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Intervention de Philippe Touzet

Réunion du 12 janvier 2012 à 9h15
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Philippe Touzet, délégué central de SUD RATP :

Le syndicat SUD RATP se réjouit que l'Assemblée nationale se soucie des problèmes du Réseau Express régional d'Île- de-France, en espérant que ses motivations ne sont pas uniquement dictées par des motifs électoraux.

Nous n'interviendrons qu'à propos des lignes A et B du RER, dont la RATP est le principal opérateur de transport et gestionnaire d'infrastructures.

Après des années de sous-investissement, voilà donc que le RER redevient l'objet de toutes les attentions, jusqu' à celle du Chef de l'État qui l'a érigé en enjeu national lors de son discours du 5 décembre 2011. Cette situation nous rend interrogatifs vis-à-vis de la politique de décentralisation des transports en Île-de-France initiée en 2000 avec la loi « SRU », d'autant qu'à moyen terme, nous risquons d'assister à un éclatement des transports franciliens avec la mise en oeuvre de la loi dite « ORTF » de 2009.

Considérer les problèmes du RER indépendamment des autres modes de transport serait une grave erreur, tout comme l'éclatement de la RATP sera préjudiciable aux usagers, sauf si le but recherché est bien de favoriser une économie de marché, en opposition avec un service public de qualité.

Effectivement, les usagers des lignes A et B du RER représentent une clientèle captive car, davantage que des mouvements sociaux, c'est bien du manque d'alternative qu'ils sont les otages – selon un terme à la mode – en raison d'une politique d'urbanisation non maîtrisée et d'une absence d'investissements en matière de transports qui a créé une dichotomie entre les pôles d'emplois et les lieux d'habitation.

La saturation des lignes A et B du RER n'est pas un risque : c'est déjà une réalité que vivent presque quotidiennement près de deux millions de voyageurs. Dès lors, la moindre interruption d'exploitation devient un problème pour tous ceux qui ne disposent d'aucune alternative pour rejoindre leur lieu de travail ou d'habitation.

Le RER est d'abord une infrastructure de transport surexploitée, qu'il s'agisse des voies ou des caténaires, soumise à une charge de plus en plus lourde, notamment avec les trains à deux niveaux MI2N et MI09, et à une fréquence de plus en plus tendue. Il subit également une surcharge de ses matériels de transport anciens, que sont les trains MI84 et MS61, comme des gares et des pôles d'échange. Ce qui crée des dangers aux heures d'affluence, tant à bord des trains, où des voyageurs connaissent des malaises, que sur les quais, avec des chutes sur les voies.

Parallèlement, le réseau souffre d'un désengagement en matière de maintenance, avec de plus en plus d'opérations curatives au détriment des actions préventives, une gestion des stocks de pièces à flux tendu et le recours à l'externalisation de certaines opérations contreproductives. La découverte de poussières d'amiante dans les trains MI79, qui sortaient de rénovation, démontre l'inefficacité d'une politique consistant à externaliser des opérations que pourrait efficacement réaliser la RATP.

Il faut aussi s'interroger sur les coûts directs et indirects de la rénovation, aux limites d'une technologie vieillissante qui peut occasionner des pannes, comme encore cette semaine sur la ligne A du RER.

Au-delà de leur fréquentation, c'est bien de retards à répétition que souffrent les lignes A et B du RER, les deux étant intimement liés, la surcharge et la surexploitation entraînant une multiplication des incidents et donc des retards. S' y ajoutent les conséquences des colis suspects, des incivilités et des actes de vandalisme.

Les conflits sociaux ne représentent qu'une infime partie des perturbations, dans un contexte de gel des salaires et de reculs sociaux sans précédent qui mériteraient un plus haut niveau de mobilisation des salariés. SUD RATP ne se réjouit donc pas du faible niveau de conflictualité de l'année 2011, avec seulement 0,56 jour de grève par agent sur la ligne A du RER et 0,96 sur la ligne B.

Les conséquences de la grève, montées en épingles par quelques démagogues, sont donc loin de représenter le problème majeur du RER. Mais il suffirait d'arrêter la casse des acquis sociaux, d'augmenter les salaires, d'améliorer les conditions de travail et de mener une politique de l'emploi pour que cessent les grèves, conséquences avant tout des attaques incessantes du gouvernement et de la surdité de la direction de notre entreprise. SUD RATP continuera donc, par tous les moyens, à défendre les intérêts des salariés : c'est sa seule raison d'être.

En matière d'environnement, le nombre de voyageurs transportés par les RER A et B met en lumière l'intérêt des transports en commun en matière de développement durable. Le facteur d'émission de la voiture particulière en milieu urbain est en effet 55 fois plus élevé que le facteur d'émission moyen des modes ferrés. Cependant il parait nécessaire de remplacer certains matériels roulants, comme le MS61, qui reste très polluant et qui ne restitue pas d'énergie au freinage, contrairement aux matériels plus récents.

