Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 22 juin 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la sant :

Je m'exprimerai en tant que ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mais pas uniquement, car vous m'avez posé de nombreuses questions ne relevant pas de mes attributions directes. Je vous livrerai donc certaines de mes convictions personnelles, d'autant plus que la compétitivité et le financement de la protection sociale seront, sans doute, au coeur de la campagne présidentielle.

Monsieur Gérard Cherpion, l'enjeu pour la France, dans les années qui viennent, réside à la fois dans la diminution des déficits et de la dette et la réduction du coût du travail, tout en gardant à l'esprit que les dépenses publiques génèrent en elles-mêmes de la croissance. Il faut donc faire très attention à celles que l'on réduit ou que l'on supprime.

Il en va ainsi des niches fiscales et sociales, dont il convient avant tout d'évaluer l'effet de levier. Supprimez l'avantage fiscal sur les emplois à domicile ou le taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit dans le bâtiment, et le travail clandestin se développera aussitôt. Il faut procéder à des évaluations très fines afin de déterminer si, oui ou non, ces mesures ont un effet positif.

Dans le même esprit, il convient de se demander si la puissance publique est la plus apte à gérer une activité au meilleur coût, car ce n'est pas toujours le cas. Les nombreux maires ici présents savent qu'il vaut la peine de « municipaliser » dans certains cas, mais pas toujours. Le pragmatisme doit nous guider dans la recherche d'une réduction des déficits et de la dette.

Nous devons faire face à des enjeux sociétaux : pour être acceptées, les réformes à venir devront être perçues comme justes. Et s'il faut lutter contre l'assistanat, ennemi de la valeur travail, il faut également lutter contre les injustices. Mais il existe aussi un enjeu économique : réduire les déficits et baisser le coût du travail. Les deux orientations ne sont pas antinomiques.

De même, monsieur Jean Grellier, la meilleure connexion entre les besoins des entreprises et les attentes des demandeurs d'emploi constitue un enjeu essentiel. Mais ce que vous appelez de vos voeux existe d'ores et déjà : ce sont les services publics de l'emploi. Il y a encore quelques mois, il s'agissait d'un outil très institutionnel : des réunions se tenaient irrégulièrement autour du préfet pour déterminer les attributions de chacun et évaluer les résultats. Mais nous sommes en train d'en faire une instance fonctionnelle et opérationnelle. Désormais, les services publics de l'emploi auront pour mission, dans chaque bassin d'emploi, de recenser les besoins et les problèmes d'adéquation entre l'offre et la demande. Tous les mois, seront examinés les trois à cinq métiers les plus en tension, afin de savoir qui guide les demandeurs d'emploi vers l'emploi.

J'ai à coeur de réussir jusqu'au bout la création de Pôle emploi et de lui attribuer une nouvelle feuille de route en sortie de crise. Mais si c'est une mission locale ou une maison de l'emploi qui ramène les chômeurs vers l'emploi, cela me va aussi. Pôle emploi demeure certes l'opérateur principal, mais je recherche avant tout l'efficacité. Cette démarche pragmatique est d'ailleurs celle des services publics de l'emploi. J'ai indiqué moi-même aux différents acteurs – et notamment aux sous-préfets – qu'ils ont vocation à être les ministres du travail et de l'emploi dans chacun des bassins, en associant les élus et les partenaires sociaux.

Les propos de M. Christian Blanc me laissent songeur : je ne suis pas pour un arbitrage entre emploi et salaire. En effet, le niveau de salaire dans notre pays est moins élevé qu'ailleurs, à cause de la politique salariale, sans doute, mais surtout parce que nous avons arbitré entre le niveau de protection sociale et celui des salaires. La faiblesse de nombreuses pensions de retraite tient au déroulement des carrières, mais aussi à des niveaux de salaires qui ont pu être très bas – trop bas, dans certains cas. C'est pourquoi je ne crois pas à l'arbitrage entre emploi et salaire. Certes, le salaire pèse directement sur la productivité et la compétitivité, mais je crois profondément à l'extra-salarial : l'intéressement et la participation – sans parler de la « prime contre dividendes ». Il faut, avec les négociations annuelles obligatoires, donner de la visibilité en matière salariale. Mais il faut aussi développer les mesures qui associent réellement les salariés aux résultats et à l'évolution de l'entreprise : intéressement, participation, actionnariat salarié, accès des salariés aux leviers de décision de l'entreprise.

En revanche, il est un point sur lequel on doit continuer à progresser : la « flexisécurité ». Tout le monde est d'accord pour l'évoquer, mais les salariés entendent « flexibilité » plutôt que « sécurité ». Nous avons avancé avec le contrat de transition professionnelle, et désormais avec le contrat de sécurisation professionnelle, qui a été adopté par les partenaires sociaux et qui figurait dans la proposition de loi de M. Gérard Cherpion. Tout cela va dans le bon sens, mais nous devons aller beaucoup plus loin.

Je ne partage pas l'avis de M. Jean-Claude Trichet, qui affirmait qu'il fallait bloquer les salaires. Il est compliqué de dire à des salariés qui se sont serré la ceinture pendant la crise qu'ils devront continuer à le faire au moment où les résultats des entreprises et où certaines rémunérations progressent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion