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Intervention de Isabelle Adenot

Réunion du 9 mars 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens :

Le pharmacien est le dispensateur du médicament. En tant que tel, son rôle est défini à l'article R. 4235-48 du code de la santé publique, mais celui-ci est complété par l'article R. 4235-61 relatif au refus de vente, sur lequel j'aurai à revenir quand nous évoquerons la lutte contre le mésusage. Grâce à un maillage serré des officines, le pharmacien est aussi un professionnel de proximité. C'est également un éducateur en matière de santé, qui doit transmettre des déclarations d'addictovigilance en cas de situation anormale. Enfin, les pharmaciens d'officine disposent à eux tous d'environ cent kilomètres de vitrines sur l'ensemble du territoire, ce qui est précieux pour des actions de communication.

Les toxicomanes sont des gens en rupture avec la société, parfois agressifs, toujours attachants. Les pharmaciens sont disponibles : on les trouve au coin de la rue, ce sont les seuls professionnels de santé qu'on peut solliciter sans prendre rendez-vous. Nous nous sommes donc beaucoup impliqués. Depuis 1987, les seringues sont en vente libre. L'ordre n'a pas de données précises mais on estime que dix des quinze millions de seringues distribuées le sont par nos officines. Puis, en 1995, on a vu apparaître le Stéribox, ainsi que la buprénorphine – plus connue sous son nom commercial de Subutex – et la méthadone. La buprénorphine est prescrite par le médecin de ville qui, depuis 2008, doit certes indiquer le nom du pharmacien chargé de sa délivrance sur l'ordonnance, mais seulement en vue d'assurer le remboursement. La prescription de la méthadone, elle, est beaucoup plus encadrée puisque réservée depuis 2002 aux médecins exerçant en établissement de santé. Il y a donc beaucoup moins de dérives que pour le Subutex. Les mésusages de ce dernier sont connus : injection intraveineuse, « sniff », utilisation comme première et unique drogue, trafic et, enfin, cumul avec les benzodiazépines.

Pour ce qui est de l'ordre, ce n'est pas un syndicat : il exerce une mission de service public, par délégation de l'État. Comment intervient-il en matière de toxicomanies ? D'abord, nous avons un site internet ouvert à tous, Meddispar – pour « médicaments à dispensation particulière » –, qui détaille le cadre réglementaire applicable à chacun de ces médicaments, y compris ceux qui sont assimilés aux stupéfiants. Mis à jour quotidiennement, il est très utile pour combattre les mésusages, comme ceux dont le Tranxène 20 fait l'objet, et il facilite notre dialogue avec les médecins prescripteurs dont certains se montrent oublieux des règles – comme d'ailleurs certains pharmaciens.

Ensuite, le Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (CESPHARM), dirigé par Mme Fabienne Blanchet, dispose lui aussi d'un site internet pour partie ouvert au public. Son autre volet, réservé aux pharmaciens, leur permet de commander gratuitement des documents d'information sur nombre de sujets et, par exemple, sur le cannabis ou l'héroïne. Ce dispositif nous évite d'envoyer aux officines des kilos de documents qui ont de grandes chances de finir à la poubelle : si le pharmacien les demande, il va les utiliser. Nous en arrivons à distribuer ainsi 770 000 documents, dont 121 000 sur les drogues et 145 000 sur les addictions en général.

Nous avons également un partenariat avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie qui a débouché l'année dernière sur la formation et l'installation, dans chaque région, de référents en addictologie, pharmaciens chargés de former à leur tour leurs collègues ou d'animer des campagnes d'information.

Grâce à vous, et nous vous en remercions, nous avons aussi mis au point le dossier pharmaceutique qui fait la liste de l'ensemble des médicaments que son titulaire a demandés sur l'ensemble du territoire. Pour l'instant, si le pharmacien doit être à même de le proposer, ouvrir ce dossier n'est pas une obligation pour le patient. À ce jour, 85 % des officines disposent de l'équipement nécessaire et 13 millions de Français ont un dossier – nous enregistrons 30 000 ouvertures par jour !

Par ailleurs, nous avons bien sûr des chambres de discipline : lorsque des confrères ont perdu certains repères – cela arrive –, nous sommes obligés de les sanctionner. Enfin, l'association Croix verte et Ruban rouge, qui est complètement indépendante mais que nous soutenons financièrement, conseille depuis 1994 les pharmaciens sur tous les sujets relatifs à la toxicomanie.

J'en viens à nos propositions. À notre sens, il faut d'abord absolument développer la « e-prescription ». Cela réduirait notamment les mésusages du Subutex. Ensuite, on pourrait rendre obligatoire la mention, sur l'ordonnance, de l'officine chargée de délivrer ce même produit : actuellement, elle n'est exigée que pour le remboursement par la sécurité sociale. Par ailleurs, il faut bien sûr développer tout ce qui a trait à la prévention, ainsi qu'à la formation et à la sensibilisation du pharmacien.

En dehors de ces points, d'autres questions restent ouvertes. Ainsi, faut-il porter la durée maximale de prescription de la méthadone à vingt-huit jours, au lieu de quatorze ? Faut-il faire des études plus poussées sur la Suboxone ? C'est une association de buprénorphine et de naloxone qui est censée régler les problèmes de manque, mais qui est sans effet quand elle est injectée. Enfin, faut-il rendre le dossier pharmaceutique obligatoire pour ceux qui prennent du Subutex, de la méthadone ou d'autres médicaments de ce type ?

Pour finir, la toxicomanie est certes un problème majeur de santé publique et de société, mais les pharmaciens de terrain ont deux autres sujets d'inquiétude dont on ne se préoccupe pas suffisamment par ailleurs : les jeunes femmes qui fument et prennent la pilule – il va vraiment falloir se pencher sur la question – et la consommation d'alcool par les jeunes le soir et le week-end.

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