Je préfère m'appuyer sur des décisions collégiales et argumentées et je n'ai pas pour habitude de choisir, parmi les analyses des experts, celles qui m'arrangent.
Je me suis appuyée en premier lieu sur l'expertise des agences sanitaires issues de la loi du 1er juillet 1998. Le sénateur Claude Huriet avait posé pour principe que ces institutions de contrôle devaient être fonctionnellement indépendantes et disposer d'une légitimité scientifique. De fait, en leur sein, les fonctions de gestion sont séparées des fonctions d'évaluation, exercées indépendamment de la tutelle économique, et le rôle des experts a été clarifié de façon à limiter les conflits d'intérêts ; par exemple, au sein de l'Institut de veille sanitaire, personne n'a un lien, occulte ou avéré, avec les entreprises pharmaceutiques.
Le mode de fonctionnement des agences a été conçu pour assurer la qualité et préserver l'indépendance de l'expertise. Entièrement tournée vers un objectif de santé publique, celle-ci doit satisfaire aux exigences de compétence et de transparence.
Lors d'une pandémie, l'évaluation scientifique porte forcément sur des champs très divers, ce qui implique pluridisciplinarité et collégialité. J'ai donc toujours veillé à mobiliser une expertise pluridisciplinaire et transversale, et je n'ai pas de « gourou » derrière mon épaule. Je me suis toujours refusée à écouter un seul et unique conseiller ! L'expertise à laquelle j'ai eu recours a toujours été collégiale et à même d'affronter un débat contradictoire. Même sur des thèmes plus restreints mais de façon informelle, je me suis appuyée sur des collèges d'experts et de scientifiques : spécialistes de neurologie – pour le syndrome de Guillain-Barré –, pédiatres, réanimateurs, infectiologues, etc.
L'expertise ne doit pas être non plus exclusivement scientifique. Une pandémie a toujours des implications sociales, sociétales et éthiques. À cet égard, nous étions préparés : le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis n° 106, avait déjà traité des grandes questions qui peuvent se poser en cas de pandémie – en particulier celle de la conciliation de l'équité et de la priorité pour l'accès aux moyens de prévention.
Enfin, l'expertise nationale s'est appuyée sur l'expertise internationale : au niveau européen, sur celle du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui a participé à l'analyse de la situation épidémiologique et de ses évolutions possibles, et sur celle de l'Agence européenne du médicament, qui rassemble l'expertise des États membres sur les produits de santé ; au niveau mondial, sur celle de l'Organisation mondiale de la santé.
On ne peut imaginer une sorte de complot mondial, où des milliers d'experts auraient été payés par les laboratoires pharmaceutiques …
Cela étant, en matière d'expertise, des progrès sont certes à faire…