Je partage, globalement, les conclusions d'un rapport qui fait, de nouveau, la lumière sur la complexité de la polytoxicomanie. Le toxicomane est un malade qui, dans le même temps, se trouve en infraction à la loi. Ses comportements sont souvent illégaux.
S'agissant des centres d'injection supervisés, le rapport en fait une analyse détaillée et objective, que je partage. C'était une fausse bonne idée, en dépit de la vision sanitaire de certains de nos collègues : en matière de toxicomanies, on ne peut pas séparer complètement le sanitaire du policier et du judiciaire, qui sont étroitement liés. Il faut également faire attention au message que la société envoie aux citoyens. De plus, cette mesure poserait, vis-à-vis des personnels de ces centres, des questions d'ordre juridique : qui imagine que l'État puisse organiser une consommation de stupéfiants, même sous contrôle médical ? Elle est d'autant plus inopportune que ces centres ne sont pas une réussite sur le plan médical et qu'à l'étranger, les communes qui en ont ouverts n'ont obtenu aucune diminution du nombre des surdoses ni aucune réduction du trafic des stupéfiants.
Il en est de même du débat lancé par M. Daniel Vaillant, plus que par le parti socialiste, encore que certains membres du parti l'aient repris. Peut-être le programme socialiste nous permettra-t-il de connaître la position officielle du parti sur la dépénalisation de certaines drogues. Une chose est certaine : les pays qui ont eu recours à la dépénalisation en sont revenus. Du reste, si les notions sont effectivement différentes d'un point de vue juridique, pour le citoyen, dépénalisation égale légalisation, puisque la dépénalisation équivaut à une véritable autorisation. Comment tolérer qu'un État distribue un produit dont la consommation est mauvaise pour la santé ? On compare souvent la nocivité du cannabis à celle de l'alcool ou du tabac : c'est oublier que la composition du cannabis n'a cessé d'évoluer vers une plus grande dangerosité.
Comment être efficace dans la répression ? Il est vrai, comme M. le corapporteur Gilbert Barbier l'a souligné, que trop de sanction peut tuer la sanction. Du reste, à l'heure actuelle, le simple usage n'est pas traité comme un délit et il ne mobilise pas le tribunal correctionnel. Toutefois, on ne saurait se pencher sur la question uniquement sous l'angle du toxicomane. Il ne faut pas oublier l'intérêt de la société qui est de lutter contre les réseaux mafieux de trafic de stupéfiants, d'autant que 70 % à 80 % des infractions sont liées, directement ou indirectement, aux stupéfiants. Remonter les filières est donc particulièrement important, et les placements en garde à vue de simples usagers, tout comme la perquisition de leurs domiciles, peuvent aider les enquêteurs. Or, si l'usager est soumis à une simple contravention, il ne pourra plus être placé en garde à vue. La contravention à la première interpellation empêcherait donc la police de remonter les réseaux. Pour avoir été directeur d'enquête dans de nombreuses affaires de stupéfiants, je sais que l'élucidation d'une grosse affaire de stupéfiants s'appuie presque toujours sur des indices recueillis lors de l'interpellation d'un simple usager. Rendre plus efficace la sanction à l'encontre de l'usager ne doit pas nuire à l'efficacité de la lutte contre les réseaux mafieux.