La circulaire que vous avez évoquée avait pour objet de préparer l'organisation de la campagne : elle était donc destinée principalement aux préfets. Les informations sur les vaccins qui y figurent sont celles qui étaient disponibles à cette époque-là. Affirmer qu'il s'agit de « produits nouveaux », c'était traduire simplement la réalité : cela ne signifiait pas qu'ils étaient dangereux. Le glissement de sens me paraît excessif. En ce qui concerne le périmètre, souligner qu'il n'était pas exactement connu parce que les autorisations de mise sur le marché n'avaient pas encore été délivrées revenait, de nouveau, à dire seulement la vérité. Aurait-on dû affirmer autre chose dans la circulaire, au risque d'être accusé de cacher la vérité ?
Il convient par ailleurs de distinguer la pharmacovigilance de l'étude de l'efficacité vaccinale. Vous avez auditionné M. Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : vous savez que la France a tout fait pour parer la crainte liée à l'utilisation d'un vaccin nouveau, notamment par le biais d'un plan renforcé de pharmacovigilance. Pour la première fois, on a donné la possibilité à d'autres personnes que des professionnels de santé, notamment à des personnes vaccinées, de faire part directement de leurs troubles ; des études de cas témoins pharmaco-épidémiologiques ont été mises en place ; on a surveillé très précisément des éléments particuliers comme l'apparition du syndrome de Guillain-Barré. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a fait toutes les semaines un point de pharmacovigilance concernant la vaccination et les antiviraux – la France a été le seul pays à procéder de la sorte. Les études se poursuivent. Le dernier point de pharmacovigilance de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé est disponible sur son site et M. Jean Marimbert a fait récemment un point presse sur le sujet.
Les études de mesure de l'efficacité du vaccin visent, quant à elles, à établir nos connaissances en termes de séroconversion. Vous avez évoqué les études réalisées par les Britanniques : l'Institut de veille sanitaire pourrait vous donner des informations sur les études qui sont réalisées en France, notamment dans le cadre de I-MOVE, une étude menée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui tente d'évaluer l'efficacité vaccinale.
Des éléments convergents, qui s'appuient sur différentes méthodes de mesure de l'efficacité, laissent actuellement penser que les vaccins ont été d'une efficacité voisine de celle qui est observée pour ceux contre la grippe saisonnière – 70 %.
En ce qui concerne la traçabilité, la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne nous a pas permis d'accéder à certaines informations concernant les populations prioritaires. Toutefois, l'étude des bons anonymisés qui ont été recueillis par l'Institut de veille sanitaire nous donnera assez rapidement une idée de la couverture vaccinale en fonction des catégories.
Les professionnels de santé font partie de ceux qui se sont fait le plus vacciner, avec les femmes enceintes et l'entourage des jeunes enfants, même si le taux reste faible par rapport à ce qu'il était possible d'espérer. Les populations prioritaires sont donc celles qui ont été les plus vaccinées. Il existe par ailleurs des différences de couverture vaccinale entre les régions : c'est en Bretagne, en Corse et en Champagne qu'on s'est fait le plus vacciner, et en Languedoc-Roussillon le moins vacciner.
En ce qui concerne la concurrence entre les pays, je tiens à rappeler que l'Organisation mondiale de la santé n'est pas un gouvernement sanitaire mondial. C'est un organisme qui produit des normes, qui donne des informations et qui fait des recommandations. Il n'a aucun pouvoir de coordination.
Sur le plan européen, les compétences sanitaires sont principalement du ressort des États, sous réserve de quelques exceptions. Il appartient au politique d'en juger. En matière de sécurité et de menaces sanitaires, on a effectivement besoin d'un renforcement de l'Europe. C'est un point sur lequel Mme la ministre de la santé et des sports a insisté au cours de la présidence française : à l'époque, elle a tenu à mettre l'accent sur le thème de la sécurité sanitaire. Le séminaire « Eurogrippe », destiné à renforcer le niveau européen en matière de préparation aux épidémies, s'est tenu, à point nommé, en septembre 2008 et a donné lieu à une résolution très utile, notamment pour le fonctionnement du comité de sécurité sanitaire.
En ce qui concerne l'avis de l'Académie nationale de médecine de février 2010, je ne reviendrai pas sur les contraintes qui se sont exercées sur les pouvoirs publics en matière d'acquisition des vaccins. De manière générale, il convient d'arriver en même temps à gérer la crise et à organiser le débat public. C'est un enjeu crucial pour notre société. La gestion de crise est tournée vers l'action qui, si j'utilise une comparaison appartenant à la physiologie du mouvement, ferme l'horizon et oriente vers le but. Il n'est donc pas facile d'organiser des débats à la marge.
Enfin, un avis du Haut conseil de la santé publique recommande la vaccination contre la grippe saisonnière des personnes comprises dans la cible habituelle – personnes de plus soixante-cinq ans et malades atteints d'affections de longue durée – avec le vaccin trivalent qui sera produit, lequel comportera en effet la valence H1N1California qui circule actuellement. Il recommande également l'élargissement de la cible aux personnes jugées les plus à risque vis-à-vis de cette valence : les femmes enceintes, l'entourage des nourrissons et les personnes obèses. Il n'a pas encore recommandé la vaccination des personnes ne présentant pas de facteurs de risque. Toutefois, dans la mesure où on ignore le tour que prendront les événements, ces recommandations seront susceptibles d'évoluer. Nous sommes prêts, en cas de nécessité, à recourir à notre stock de vaccin A(H1N1) monovalent, dans l'éventualité, plausible, d'un nombre insuffisant de doses de vaccin trivalent saisonnier. Nous nous préparons à toute éventualité : mettre en place le dispositif de vaccination contre la grippe saisonnière selon le schéma habituel, avec les bons de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, tout en travaillant avec elle à l'élargissement du dispositif à certaines populations. Si nous devons utiliser les vaccins monovalents, il conviendra d'associer de manière plus sereine les professionnels de santé et de trouver des modes d'organisation permettant d'utiliser, le cas échéant, des vaccins multidoses. Ce travail a également été lancé.