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Intervention de Pierre Cardo

Réunion du 19 janvier 2012 à 10h15
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Pierre Cardo, président de l'Autorité des activités ferroviaires :

Sur certains aspects de la gouvernance, je ne saurais vous répondre dans la mesure où nous ne sommes pas compétents, même si nous pouvons esquisser plusieurs hypothèses sur l'organisation en région parisienne. Je dirai simplement qu'une gouvernance claire s'impose, afin d'éviter toute ambiguïté entre les responsabilités des uns et des autres ; il faut savoir qui décide. Faute de quoi, nous irons au conflit ! C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement puisque la réforme engagée est restée « au milieu du gué ».

L'ARAF s'est déjà exprimée dans le premier document de référence des réseaux (DRR) qu'elle a commencé à étudier à partir de fin 2010. Notre position est claire : étant donné les contraintes imposées par l'Europe, une attribution de sillons non discriminatoire et impartiale implique que le gestionnaire de l'infrastructure maîtrise l'ensemble de la problématique. Comme nous l'avons expliqué lors des « Assises du ferroviaire », cela signifie que RFF doit disposer non seulement de la pleine et entière responsabilité des attributions de sillons, par l'intermédiaire de la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), mais aussi de la maîtrise totale des plages de travaux pour que précisément les attributions de sillons puissent se faire de façon optimale.

Je pense donc qu'il faut définir un organisme indépendant de la SNCF, qui sera responsable de l'attribution des sillons et qui n'aura aucun lien hiérarchique avec un quelconque opérateur. La SNCF Infra, chargée de l'entretien du réseau, doit être elle aussi détachée de l'opérateur ferroviaire SNCF. L'analyse des conflits que nous avons à régler démontre en effet qu'il y a souvent suspicion vis-à-vis de la SNCF de la part des opérateurs concurrents du fait que SNCF Infra est au sein de la SNCF, et que la DCF l'est également. Certes, le législateur a prévu que la nomination du directeur de cette dernière direction devait nous être soumise pour approbation, mais cela ne garantit pas pour autant la neutralité totale de tous les acteurs – disant cela, je ne fais aucun procès d'intention.

Au surplus, si l'Europe, après avoir ouvert à la concurrence le marché du fret ferroviaire et le transport international de voyageurs, décide de l'ouvrir localement aux transports de voyageurs, il faudra que l'attribution des sillons soit effectuée en toute objectivité, que seule l'indépendance totale des structures d'attribution rendra possible. Sans cela, nous aurons de multiples conflits à régler à l'ARAF.

Les interventions d'entretien et de rénovation du réseau sont définies par RFF, mais il n'est pas certain que ce qui a été programmé soit réalisé. Or cela pourra engendrer de la suspicion. Un opérateur pourra ainsi se demander pourquoi une plage de travaux, dont la programmation l'a empêché d'obtenir le sillon qu'il avait réclamé, a brutalement été supprimée alors qu'il a pourtant été forcé de se contenter d'un sillon de moindre qualité. Un autre opérateur souhaitera bénéficier d'une priorité pour l'attribution du sillon qu'il aura été le premier à demander. Bref, la situation sera ingérable. Quand on sait, en outre, que ces opérations, d'une grande complexité, restent encore largement effectuées manuellement... les systèmes informatiques n'étant toujours pas tout à fait au point !

Encore une fois, si l'on veut optimiser le fonctionnement de notre réseau – très étendu et qui a coûté très cher à la France – et arriver à définir clairement les priorités en région parisienne, une gouvernance claire est essentielle.

S'agissant de la RATP, qui a le réseau et qui est opérateur, l'urgence impose que tous les conducteurs, de la Régie comme de la SNCF, soient formés pour être aptes à conduire sur toute partie du réseau, comme c'est le cas pour le RER B. Cela évitera les changements de conducteur et donc des pertes de temps pour l'usager. Les deux grands opérateurs doivent se mettre d'accord.

Au vu de tous ces éléments, l'idéal serait pour l'avenir que l'ensemble du réseau français appartienne à un gestionnaire d'infrastructure distinct de l'opérateur. Cette solution réglerait bien des problèmes en matière d'attribution des sillons. Elle finira par s'imposer en cas d'ouverture à la concurrence au niveau européen, y compris pour la RATP.

Pour l'heure, il appartient aux élus de décider ou non de l'ouverture à la concurrence au niveau des régions. Mais l'Europe a son mot à dire, d'où l'importance de clarifier l'organisation du système ferroviaire français afin que l'opérateur historique, notamment, soit en mesure d'affronter la concurrence et de ne pas perdre des parts de marché. En Allemagne, le fret sur la Deutsche Bahn a progressé et la concurrence a permis de développer de nouvelles parts de marché. Ce n'est pas le cas en France, et l'on doit s'interroger sur l'organisation de notre réseau ferré, qui se distingue de celui de certains nos voisins européens.

Pour autant, l'ouverture à la concurrence n'est pas un but. Elle n'est qu'un moyen qui permet d'offrir un choix supplémentaire, éventuellement de faire baisser les prix. En tout état de cause, elle ne pourra être abordée de façon objective si le problème des conventions collectives et celui du statut particulier du personnel de la SNCF ne sont pas clairement traités dans le cadre de négociations. Les élus ont un rôle à jouer en la matière.

Pour les régions, il faudra arbitrer l'attribution des sillons des TGV, des TER et des TET, d'où l'intérêt, encore une fois, d'avoir un gestionnaire d'infrastructure unique qui garantira l'objectivité de ces attributions à l'autorité organisatrice. Cela permettra aux régions, qui fixeront un cahier des charges définissant les prestations que souhaitent les élus, de défendre leurs intérêts, puisque les plages travaux notamment seront négociées face à un interlocuteur unique.

N'ayant aucune connaissance très précise de l'organisation du réseau ferroviaire, je suis arrivé à l'ARAF sans a priori : essayant de garder cette objectivité, je pense sincèrement que beaucoup de choses doivent être réformées d'urgence...

Par ailleurs, l'ARAF considère qu'il n'est pas souhaitable de continuer à investir massivement sur des lignes à grande vitesse, dont la rentabilité devient de moins en moins évidente. En effet, au-delà de la distance parcourue et de la concurrence ainsi ouverte par rapport à l'avion et la route, une ligne à grande vitesse doit, pour être rentable, assurer la liaison d'une agglomération à une autre. Les plus rentables étant d'ores et déjà réalisées, les futures lignes auront un intérêt économique plus limité. Certes, ce sujet s'inscrit dans le cadre de l'aménagement du territoire, mais nous constatons que tous les élus dans les régions souhaitent avoir « leur » LGV. En la matière, les choix politiques ne sont pas neutres. Enfin, à titre personnel et en tant qu'ancien élu, je pense qu'il faudrait limiter l'appel aux partenariats public privé (PPP) qui se révèlent toujours coûteux à terme.

S'agissant de la déclaration de saturation, le secrétaire général de l'ARAF va vous apporter des précisions. Pour dire les choses simplement, un opérateur n'a pas le droit d'afficher des priorités s'il n'a pas fait une déclaration de saturation sur telle ou telle partie du réseau. Je trouve étonnant qu'aucune déclaration de ce type n'ait été faite alors que certaines parties de réseau sont bel et bien saturées. A-t-on peur des conséquences de cette procédure ?

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