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Intervention de Pierre Fender

Réunion du 8 juin 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Pierre Fender, directeur du contrôle-contentieux et de la répression des fraudes à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés :

Afin de montrer en quoi l'assurance maladie est concernée en matière de traitements de substitution aux opiacés, je traiterai successivement du contexte, de l'analyse des bases de remboursement de l'assurance maladie et des programmes de contrôle.

En matière de substitution, deux principaux produits existent, la méthadone et la buprénorphine, avec pour chacune un encadrement législatif et réglementaire, particulièrement pour la méthadone avec une délivrance fractionnée de sept jours, une prescription limitée à quatorze jours et l'instauration d'un relais de la prescription en cabinet de ville. En revanche, si l'encadrement de la buprénorphine est bien supérieur à celui prévu pour un médicament ordinaire, il est bien moins contraignant que pour la méthadone avec une prescription limitée à vingt-huit jours et une délivrance sur sept jours.

Nos programmes de contrôle ont été lancés dans les années 2000, lorsque nous nous sommes aperçus d'une vraie dérive – un mésusage et des fraudes – qui impactait très fortement la prescription et la délivrance de ces produits. Si les montants remboursés en 2002 atteignaient près de 80 millions d'euros pour le Subutex et près de 6 millions d'euros pour la méthadone, nous savions qu'il y avait un détournement d'usage du premier – avec nomadisme et surconsommation – dû à sa facilité d'accès, et une prise en charge de qualité inégale des personnes traitées.

Le dispositif législatif s'est renforcé en 2007 dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale qui a introduit un article L. 162-4-2 dans le code de la sécurité sociale tendant, pour qu'il y ait prise en charge par l'assurance maladie, d'une part à obliger le prescripteur à indiquer sur chaque prescription le nom du pharmacien chez lequel l'assuré se fera délivrer le produit, d'autre part à élaborer un protocole de soins entre l'assurance maladie, le médecin traitant et l'assuré. Ce protocole concerne soit tous ceux qui consomment de la méthadone sous forme de gélules, soit, en cas de suspicion d'un usage détourné ou abusif, tous ceux qui consomment les autres produits de substitution. Une fois encore, deux réglementations s'appliquent : l'une très stricte pour la méthadone sous forme de gélules, l'autre moins sévère pour la buprénorphine. Le renforcement du dispositif législatif oblige également à prescrire ces médicaments à l'aide d'une ordonnance sécurisée.

J'en viens aux bases de remboursement de l'assurance maladie. S'agissant de la buprénorphine haut dosage, les montants remboursés ont diminué entre 2004 et 2009, passant de 81 à 72 millions d'euros environ, tandis que le nombre de boîtes passait de 8,5 à 9,7 millions. Cette baisse des remboursements s'explique par le développement des génériques du Subutex et par la baisse des tarifs de la buprénorphine haut dosage. Pour ce qui est de la méthadone, les montants remboursés ont fortement augmenté, de même que le nombre de boîtes, qui a plus que doublé entre les deux périodes du fait de la mise à disposition d'une nouvelle présentation galénique sous forme de gélules et de la possibilité d'un relais de la prescription en cabinet de ville.

Depuis l'apparition de la méthadone sous forme de gélules en 2008, le nombre de ses consommateurs a atteint au premier semestre 2010 un nombre supérieur à 11 000, soit un quart du total des bénéficiaires des remboursements de méthadone. Cette croissance existe également concernant la méthadone sous forme de sirop : le nombre des bénéficiaires des remboursements est en effet passé de 11 000 en 2004 à près de 30 000 au premier semestre 2010, avec une évolution semestrielle moyenne de + 7,3 %.

La consommation hebdomadaire de Subutex en comprimés de 8 milligrammes et de ses génériques s'est accrue entre 2006 et 2008, avec un creux fin 2007 lié principalement à une affaire pénale relative à une bande organisée de médecins, de pharmaciens et d'assurés d'Île-de-France. Entre janvier 2008 et février 2010, on note cependant une stagnation du nombre de comprimés autour de 460 000 – la petite croissance qui a suivi fera l'objet d'un plan de l'assurance maladie.

Pour ce qui est du nombre de consommateurs de buphrénorphine haut dosage, on en comptait 80 000 au premier semestre 2004 contre 103 000 aujourd'hui. L'évolution semestrielle, qui était de + 2,5 % entre 2004 et 2007, est passée depuis à + 0,9 %, résultat dû à l'ensemble des plans mis en place par l'assurance maladie, ainsi que la majorité des acteurs le reconnaît. Nous avons en effet insisté sur le ciblage d'assurés, particulièrement ceux ayant des posologies de buphrénorphine haut dosage supérieures à 32 milligrammes par jour dont le nombre est passé de près de 2 000 en 2004 à 1 530 au premier semestre 2010.

La répartition des bénéficiaires de buphrénorphine haut dosage à des dosages supérieurs à 32 milligrammes varie beaucoup selon les régions – nous avons mis la barre à cette hauteur parce que, si l'on ne peut normalement dépasser 16 milligrammes, nous avons pris en compte le fait que certains professionnels estiment que cette dose peut être dépassée, sachant qu'une dose de 32 milligrammes correspond en tout état de cause soit à du mésusage soit à de la fraude.

L'Île-de-France comprend le plus grand nombre de consommateurs de buphrénorphine haut dosage, bien qu'elle représente 23 % des Français, ce qui indique une surconsommation en mésusage. Cette région, qui pose un problème majeur, est suivie en deuxième position par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur – dont le résultat est plus conforme à son poids démographique – puis par la région Rhône-Alpes. Les régions qui nous interpellent sont l'Alsace, l'Aquitaine, le Languedoc-Roussillon, la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais, c'est-à-dire les régions frontalières – comme Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes qui cumulent ainsi deux handicaps.

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