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Intervention de Bernard Leroy

Réunion du 8 juin 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Bernard Leroy, avocat général près la cour d'appel de Versailles :

Je l'ai été longtemps, mais je ne sais plus trop quoi penser maintenant. Aujourd'hui, la peine requise pour usage de stupéfiants est d'un an de prison, mais elle n'est quasiment jamais appliquée. Donc, on ne met pas les drogués en prison. Envoyé par l'Organisation des Nations Unies en Italie en 1993, année où ce pays s'était prononcé par référendum pour la dépénalisation, j'ai demandé au directeur de l'administration pénitentiaire combien de détenus étaient emprisonnés pour usage de drogue : 201 sur environ 50 000 détenus !

De nombreux États ont adopté des systèmes d'amendes. Cela pourrait se justifier en France, dans la mesure où la loi n'est pas appliquée, ce qui ne fait que la décrédibiliser, et où son application effective ne serait pas gérable.

L'intérêt de la contraventionnalisation est double : une sanction moins violente que la prison – plus adaptée à l'infraction –, et une faisabilité accrue pour traiter de la délinquance de masse. Néanmoins, le risque est que le changement soit perçu comme une reculade et comme un feu vert à l'usage de drogues, et l'amende assimilée à une formalité pour pouvoir se droguer. Les tribunaux, quant à eux, déjà écrasés de travail, ne pourraient pas gérer la situation.

Cela me conduit à vous parler des alternatives thérapeutiques. Le Subutex, malgré ses inconvénients – risques de chronicisation de sa consommation et d'alcoolisation – a permis d'enregistrer des progrès dans la prise en charge des héroïnomanes. J'ai moi-même envoyé des centaines de drogués se faire soigner, avec quelques résultats. Mais maintenant il n'y a plus ni injonction ni prise en charge thérapeutique. Cela dit, je ne considère pas que le recours à la drogue procède de la maladie. C'est bien plutôt un mode de fonctionnement – le professeur canadien Dollard Cormier a écrit un livre remarquable à ce sujet – qui a, j'en conviens, des conséquences sanitaires graves.

Mais revenons-en à la contraventionnalisation : le 2 de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 oblige les États signataires à faire de l'usage de stupéfiants une infraction pénale. En faire une contravention passible d'une amende administrative irait à l'encontre de cette convention.

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