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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 15 juin 2010 à 9h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

J'avais chargé Mme Marie-Dominique Furet, une scientifique de la direction générale de la santé, d'étudier cette question. L'une de ses propositions principales, qui portait sur l'adoption d'un code de déontologie de l'expertise, a été reprise. À partir de juin 2009, un groupe de travail, constitué au sein du comité d'animation du système d'agences et piloté par la Haute Autorité de santé, a mené une réflexion sur la gestion et la prévention des conflits d'intérêts de l'expertise en santé publique. Il en est sorti une charte déontologique, destinée à sécuriser le processus d'expertise interne et externe et à garantir la qualité de l'expertise institutionnelle. De son côté, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a souhaité que les organismes de recherche adoptent une charte nationale de l'expertise scientifique et technique.

La question de l'indépendance de l'expertise se pose dans tous les pays comparables au nôtre : ainsi les États-Unis se sont dotés de Sunshine Acts et vos homologues du Congrès ont adopté en mars dernier un texte prévoyant un certain nombre de déclarations, devant entrer en vigueur en 2013.

En France, le service des relations entre médecins et industrie du Conseil national de l'ordre des médecins analyse depuis 2007 les conventions passées entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques. La loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet dernier est enfin venue compléter les dispositifs existant en la matière. Les dispositions de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique ont notamment été modifiées pour permettre à l'Ordre national des médecins d'enclencher des poursuites judiciaires à l'encontre des praticiens qui ne respecteraient pas les règles d'indépendance.

Aujourd'hui, je veux pousser encore la réflexion et, bien entendu, les préconisations que vous ferez sur ce sujet seront les bienvenues. J'ai demandé à mes services de travailler sur une déclaration qui émanerait non pas des médecins et des professionnels de santé, mais des industriels eux-mêmes, et de réfléchir aux modalités de publication des liens entre industriels et médecins.

Je le dis clairement : il n'y a pas eu de dictature des experts. De toutes façons, tous leurs avis ont été analysés et évalués par la direction générale de la santé de manière tout à fait indépendante. C'est sur la base de cette évaluation que j'ai proposé des décisions au reste du Gouvernement.

Pour ce qui est de l'Organisation mondiale de la santé, l'article 37 de sa constitution pose pour principe général la désignation d'experts choisis pour leurs compétences techniques individuelles, et non leur nomination par les États membres. Il existe deux structures.

La première est le groupe consultatif stratégique d'experts sur la vaccination, ou Strategic advisory group of experts on immunization, qui a pour mission de conseiller l'organisation en matière de politique vaccinale. Il est composé de quinze membres désignés pour trois ans et se réunit deux fois par an. Il est appuyé par cinq sous-groupes, dédiés aux souches suivantes : coqueluche, grippe A(H1N1), grippe A(H5N1), poliomyélite et rougeole. L'organisation peut inviter informellement d'autres experts : le professeur Daniel Camus de la direction générale de la santé a été associé à certaines sessions, de même que le professeur Christian Perronne, président du comité technique des vaccinations, lors de la réunion de juillet 2009 consacrée au virus A(H1N1).

La seconde est le comité d'urgence sur la grippe, qui a été instauré dans le cadre du règlement sanitaire international. Il se prononce sur la question de savoir si un événement constitue une urgence de santé publique de portée internationale et sur la proposition d'émettre, de modifier, de proroger ou d'annuler des recommandations importantes. Ce comité a été réuni à plusieurs reprises par le directeur général de l'organisation, la première fois le 25 avril 2009. Conformément au règlement sanitaire international, il revient au même directeur général de fixer la composition de ce comité non permanent ; celle-ci n'a pas été rendue publique par l'Organisation mondiale de la santé, qui souhaite protéger ses experts des influences extérieures. Les pressions ne viennent d'ailleurs pas uniquement de l'industrie pharmaceutique. Elles émanent surtout de certains États membres – par exemple, les États-Unis ou le Royaume-Uni, qui étaient parmi les plus touchés, n'auraient pas été favorables au passage en phase 6 en raison des répercussions économiques ou sociales non négligeables qu'il aurait entraînées. Les membres de ce comité à géométrie variable sont choisis dans un vivier d'experts. C'est ainsi que Mme Margaret Chan s'est adressée à huit nouveaux membres – qui représentaient l'Australie, le Canada, le Chili, le Japon, le Mexique, l'Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis – pour étudier le passage en phase pandémique. Le président de ce comité d'urgence est M. John Mackenzie.

La modification de la qualification de pandémie a donné lieu, au sein de l'Organisation mondiale de la santé, à un débat d'experts – et je crois savoir que MM. Marc Gentilini et François Bricaire se sont affrontés sur ce thème devant votre commission. Cette qualification doit-elle prendre en compte une notion de gravité ? L'organisation s'est appuyée sur une notion d'extension géographique et, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, ce changement n'est pas allé dans le sens d'une édulcoration, mais bien d'un durcissement des critères. Il est même certain que le passage au niveau 6, dans l'ancien système, se serait produit plus vite qu'il ne s'est produit avec la nouvelle définition des phases, laquelle ressort d'un processus lancé en 2007, soit bien avant que la pandémie de grippe A(H1N1) ne commence.

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