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Intervention de Bernard Leroy

Réunion du 8 juin 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Bernard Leroy, avocat général près la cour d'appel de Versailles :

Les Américains s'y essaient. Ils utilisent malheureusement des méthodes behavioristes ou comportementales qui n'auraient pas de succès dans notre pays. En revanche, ils mènent des actions intéressantes auprès des jeunes enfants.

Les Asiatiques font de même. Mais il faut savoir qu'ils ne fonctionnent pas comme les Occidentaux. Chez eux, les enfants sont très encadrés.

Plus généralement, la prise de drogues a un rapport avec la culture locale. Il existe trois sortes de drogues : à effet sédatif, pour être « down »; à effet stimulant, pour être « high »; et à effet hallucinogène. Les Américains, qui sont d'abord dans la performance, préfèrent la cocaïne, qui est un stimulant ; quand ils lèvent le pied, ils sont dans la folie du LSD. Les Japonais, qui sont dans la performance, consomment des amphétamines ; mais ils n'utilisent pas d'héroïne, car cela les ferait mal voir et, pour eux, le regard de l'autre est très important. Les Français, qui sont dans la dépression, préfèrent les drogues à effet sédatif.

Je terminerai sur un phénomène inquiétant : les nouvelles stratégies des trafiquants.

L'héroïne est un gros problème, mais le nombre de ses consommateurs stagne : en France, il est de 160 000 depuis cinquante ans. De ce fait, les trafiquants ne peuvent espérer qu'une augmentation limitée de la masse de leurs clients héroïnomanes. Ils développent donc en Europe leur trafic de cocaïne, maintenant que le marché des États-Unis est arrivé à saturation. En même temps, ils conseillent aux cocaïnomanes de prendre un peu d'héroïne pour pallier le côté désagréable de « l'atterrissage » qui suit la prise de cocaïne.

Par ailleurs, l'héroïne se conserve cent ans sans altération. On peut donc prendre son temps pour l'envoyer à 1 000 kilomètres. Ce n'est pas le cas de la cocaïne, dont la date de péremption est très rapide. Donc, ils la distribuent localement.

Avant de quitter l'Organisation des Nations Unies, j'ai rencontré le ministre chargé du commerce extérieur du Maroc. Je lui ai demandé quelle quantité de permanganate de potassium, produit utilisé pour la production de cuir, était importée de Chine. En un an, elle était passée de 200 à 400 tonnes ! Car les trafiquants envoient maintenant de la « pasta » de cocaïne au Maroc et utilisent le permanganate de potassium pour effectuer le lissage et la transformer localement en cocaïne.

Au Kosovo, qui est en train de devenir le point central d'arrivée de la cocaïne en Europe, les trafiquants ont envisagé de faire pousser localement de la coca.

J'ai également découvert de nouvelles stratégies en Afghanistan, où je me suis rendu plusieurs fois. Pour approvisionner la Russie, les trafiquants passaient par le Tadjikistan. Mais ils se sont aperçus que la police tadjik, lorsqu'elle arrêtait l'un d'eux, l'éliminait pour revendre sa drogue. Voilà pourquoi ils passent maintenant par l'Ukraine et la Roumanie en adoptant une nouvelle méthode : ils achètent la route – par exemple, les policiers, les douaniers, les juges en place sur 500 kilomètres, et cela tous les six mois.

Ainsi le phénomène de la drogue présente-t-il toute une série d'aspects qui nécessiteraient, de la part de la France, des ajustements. Cela nous permettrait d'adopter des conduites mieux adaptées face aux trafiquants.

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