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Intervention de Françoise Branget

Réunion du 29 juin 2011 à 14h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Branget, rapporteur :

J'ai eu moi aussi beaucoup de plaisir à travailler au sein de cette mission d'information, notamment avec le corapporteur pour le Sénat, M. Gilbert Barbier. J'aurais aimé pouvoir approfondir davantage certains points ou élargir les sujets, mais le temps nous a manqué. Je m'associe aux remerciements formulés par MM. les coprésidents.

Mes chers collègues, vous avez pu prendre connaissance de notre rapport. Nous n'allons donc pas en exposer les nombreux éléments mais simplement donner des « coups de projecteur » sur certains points qui nous paraissent particulièrement importants.

Tous, nous partageons le constat suivant : les toxicomanies d'aujourd'hui ne peuvent être comparées à celles d'il y a trente ou quarante ans. La toxicité des drogues s'est fortement accrue ; la polytoxicomanie s'est répandue ; les réseaux de trafic se sont « professionnalisés ».

Nous estimons que la première des réponses doit être la prévention dès le plus jeune âge. La démarche actuelle nous paraît insuffisante : recourir à des gendarmes dans les écoles ne paraît pas le mieux adapté. Il faut donc, dès l'école primaire, conduire des actions centrées sur la promotion de la santé et l'estime de soi, pour apprendre aux élèves à dire « non » et à résister à la pression.

Il faut également mettre l'accent sur la détection précoce des jeunes à problèmes pour leur éviter de franchir le pas, en s'appuyant sur l'expérience des médecins et des infirmiers scolaires. Parallèlement, il convient de responsabiliser les adultes encadrant les jeunes en les formant à la prévention et de mieux associer les familles aux campagnes de sensibilisation. Enfin, il semble nécessaire d'intensifier la prévention dans l'entreprise.

Au-delà de la prévention, il faut également disposer d'une offre de soins variée et renforcée. Plusieurs voies doivent être exploitées, car il n'existe pas de réponse unique. La première consiste à développer, avec volontarisme, les communautés thérapeutiques. Celles-ci en sont au stade expérimental en France : on n'en compte que sept. C'est tout à fait insuffisant quand on constate les succès qu'elles remportent à l'étranger : non seulement elles orientent des toxicomanes vers l'abstinence, mais elles les aident à se réinsérer, sans pour autant les soumettre à un parcours médicalisé parfois sans fin. Nous fixons un objectif raisonnable : disposer d'une communauté thérapeutique par région.

Il faut également renforcer les capacités d'accueil et d'hébergement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, poursuivre la structuration de l'offre hospitalière, améliorer le maillage territorial en établissements médico-sociaux et faire mieux connaître les consultations destinées aux jeunes consommateurs. Il convient en outre de développer les passerelles entre les dispositifs de prise en charge car l'éparpillement des structures nuit à la continuité du parcours de soins des toxicomanes.

Enfin, le renforcement de l'offre de soins suppose d'améliorer la formation en addictologie des professionnels de santé et la recherche dans ce domaine pour dépasser les querelles de chapelle.

Le troisième pilier de la prise en charge des toxicomanes est la réduction des risques. Cette politique, qui a permis des progrès en matière de santé publique, doit être aménagée dans un esprit de responsabilité. À cet égard, nous nous interrogeons sur les traitements de substitution aux opiacés, qui posent trois problèmes.

Le premier est celui de leur durée : ils semblent devenir des traitements « à vie ». Quelle est la voie de sortie ? Il faut mener des recherches et faire le véritable bilan de ces traitements. Le deuxième problème est celui du trafic de Subutex. Nous proposons l'ouverture systématique d'un dossier pharmaceutique pour les personnes souhaitant s'en faire délivrer, non pour les stigmatiser mais pour mieux contrôler la délivrance de ce produit qui peut conduire à l'addiction. Le troisième problème est celui des décès, beaucoup trop nombreux, liés à la prise de méthadone. Nous proposons que la prescription soit encore plus encadrée lors de la reconduction du traitement en médecine de ville, en s'appuyant sur les réseaux ville-hôpital, et qu'un bilan médical régulier soit mené pour éviter les surdoses.

Dans le cadre de la réduction des risques, certains ont proposé l'expérimentation de centres d'injection supervisés. Nous y sommes défavorables, comme le sont plusieurs instances officielles reconnues, dont l'Académie nationale de médecine. Nous constatons que l'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui a lancé le débat de l'été dernier, est en réalité plus nuancée qu'on l'a laissé croire et que le consensus n'existe pas sur la question.

Notre visite de l'espace Quai 9 à Genève ne nous a pas non plus convaincus. L'efficacité de ces centres pour lutter contre la diffusion des virus de l'immunodéficience humaine et de l'hépatite C n'a pas été démontrée. De plus, ces centres ont été créés dans des pays qui connaissent des situations très particulières de « scènes ouvertes » de la drogue, phénomène dont l'ampleur est moindre en France.

Nous estimons donc que ces centres ne seraient pas adaptés à la situation française : les surdoses mortelles sont chez nous moins nombreuses, les scènes de consommation de drogues sont mobiles et diffuses et la réduction des risques a permis d'améliorer la santé des toxicomanes.

L'expérimentation de ces centres poserait en outre des difficultés juridiques puisqu'il faudrait accepter que, dans certains lieux, la consommation de drogues soit légale, ce qui serait contraire aux conventions internationales qui lient la France. Cela poserait également des questions difficiles à régler : quelle serait la responsabilité des professionnels de santé travaillant dans ces centres en cas de surdose ? Comment devraient agir les forces de l'ordre à proximité des centres ?

Enfin, nous jugeons que de tels centres donneraient un message extrêmement ambigu sur l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de la drogue, ce qui ne pourrait qu'affaiblir la portée des actions de prévention. Nous ne pouvons l'accepter.

En réalité, ce qui compte, c'est moins d'offrir un espace d'injection que de nouer un contact avec des populations très fragiles. Nous proposons donc de multiplier les maraudes pour établir un premier contact avec ces populations et les orienter vers le système de soins.

Le corapporteur, M. Gilbert Barbier, va maintenant vous exposer notre point de vue sur d'autres questions, en particulier le régime juridique de l'usage des drogues.

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