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Intervention de Anne-Marie Brocas

Réunion du 2 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Anne-Marie Brocas, directrice de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, DREES :

Si la DREES suit, notamment à travers les comptes de la protection sociale, l'évolution des dépenses de protection sociale et des conditions de leur financement, elle ne dispose cependant pas d'expertise propre quant à l'impact économique de la protection sociale, pas plus que sur les questions de coût du travail qui relèvent de l'INSEE et de la DARES.

C'est pourquoi mon propos sera modeste et se bornera à rappeler quelques constats sur l'évolution de la protection sociale et de son financement.

Premier constat, la France a, rapporté à son PIB, un niveau de dépenses sociales élevé – ce qui est important en matière de compétitivité, la question de la structure des financements étant quant à elle, d'une certaine façon, seconde. Cependant, la croissance de ces dépenses en part de PIB a été relativement maîtrisée depuis le milieu des années 1990.

Avec un ratio de dépenses de prestations sociales de 29,3 points de PIB en 2008, notre pays se situe à un niveau aussi élevé que celui des pays d'Europe du Nord. Toutefois, si l'on raisonne en termes de prestations sociales par tête et en parité de pouvoir d'achat, le diagnostic diffère assez sensiblement puisque nous nous trouvons alors derrière ces derniers, nos dépenses s'étant élevées à 7 900 euros en 2008 contre 9 000 à 10 000 euros dans les pays d'Europe du Nord. Nous situant à un niveau très proche de l'Allemagne – 7 700 euros par tête – sans doute sommes-nous plus confrontés à un problème de production que de niveau de protection sociale.

Les dépenses liées à l'ensemble des prestations sociales – assurance chômage, régimes complémentaires, ensemble des régimes de sécurité sociale – qui représentaient 15 points de PIB en 1959, s'élevaient à 28,6 points en 1993, à 29,3 points en 2008 et à 31,3 points en 2009, cette dernière augmentation étant due à l'évolution du PIB lui-même et à celle des prestations pendant la crise, notamment de chômage. Deux ans après le choc subi par l'économie, nous pouvons nous attendre à un rythme de progression assez proche de celui que nous avons connu antérieurement.

Deuxième constat, la structure du financement de la protection sociale a été fortement transformée au cours des trente dernières années : mesures de déplafonnement des assiettes des cotisations sociales – branches famille, maladie, accident du travail ; création de la contribution sociale généralisée et élargissement de la taxation à des revenus qui ne l'étaient pas, ou faiblement, tels que les revenus de remplacement, certains revenus salariaux et les revenus de l'épargne ; développement à partir des années 1990 des exonérations de cotisations des employeurs portant sur les bas salaires, compensées aujourd'hui par des impôts et des taxes affectés à la protection sociale.

Si l'on considère la structure du financement de la protection sociale par type de ressources en distinguant les cotisations des employeurs et salariés, les impôts et taxes affectés ainsi que les contributions publiques, la part de la protection sociale financée par les cotisations sociales des employeurs et des salariés a baissé de 17 points à partir des années 1990, baisse qui a été compensée par une augmentation de 21 points de la part des impôts et des taxes affectés au financement de la protection sociale, dont il convient de déduire une diminution de 5 points des contributions publiques – des taxes affectées venant compenser des exonérations de charges.

Cette diversification des sources de financement de la protection sociale doit être cependant relativisée, puisque la principale assiette demeure les salaires, avec une part de 72,5 % en 2009 contre 76,5 % en 1990 – cette diminution étant d'ailleurs considérable compte tenu des masses financières concernées. C'est ainsi que, entre 1990 et 2009, la part de financement assurée par la taxation des revenus de remplacement a été doublée, avec 2,5 % du total de la protection sociale, et la part imputable aux revenus de l'épargne des ménages a été multipliée par trois, avec 2,5 % du total, les financements assis sur la consommation des ménages étant stables, représentant environ un dixième du financement de la protection sociale.

D'autres transformations sont également assez sensibles et, tout d'abord, la progressivité des prélèvements sociaux pesant sur les salaires en raison des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, le niveau de taxation s'élevant à 69 points pour le salaire moyen contre 40 points pour le SMIC.

Par ailleurs, la baisse sensible de la part du financement directement payé par les employeurs est notable avec les 17 points que j'ai déjà évoqués.

J'ajoute qu'une certaine convergence est observable entre les différents pays européens, puisque ceux dont le financement était très largement fiscalisé, comme le Danemark, ont augmenté la part de financement sous forme de cotisations sociales tandis que nous, nous augmentions la part assurée par la fiscalité.

En outre, cette évolution de la taxation des diverses assiettes tend à améliorer l'équité des prélèvements sociaux entre les diverses catégories de revenus – salaires et revenus de remplacement –, jusqu'à parvenir à une certaine parité de situation entre les actifs et les retraités.

Troisième constat, enfin : s'interroger sur la compétitivité de l'économie implique de réfléchir au contenu et à l'efficacité des dépenses sociales comparativement aux pays voisins, en particulier l'Allemagne. Or, sur la période récente, la France se distingue des autres pays européens puisque le taux de pauvreté a été réduit alors qu'en Allemagne, il a progressé. Nous nous distinguons également s'agissant du taux de fécondité et du dynamisme démographique, grâce à une prise en charge complète des familles – services de garde d'enfants, congés permettant aux hommes et aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. Enfin, la protection sociale me semble aussi jouer un rôle important en matière de cohésion territoriale.

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