes liés à un salaire minimum relativement élevé par rapport au salaire médian.
Comme l'a dit Mme Agnès Benassy-Quéré, les difficultés principales concernent les services où notre situation diffère grandement de celle de l'Allemagne. Le coût du travail d'un employé dans une boulangerie allemande et celui d'une personne travaillant dans une boulangerie française, par exemple, comporte des écarts extrêmement importants à la différence de ce qui se passe dans l'industrie.