Enfin, l'interopérabilité sur les lignes A et B du RER est une fausse bonne solution car la relève entre les conducteurs est un faux problème qui n'est pas en lui-même celui de ces deux lignes. Ainsi, l'interopérabilité de la ligne B n'a toujours pas démontré son efficacité, et les difficiles relations, voire la compétition, entre la SNCF et la RATP ne favorisent pas l'interpénétration des réseaux RFF et RATP. À l'image du poste de commandement unique, CUB, qui n'a toujours pas été créé sur la ligne B.

Sur la ligne A, l'interopérabilité, souhaitée par le Président de la République lui-même, risque de créer plus de problèmes qu'elle n'en résoudra. En effet, les temps de relève entre les conducteurs de la RATP et de la SNCF ne sont pas différents des inévitables temps de relève des conducteurs de la RATP entre eux. Sauf à remplacer les hommes par des machines, il faudra toujours procéder à des changements de conducteurs.

L'interopérabilité n'apportera rien de positif sur la ligne A du RER, si ce n'est une perte d'expérience dommageable à la régularité et à l'efficacité de la ligne, surtout dans son tronçon central où la RATP possède la maîtrise d'une fréquence d'exploitation plus proche de celle du métro que de celle du train.

Voici maintenant quelques pistes pour améliorer le fonctionnement des lignes A et B du RER.

En premier lieu, il faut favoriser la création d'emplois au plus près des zones d'habitation pour éviter d'accentuer le phénomène d'éloignement entre le domicile et le travail au regard du coût du logement en Île-de-France. On constate aujourd'hui une forte déconnexion entre des sièges sociaux qui s'installent à l'Ouest et des zones d'habitation qui se construisent à l'Est.

Il convient ensuite de développer des alternatives pour les usagers, de plus en plus nombreux, situés en bout de ligne des RER A et B.

Même le Grand Paris n'apporte pas de solution à moyen ou à long terme sur certains secteurs de la grande couronne, comme celui de Marne-la-Vallée Chessy, alors que les besoins de transports ne cessent de croître en Seine-et-Marne et que le TGV n'est évidemment pas un mode adapté à des déplacements urbains et semi urbains quotidiens.

De la même manière, le développement du plateau de Saclay ne doit pas s'effectuer sans un renforcement de la ligne B du RER, en attendant une ou des alternatives dédiées.

Il convient également d'améliorer l'offre de transport globale et la fréquence dans les branches du RER. Il est nécessaire pour cela de doubler les voies et les tunnels des RER A et B afin d'augmenter la capacité de leur tronçon central.

Nous préconisons aussi de poursuivre le remplacement de tous les anciens matériels roulants par des trains du type MI09. Ce qui pose la question du financement au moment où l'État prend des décisions augmentant la dette de la RATP et pesant sur des salariés soumis à un effort de productivité sans précédent, justement pour la réduire. Autrement dit : l'État décide des dépenses et les salariés en payent la note.

En dehors du périmètre de la RATP, il conviendrait de mettre en place des voies dédiées au RER car le réseau RFN n'est pas adapté aux exigences et aux fréquences des RER A et B, dont les voies ne souffrent pas d'être partagées avec d'autres lignes ou d'autres services.

L'augmentation des effectifs de conducteurs permettrait également d'améliorer la régularité, avec des glissements aux terminus pour compenser et rattraper une partie du retard pris en ligne.

Le nombre de stagiaires conducteurs devrait être accru. Actuellement, le département « métro » de la RATP ne pourvoit pas le département RER en mutations suffisantes pour remplacer, dans les délais impartis, tous les conducteurs du RER partant en retraite.

Nous réclamons une véritable politique de maintenance préventive, comportant des entretiens techniques et des visites systématiques, ce qui éviterait certains incidents en ligne, que subissent trop souvent les usagers.

Il faut renforcer la sécurité sur les voies afin d'éviter les vols de câbles, récurrents ces derniers mois. Nous sommes toujours en attente du renfort des 300 agents du service interne de sécurité de la RATP, le GPSR, annoncé le 11 mars 2011 par le ministre de l'intérieur.

Afin de mieux assister les voyageurs dans leurs déplacements occasionnels ou quotidiens et de mettre un terme à la politique de déshumanisation, nous souhaitons que l'accueil dans les gares soit amélioré.

Enfin, nous proposons de renouveler l'infrastructure de transport, méthodiquement la nuit, pour éviter des fermetures d'exploitation sur des périodes données – dont vous pouvez imaginer les conséquences – telles que les envisage pourtant la RATP, qui prévoit de renouveler l'intégralité du ballaste et des voies du tronçon central du RER A à l'horizon 2014.

Pour ne pas entrer dans un débat politique, nous n'interviendrons pas spécifiquement sur la question du financement, simple problème à nos yeux de redistribution et de partage des richesses. À l'heure où l'État veut augmenter les impôts indirects, avec une « TVA antisociale », tout en continuant d'exonérer les plus hauts revenus de l'imposition directe, nous estimons que les sources de financement se trouvent là où il y a de l'argent, et non pas dans les poches des plus défavorisés.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

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