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Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 22 juin 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la sant :

La compétitivité de notre pays et le financement de la protection sociale se trouvent, en effet, au coeur des préoccupations de mon ministère. Et j'ai le sentiment que depuis 2007, conformément aux engagements pris par le Président de la République, nous avons mis en oeuvre des réformes importantes en ce domaine. En particulier, nous avons cherché à améliorer le fonctionnement du marché du travail, à ne pas augmenter le coût du travail et à garantir le financement de la protection sociale.

La réforme du fonctionnement du marché de travail visait, tout d'abord, à rendre celui-ci plus compétitif. Mais nous n'oublions pas que, dans la conception française, le droit du travail protège. Il existe des règles complexes – trop complexes sans doute, assorties de multiples seuils et souffrant d'une réelle instabilité juridique, mais dont la vocation reste de protéger les salariés. Nous devons en tenir compte.

Les mesures prises depuis 2007 ont été élaborées dans le cadre d'un dialogue social régulier, conformément à la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi « Larcher », qui oblige le Gouvernement, lorsqu'il veut engager des réformes dans certains domaines, à organiser préalablement une concertation avec les partenaires sociaux. La rupture conventionnelle, destinée à assouplir la rigidité des rapports de travail, a été adoptée dans cet esprit, de même que la mise en place du service minimum dans les transports qui évite le blocage économique de notre pays en cas de grève. La création de Pôle emploi a par ailleurs facilité la mise en relation des demandeurs d'emploi et des entreprises à la recherche de main-d'oeuvre. La fusion entre le réseau des Assedic et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) devrait permettre de lutter contre un phénomène inexplicable aux yeux de nos concitoyens, celui des métiers en tension. Le fait que près de 260 000 offres d'emplois ne soient pas pourvues dans le délai requis prouve d'ailleurs que la France sort progressivement de la crise et que la création d'emplois est relancée mais si nous ne faisons rien, 36,7 % des offres d'emplois seront très difficiles, voire impossibles à pourvoir naturellement. Cela constitue un frein à la compétitivité, car un salarié que l'on ne trouve pas, c'est aussi un marché que l'on ne peut pas prendre.

Si, sur tous ces sujets, nous avons avancé, nous devons aller plus loin et envisager de nouvelles réformes. Pour cela, je crois à la négociation collective, pas seulement parce qu'elle nous est imposée par la loi « Larcher », mais parce que c'est grâce à cette méthode que nous avons pu entreprendre la réforme du temps de travail et diviser par deux le nombre d'articles du code du travail dans ce domaine.

Le taux de chômage chez les jeunes ne constitue pas seulement un risque social d'une très grande importance mais aussi un frein à la compétitivité. Le développement de la formation en alternance, des contrats de professionnalisation et d'apprentissage participe donc de la même logique, car les jeunes représentent une véritable force pour le marché du travail.

Au coeur de la crise, le Gouvernement a mis en place le système de l'activité partielle – appelé dans d'autres pays chômage partiel. Il constitue une protection pendant la crise elle-même, mais permet surtout à l'entreprise de ne pas se séparer de salariés dont elle aura besoin sitôt l'économie relancée, et donc de s'épargner de nouveaux recrutements. Cela participe aussi de la compétitivité de notre économie.

Il en va de même de la sécurisation des parcours professionnels ou du système d'indemnisation du chômage. Certes, la convention d'assurance chômage a été reconduite à l'identique par les partenaires sociaux, ce qui était probablement, en période de crise, la meilleure solution. Mais la réflexion se poursuit, au sein de groupes de travail, sur l'élaboration d'un dispositif plus efficace, pour mieux inciter au retour à l'emploi. Les comparaisons internationales ne sont pas là, en effet, à notre avantage.

Ensuite, nous avons pris des mesures pour ne pas accroître le coût du travail. Depuis 2007, nous avons veillé à ce que l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) soit en phase avec celle de l'économie, en rompant avec la pratique démagogique des « coups de pouce » systématiques. Ils donnent le sentiment de faire plaisir à tout le monde, mais ils ne satisfont que 11 % des salariés et produisent un effet d'écrasement sur les autres salaires – sans parler de leur coût économique. La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, que j'ai fait voter, a modernisé le mode de fixation du salaire minimum interprofessionnel de croissance : un groupe d'experts se prononce désormais en toute indépendance.

J'en viens à la question du temps de travail. Aujourd'hui, les 35 heures n'existent plus comme plafond dans notre pays : nous sommes sortis du système tel qu'il avait été bâti, et la limite maximale du temps de travail est la limite européenne, visant à préserver la santé des salariés. Lorsque l'on veut travailler plus, aucune autorisation administrative n'est nécessaire, il suffit de négocier au sein de l'entreprise. Les 35 heures ne représentent que le seuil de déclenchement de la majoration de salaire liée aux heures supplémentaires, dont profitent plus de 7 millions de salariés. Il en résulte une plus grande souplesse et une amélioration du pouvoir d'achat. Or, dans un pays comme le nôtre, la reprise économique repose certes sur l'investissement des entreprises, mais aussi sur la consommation des ménages. Pour un salarié payé au salaire minimum interprofessionnel de croissance, deux heures supplémentaires par semaine rapportent 100 euros par mois de plus, net de prélèvements, et donc 1 200 euros par an. Cela compte.

J'évoquerai brièvement, enfin, le financement de la protection sociale, qui constitue un droit dans notre pays. On a souvent tendance à la considérer comme une charge, mais elle est aussi un atout en matière de compétitivité, ainsi qu'un facteur de croissance. Le secteur de la santé, s'il est bien géré de façon à éviter les gaspillages et la fraude, participe à la croissance économique. En outre, la protection sociale a joué un rôle indéniable d'amortisseur pendant la crise.

Des réformes demeurent toutefois indispensables pour réduire les déficits et préserver notre système. La réforme des retraites qu'a portée M. Éric Woerth permettra de rétablir l'équilibre financier dès 2018 et sera un gage de croissance économique : nous avons fait le choix d'augmenter notre population active – alors que tant de pays ont du mal à en maintenir le niveau –, et surtout, nous avons refusé la hausse massive des prélèvements, qui nuisent à la compétitivité et à la croissance.

La révolution de l'emploi des seniors suit la même logique : la fin du système des préretraites dans le secteur public, la taxation des préretraites dans le privé, la libéralisation du cumul entre emploi et retraite vont dans le sens d'une meilleure compétitivité.

Il en est de même quand le Gouvernement parvient à tenir l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Certains voudraient une augmentation plus importante, mais je préfère demander des efforts en fixant une progression de 2,8 % plutôt que de devoir, un jour, exiger un véritable sacrifice en imposant une évolution négative.

Sur le long terme, la compétitivité d'un pays dépend également de sa natalité. Le taux de natalité actuel constitue un atout pour l'économie de notre pays, et notre politique familiale n'y est pas pour rien. Nous avons la chance d'avoir l'un des meilleurs taux d'activité des femmes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce que nous envient beaucoup de nos voisins, notamment les Allemands. Nous poursuivons également notre politique en faveur de l'égalité salariale et de la conciliation entre vie familiale et professionnelle.

Si, depuis 2007, plusieurs ministres se sont succédé, la politique de ce ministère est restée la même, et il a apporté sa contribution à la compétitivité de notre économie. Mais tout cela ne suffit pas, compte tenu de la compétition internationale. Nous devons continuer sur la voie des réformes pour que la France conserve sa position enviée dans le peloton de tête des nations industrielles.

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