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Intervention de Samia Ghali

Réunion du 6 avril 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Samia Ghali, sénatrice :

Vos propos concernant la légalisation des drogues me rassurent, en particulier vis-à-vis des enfants mais comment faire passer des messages sur le tabac chez les jeunes si on légalise les autres drogues ? Comment éviter de paraître archaïque en s'opposant à cette légalisation ? Je ne me considère pas comme archaïque ! Je suis de la génération qui, dans les années 1980, a vu la drogue de près. Je suis aujourd'hui mère de quatre enfants de 20, 17, 11 et 3 ans et je ne souhaite pas voir instaurer cette dépénalisation pour répondre à un effet de mode ! Notre mission devrait d'ailleurs réfléchir à cette question.

Enfin, j'aimerais savoir quel est le risque pour un jeune qui prend du cannabis de se retourner vers une autre substance ?

Docteur William Lowenstein. Pour abonder dans votre sens, il ne s'agit pas de trancher entre le noir et le blanc mais de savoir ce qui est le moins risqué, aucun système n'étant idéal. Personnellement, je ne suis pas favorable à une légalisation immédiate car l'évolution socioculturelle, individuelle et médicale est fondamentale pour une société responsable. Je pense que l'urgence réside aujourd'hui dans la décriminalisation et le repositionnement de la répression.

Pour ce qui concerne la théorie de l'escalade, un certain nombre de travaux ont démontré le contraire depuis 1978. On peut aisément calculer que, sur 3 millions de consommateurs de cannabis, on compte 250.000 à 300.000 usagers d'héroïne.

D'autres facteurs interviennent ce qui ne signifie pas que, dans certains cas, le cannabis ne serve pas de déclencheur, notamment lorsqu'il met un adolescent en contact avec un revendeur de drogues multiples. C'est aussi un principe de réduction des risques avancé par certains et qu'il nous faut entendre pour décriminaliser, voire légaliser les drogues. Comment protéger ces usagers de ce monde de la délinquance ? Dans mon esprit, les choses sont claires pour ce qui concerne les usagers dépendants. Il faut médicaliser le système. Il ne faut pas tout permettre mais, comme au Portugal, constituer sous la responsabilité du ministère de la santé des commissions dites de probation qui n'abandonnent pas le toxicomane. S'il n'y a plus de sanction pénale, cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de sanctions administratives, ni d'interdits symboliques. Personne ne peut conseiller à qui que ce soit de fumer du cannabis ou de boire de l'alcool -surtout aux jeunes- mais la culture de notre pays doit évoluer.

En matière d'alcool par exemple, la position des parents, qui espèrent toujours protéger leurs enfants, doit changer ! Qui fait boire les enfants pour la première fois ? L'alcool est la seule drogue qui soit administrée par les parents, parfois à 5, 7 ou 10 ans, lors de l'anniversaire ou du réveillon du 31 décembre ! On peut éduquer les parents : il n'est pas normal de permettre à un enfant de 5 ou de 7 ans de tremper ses lèvres dans une coupe de champagne parce que c'est la fête ! Pourquoi ne pas lui faire goûter une autre substance ? Il ne faut pas laisser les parents dans la crainte mais les mettre face à leurs responsabilités !

On pourrait prendre le même exemple pour le cannabis : parmi notre génération, beaucoup de parents qui fument ou disent avoir fumé affirment devant leurs enfants que ce n'est pas très grave. Il faut donc, me semble-t-il, faire évoluer la responsabilité parentale dans bien des domaines.

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