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Intervention de Isabelle Adenot

Réunion du 9 mars 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens :

Il y a, à l'évidence, place pour des progrès. Pour commencer, il faudrait une sensibilisation plus poussée au cours des études et un effort supplémentaire de formation. Mais en matière de toxicomanie, les choses évoluent terriblement vite. Une formation presque récente peut ne plus être valable. Il faut donc des formations très organisées pour les confrères qui le souhaitent ou qui sont confrontés aux toxicomanies, en lien avec tous les réseaux, associations, instituts de formation et partenariats que nous avons.

Pour prendre mon exemple personnel, j'ai exercé jusqu'à l'année dernière dans un village du Morvan, mon officine desservant une zone où la population était de l'ordre d'une trentaine d'habitants au kilomètre carré. Vous imaginez bien que ces questions n'étaient pas prégnantes… Aujourd'hui, je suis dans le 18e arrondissement de Paris. Du jour au lendemain, j'ai connu un véritable choc : il faut tout revoir, y compris son attitude. Il faut arriver à communiquer avec la personne toxicomane que vous avez devant vous. Vous pouvez déclencher vous-même son agressivité, ou vous pouvez l'accepter telle qu'elle est et essayer d'avancer avec elle. Néanmoins, avec certains, cela reste difficile. Lorsque j'ai été entendue par la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) en janvier, j'avais déjà été agressée et je l'ai été de nouveau depuis. Un client est arrivé avec deux ordonnances, l'une pour du Rohypnol et du Rivotril, qui mentionnait bien la pharmacie Adenot, et l'autre pour du Subutex. J'ai refusé la vente, ce qui a déclenché une agressivité extrême. J'ai appelé le médecin prescripteur, qui exerce dans le Val-de-Marne alors que je suis dans le 18e et que le patient habite encore un autre arrondissement : il m'a sermonnée, soutenant que je n'avais pas le droit de refuser la vente. La personne est revenue deux fois dans la journée, perturbant l'activité de mon équipe, pour finir par m'expliquer en fin de soirée que, dans mon officine, j'étais sous la protection de la vidéosurveillance – c'est obligatoire à Paris – mais que, dès que je sortirais, je pouvais me faire « descendre » ! Tout cela pour bien vous faire comprendre à quel point le refus de vente peut poser problème.

Il faut donc une formation non seulement pour mieux connaître les produits et pour apprendre à sensibiliser la population ou à répondre aux sollicitations des jeunes et des parents, mais aussi pour communiquer avec les toxicomanes. Il faut savoir où sont les bornes à ne pas franchir, sous peine de se laisser entraîner aux dérives qui amènent certains de nos confrères en chambre de discipline.

Ces dérives existent en effet, qu'elles soient le fait de médecins qui, pour des raisons diverses, prescrivent ce qu'ils ne devraient pas ou de pharmaciens qui ferment délibérément les yeux sur les mésusages. Or il est difficile d'arrêter ces derniers : on peut certes signaler à quelqu'un qu'il prend un médicament à trop forte dose, mais le refus de vente déclenche les réactions que je vous ai décrites.

Quant au dispositif d'addictovigilance, il conduit parfois à saisir la justice mais, la plupart du temps, il se traduit par un colloque particulier avec le médecin : on le prévient qu'on a détecté une situation anormale, par exemple un patient qui voit plusieurs médecins et pharmaciens. Cela est rendu possible notamment par le dossier pharmaceutique. Comme il n'est pas obligatoire, quelqu'un qui prend, par exemple, du Subutex en est dépourvu mais, lorsque le toxicomane utilise une carte Vitale volée à un patient qui en avait ouvert un, le pharmacien a accès à toutes ses ordonnances… Cela étant, on retombe toujours sur le même problème et certains confrères ne refusent pas la vente par peur des conséquences.

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