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Intervention de Samia Ghali

Réunion du 29 juin 2011 à 14h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Samia Ghali, sénatrice :

Je me demande si la mission a su toujours se concentrer sur son objet principal, mais il est vrai que la toxicomanie est une question complexe, presque inépuisable, qui met en jeu un grand nombre de problématiques.

Comme Mme Catherine Lemorton, je refuse la stigmatisation de certains enfants : ceux qui connaissent des problèmes ne deviendront pas tous des trafiquants, des drogués ou des voleurs ! Cette vision est simpliste.

Je n'appartiens ni au monde médical ni à la magistrature. Je ne suis donc pas spécialiste de la toxicomanie sous un angle professionnel. Toutefois, c'est la drogue qui a provoqué mon engagement politique car j'ai vécu cette question de près, dans les années 1980, lorsqu'elle est arrivée dans ma cité : trois quarts de mes amis ont commencé à fumer du cannabis. Alors qu'ils réussissaient assez bien à l'école, au fur et à mesure qu'ils en devenaient dépendants, ils se sont coupés des autres ; trop souvent les politiques favorables à la dépénalisation du cannabis oublient l'effet de bande. Une chose est de fumer lorsqu'on est un adulte installé dans la société, une autre quand on est un jeune appartenant à une bande dans une cité, car les petits trafiquants ne sont jamais loin : 50 % de mes amis qui ont touché à la drogue en sont morts, et seuls 30 % de ceux qui sont encore en vie ont réussi à s'en sortir complètement. Tous, sans exception, sont passés par les drogues « dures ».

Il est vrai que la dépénalisation de l'usage du cannabis n'entrait pas dans le cadre du rapport. Elle n'en est pas moins devenue le sujet d'actualité, comme le montre la une du journal La Provence aujourd'hui. La mission d'information est donc rattrapée par cette question. Or j'affirme que la dépénalisation ne mettrait pas fin au trafic de drogues dans les quartiers. À La Castellane, à Marseille, une cité de 8 000 habitants, le chiffre d'affaires de la vente de drogue est de 150 000 euros par jour, soit 4,5 millions par mois et 50 millions par an ! C'est une industrie. Les trafiquants sont devenus des chefs d'entreprise qui, pour faire face aux conséquences d'une éventuelle dépénalisation du cannabis, s'activent déjà pour organiser le trafic d'un cannabis plus nocif ou préparer leurs clients à consommer des drogues dites « dures ». Faudra-t-il alors passer à la dépénalisation de la cocaïne ou de l'héroïne ?

Bien des problèmes demeurent irrésolus. Ainsi, la question de l'éducation doit être posée : lorsque des professeurs absents ne sont pas remplacés durant plusieurs mois, les enfants sont livrés à eux-mêmes. Or les trafiquants, qui sont devenus les premiers employeurs des cités depuis que la police n'y pénètre plus, connaissent parfaitement la loi : s'ils n'hésitent pas à employer des enfants de dix ans, c'est qu'ils savent que ces derniers ne seront pas inquiétés. Et pendant ce temps, les centres sociaux des cités sont laissés sans moyens.

Ce serait donc faire preuve d'angélisme que de croire que la dépénalisation suffirait à régler le problème. Il convient de lancer une mission d'information généraliste, car il faut donner des réponses globales, en termes d'éducation, de sécurité et d'accompagnement social mais aussi de rénovation urbaine – par le biais de l'Agence nationale de la rénovation urbaine – à des questions de société qui, à l'heure actuelle, nous dépassent.

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