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Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 2 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Je suis heureux que Monsieur Cotis ait affirmé que l'on comparait la compétitivité des survivants. J'ai également apprécié ses propos sur la compétitivité des prix : l'affaiblissement des marges conduit à long terme à une diminution évidente de notre compétitivité structurelle.

La situation de l'économie française fait songer à ce que disait Sacha Guitry en mourant : « si je comprends bien, messieurs, je meurs guéri ! ». À en croire les commentateurs, tout ne va pas si mal… Nous n'en affichons pas moins un déficit structurel du commerce extérieur de 50 milliards, une croissance minable et une industrie qui s'étiole.

Nous parlons de compétitivité des produits, et même – pour l'essentiel – de compétitivité-prix des produits. Or la compétitivité-prix de l'industrie allemande ne va pas de soi. D'autres facteurs interviennent donc dans la compétitivité allemande. Il s'agit de ce que les économistes appellent la différenciation du produit : les marchés étant imparfaits, la qualité du produit ou les réseaux commerciaux jouent largement autant que la compétitivité-prix.

Nous oublions aussi un débat fondamental : celui de la compétitivité des territoires. Qu'est-ce qui est important ? Est-ce de vendre plus ou mieux, ou de fabriquer chez soi ? Je pense que l'essentiel est que notre territoire reçoive beaucoup d'investissements productifs lui permettant de créer de l'emploi. Prenons le cas de la Chine et du Japon : le Japon possède un tiers de l'industrie chinoise, ce qui est considérable ; mais c'est en Chine que les investissements sont accomplis et les emplois créés, tandis que le Japon connaît une crise sociale et crée moins d'emplois. Peu importe donc, à la limite, qui possède l'industrie. Il m'est indifférent que M. Mittal soit indien, chinois ou turc, pourvu qu'il laisse ses industries chez nous – ce qu'il n'a, hélas, apparemment pas l'intention de faire.

La compétitivité du territoire répond à des critères très différents, beaucoup plus complexes et difficiles, que celle des produits, qui ne doit pas être non plus réduite aux prix. Les notions de stabilité, de sécurité et de psychologie de l'environnement jouent un rôle plus important que la comparaison à un moment donné. Si un investisseur à dix ans a le sentiment que le niveau des charges ne va guère varier au cours des dix prochaines années, il investira ; en revanche, s'il anticipe que ce niveau, même bas, va augmenter brusquement – ce qui sera immanquablement le cas en France –, les choses seront plus délicates. J'ai rédigé dernièrement sur cette question de la compétitivité des territoires un rapport intitulé « L'attrait de la France pour les investisseurs étrangers », que je verse volontiers au débat.

Venons-en au problème des salaires. Certaines choses bougent tout de même, et je me réjouis que Monsieur Cotis nous rappelle que la compétitivité vis-à-vis du reste du monde demeure aussi importante que la compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne. Prenons l'exemple de l'Inde et de la France. Je puis vous garantir qu'en Inde, un ingénieur très qualifié a un pouvoir d'achat bien supérieur à son homologue français. De même, un jeune diplômé de l'Indian institute of management d'Ahmedabad gagne pratiquement deux fois plus, en euros ou en dollars, qu'un diplômé d'HEC.

Comparons maintenant les charges sociales avec les États-Unis. Les charges sociales légales sont évidemment plus faibles outre-Atlantique, mais il est probable que dans les années qui ont précédé la crise, les charges sociales réelles – qui tiennent compte des charges conventionnelles – dans l'industrie automobile américaine ont été égales ou supérieures à ce qu'elles étaient en France. Le coût du travail dans l'industrie était à mon avis beaucoup plus lourd aux États-Unis qu'en France, mais les statistiques ne tiennent compte que des charges sociales obligatoires ou légales. Les charges conventionnelles considérables qui existaient dans l'industrie automobile américaine expliquent peut-être qu'on continue encore, un peu, à fabriquer des automobiles en France, alors qu'on n'en fabrique presque plus aux États-Unis et que toutes les industries automobiles américaines aient dû être nationalisées.

Restent les facteurs de compétitivité de long terme, en particulier la recherche et le développement. Je m'insurge contre le raisonnement selon lequel on pourrait sans dommage augmenter l'impôt sur les sociétés et supprimer le crédit impôt recherche. Je crains que nous ne finissions nous aussi par mourir guéris, comme Sacha Guitry.

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