En situation de pénurie, l'industrie pharmaceutique se trouve évidemment en position de force vis-à-vis des acheteurs que sont les États. Certains de ceux-ci auraient préféré que les achats passent par les circuits traditionnels de grossistes : c'est par exemple la position qu'a maintenue la Pologne. Sauf que la présentation des vaccins faisait qu'il était impossible de procéder ainsi, que les États devaient être à la manoeuvre et devenir, en quelque sorte, les clients des laboratoires pharmaceutiques.
Peut-être, demain, les Chinois ou les Indiens lanceront-ils des chaînes de fabrication de grande capacité. Certains de nos concurrents se sont en effet mis en position de venir « tailler des croupières » à notre propre industrie pharmaceutique. N'oublions pas que nous vivons dans un monde global et que l'éthique de l'Organisation mondiale de la santé consiste à proposer les souches à tout le monde, et gratuitement. De la même façon, la France milite pour qu'il n'y ait pas de droits de propriété sur les souches virales. Mais au nom de l'éthique, on risque de dynamiter l'industrie pharmaceutique sur les sols européen et américain.
Peut-on améliorer la gouvernance, à la fois internationale et européenne, en matière de pandémie ?
Au niveau mondial, l'Organisation mondiale de la santé existe et il ne faut pas « jeter le bébé avec l'eau du bain ». Rappelez-vous les bagarres qui ont eu lieu à propos du virus A(H5N1), les pays du Sud-Est asiatique ne voulant pas nous donner les souches, ou du moins ne voulant les donner que contre rémunération.
Les pays du G7 – l'Allemagne, le Canada, les États-Unis, l'Italie, la France, le Japon, le Royaume-Uni – ainsi que le Mexique se sont réunis à Londres, au début du mois de décembre, pour étudier les mesures mises en place pour lutter contre la grippe A(H1N1).
De mon côté, j'ai eu des rencontres bilatérales avec de nombreux collègues européens et avec la secrétaire à la santé des États-Unis, Mme Kathleen Sebelius. J'ai appelé au téléphone mes homologues allemande et belge de l'époque, Mmes Ulla Schmidt et Laurette Onkelinx. De manière formelle et informelle, j'ai toujours été en relation avec eux pour m'assurer qu'ils étaient en phase avec nous. Enfin, dans le cadre de l'Union européenne, j'ai toujours plaidé pour une réponse européenne unique. Mais en ce domaine, je reconnais que nous avons des progrès à faire. Nos partenaires ont des organisations politiques très diverses et nous nous sommes trouvés très démunis pour mener des politiques de coopération avec des pays comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne dont l'organisation de la santé est complètement décentralisée. Comment, dans un État fédéral, mener une politique globale de gestion de pandémie ?