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Intervention de Antoine Magnier

Réunion du 2 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Antoine Magnier, directeur de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, DARES :

L'emploi, le travail et la formation professionnelle constituent le champ de compétence de la DARES. En complément des propos de M. Jean-Philippe Cotis, que je partage largement, je souhaite vous livrer quelques éléments d'appréciation sur la situation conjoncturelle de notre marché du travail.

L'analyse des développements récents doit se faire au regard de la récession, d'une ampleur exceptionnelle, que nous avons subie en 2008 et 2009, même si elle a été moins forte en France que dans la plupart des pays industrialisés. Notre PIB a reculé de 2,5 % en 2009 contre 3,5 % pour l'ensemble des pays industrialisés, 4 % pour la zone euro et près de 5 % pour l'Allemagne et l'Italie.

La récession s'est traduite par d'importantes pertes d'emplois salariés marchands en France : 187 000 postes ont été détruits en 2008 et 334 000 en 2009. Ce recul s'est toutefois révélé nettement moins marqué que ce que laissait envisager le recul de l'activité. Au-delà des mesures ciblées de soutien à l'activité et au pouvoir d'achat, les mesures spécifiques de soutien conjoncturel prises par le Gouvernement dans le domaine de l'emploi, ainsi que celles relatives à l'emploi des seniors, ont limité les pertes d'emplois. La hausse du nombre de contrats aidés et le dynamisme persistant de l'emploi non salarié ont également permis de les atténuer dans l'ensemble de l'économie.

Une particularité notable des évolutions récentes en matière d'emploi, distincte de celle des récessions passées, est la très bonne résistance du taux d'emploi des seniors, qui a continué de croître sensiblement au cours des trois dernières années malgré la récession. Corrigé des effets de structures démographiques, le taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans a augmenté d'un peu plus de quatre points entre le quatrième trimestre 2007 et le troisième trimestre 2010. Cette bonne performance doit être corrélée aux mesures vigoureuses que le Gouvernement a prises ces dernières années pour stimuler l'offre et la demande de main-d'oeuvre de cette catégorie de la population.

Après une stabilisation à la fin de 2009, l'emploi salarié marchand a commencé à se redresser au début de 2010, les dernières statistiques faisant état de 55 000 créations nettes de ce type d'emplois au premier et au second semestres de l'an passé, soit un total de 110 000 créations nettes sur l'ensemble de 2010. Dans ses dernières prévisions publiées au mois de décembre, l'INSEE estime que les créations d'emplois totales, dans l'ensemble de l'économie, se sont élevées à environ 175 000 l'an passé, après 230 000 pertes en 2009.

De même qu'en début de récession l'essentiel de l'ajustement de l'emploi s'était porté sur l'intérim, le redressement récent de l'emploi a été principalement porté par un rebond soutenu et régulier de l'emploi intérimaire, initié dès le printemps 2009. Ce sont 103 000 postes d'emplois intérimaires qui ont ainsi été créés au cours de l'année passée, soit une hausse de 21 % sur un an. Hors intérim, les destructions d'emplois se sont en outre sensiblement atténuées dans les secteurs de l'industrie et de la construction tout au long de l'année passée. Dans le tertiaire, hors intérim, l'emploi s'est progressivement redressé en gagnant près de 84 000 postes l'an passé.

Certaines évolutions récentes en matière d'emploi ont étonné les économistes et les conjoncturistes.

La première évolution surprenante réside, comme je l'évoquais précédemment, dans la bonne résistance de l'emploi, inattendue au regard du recul de l'activité pendant la récession. Cette résistance demeure, après prise en compte des estimations très conventionnelles que l'on peut faire des effets des mesures de soutien conjoncturel prises par le Gouvernement dans le domaine de l'emploi.

La deuxième évolution qui a étonné la plupart des instituts de conjoncture, c'est qu'à la suite de la récession, l'emploi s'est redressé, à partir du début de l'année 2010, de manière sensiblement plus précoce et plus vigoureuse que ce que laissait envisager le rythme modéré de la reprise d'activité.

Ces deux bonnes surprises en matière d'emploi ont néanmoins une contrepartie : une évolution de la productivité plus faible que celle que l'on pouvait anticiper, ce qui ne manque pas de susciter des interrogations quant à la capacité des entreprises à restaurer leur profitabilité au cours des prochains trimestres.

Troisième évolution surprenante : le chômage a plus augmenté en 2009 que ne le prévoyaient les estimations d'emplois et l'appréciation de la plupart des conjoncturistes sur le dynamisme de la population active. Cette mauvaise surprise reflète, en contrepartie, une hausse inattendue de l'activité en particulier des seniors, ce qui peut être de bon augure dans une perspective à moyen terme.

Nous manquons encore, cependant, de recul pour interpréter et apprécier les conséquences de ces bonnes surprises en matière d'emploi et de leur contrepartie plus négative en matière de productivité. À ce stade, les estimations de croissance et d'emploi restent provisoires. Nous ne disposons pas encore d'éléments très précis quant à l'ajustement à la baisse des heures travaillées par salarié pendant la récession mais, selon la plupart des indicateurs, il semble qu'il n'ait pas été très marqué – ce qui expliquerait l'essentiel des bons résultats en matière d'emploi. De même, le redressement de l'intérim au cours des derniers trimestres ne suffit pas à expliquer celui de l'emploi en 2010. Ne disposant donc pas d'explications totalement satisfaisantes sur les évolutions récentes de l'emploi et de la productivité, nous nous interrogeons, comme la plupart des instituts de conjoncture, sur les facteurs qui en sont à l'origine et sur le caractère temporaire ou durable de ces dernières.

Pour schématiser à l'extrême, deux pistes d'explication s'offrent à nous.

Sur un registre négatif, on ne peut exclure que les évolutions positives en matière d'emploi soient le reflet d'un affaiblissement plus ou moins durable de notre potentiel de production suite à la crise : elles refléteraient ainsi un redressement conjoncturel de l'activité plus marqué que celui qui avait été estimé par la plupart des instituts de conjoncture, mais autour d'une tendance qui serait à l'inverse moins vigoureuse qu'escompté.

Sur un registre positif, à l'inverse, il est possible que nous ayons assisté, au cours des derniers trimestres, à un réel enrichissement de notre croissance en emplois et que nous ayons sous-estimé l'impact bénéfique sur l'emploi des mesures de soutien qui ont été prises par le Gouvernement ces dernières années ou des réformes de structure qui ont été mises en oeuvre avant et pendant la récession : renforcement du dialogue social ; stimulation des revenus liés au travail tout en promouvant une modération du coût du travail pour les entreprises ; renforcement de l'accompagnement et du suivi des demandeurs d'emploi ; fluidification du marché du travail ; stimulation de l'emploi des seniors.

Aujourd'hui, le principal enjeu reste de poursuivre et de parachever ces réformes afin de stimuler les taux d'emploi – en particulier pour les jeunes et les seniors – et de réduire le dualisme de notre marché du travail, dans un contexte de consolidation des finances publiques plus contraignant que celui que nous connaissions il y a quelques années.

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