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Intervention de Danièle Navarre

Réunion du 17 janvier 2012 à 9h00
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Danièle Navarre, chargée d'études au département « Mobilité et Transport » de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France :

Je me concentrerai sur l'irrégularité, ses causes et les pistes d'amélioration envisageables.

En Grande-Bretagne, à la suite du très grave déraillement qu'a évoqué Alain Meyère, l'État a lancé deux plans de financement sur dix ans, destinés l'un à l'ensemble du réseau national de chemin de fer, ce qui a bénéficié à la banlieue de Londres, l'autre au seul réseau londonien. Ces subventions ont permis la remise à niveau complète des réseaux – voies, signalisation, électrification –, parallèlement à la rénovation du matériel grâce à d'autres sources de financement. Dès lors, la régularité a progressé continûment jusqu'à la fin des années 2000, passant de 77 à près de 90 % en dix ans. Selon les dernières données dont nous disposions, la régularité restait légèrement supérieure en Île-de-France mais la tendance semblait sur le point de s'inverser. Il faudrait la mesurer aujourd'hui pour confirmer cette évolution. Nous l'avons signalée à l'époque, rappelant que le réseau londonien avait pâti de l'absence de subventions publiques depuis plusieurs décennies et que les entreprises privées responsables avaient manqué à leur mission faute de parvenir à boucler leur budget.

En Île-de-France, les causes des irrégularités sont beaucoup plus complexes. La première est la vétusté des infrastructures, qui varie selon les réseaux. Ainsi, les réseaux sud-est et nord ont bénéficié de l'arrivée du TGV alors que celui de Saint-Lazare reste particulièrement mal loti ; la signalisation, notamment, n'y a pas été modernisée et de graves problèmes d'alimentation électrique se posaient au moment où nous avons mené notre étude. Si le RER est effectivement récent, monsieur Calméjane, ses trains – du moins hors de Paris – empruntent les réseaux ferroviaires, qui, eux, sont vétustes. Le matériel est en meilleur état car il a été plusieurs fois rénové.

Deuxièmement, la longueur de nos lignes favorise les perturbations. Ainsi, sur la ligne D, un incident en banlieue nord peut se répercuter jusqu'à Melun. Cela n'arrive pas à Londres, où il n'existe pour l'instant aucun véritable équivalent du RER reliant deux banlieues diamétralement opposées via plusieurs gares intra-muros, même si la ville y viendra peut-être avec le projet Crossrail. À l'heure actuelle, les gares où arrivent les trains sont des terminus.

Troisièmement, à l'intérieur de Paris, les tunnels empruntés par le RER sont à la limite de leurs capacités, le plus saturé étant effectivement le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord où l'on approche les trente-deux trains par heure dans chaque sens en période de pointe – vingt pour la ligne B, douze pour la ligne D. Le fait que deux lignes différentes l'empruntent accroît la difficulté puisqu'il faut coordonner les horaires de chacune.

Enfin, la saturation est telle qu'il n'est plus possible de maintenir la distinction qui avait cours dans les avant-gares – sauf à Saint-Lazare – entre les deux voies dédiées aux trains grandes lignes et les deux voies dédiées aux trains de banlieue. Ainsi, selon un exemple volontiers cité par les représentants de la SNCF, un problème survenu en Espagne sur la ligne du Talgo peut perturber la desserte de la gare de Juvisy-sur-Orge par les trains de banlieue !

Quelles sont les pistes d'amélioration ? Les schémas directeurs des lignes de RER, que le STIF et la SNCF pourront vous détailler, prévoient une refonte de l'exploitation du RER, puis de tous les réseaux passant par Paris. Il s'agit de modifier la desserte par zone qui régit le parcours des RER et des Transilien des gares Montparnasse et Saint-Lazare. Défini dans les années cinquante, le système était adapté à une époque où les banlieusards cherchaient à rejoindre Paris le plus vite possible puisque tout – emplois, équipements, services – y était concentré. Il ne convient plus dès lors que beaucoup d'activités se sont déplacées en banlieue. Selon ce principe, une première catégorie de trains dessert uniquement les premières communes autour de Paris : par exemple, sur la ligne C, ils sont omnibus jusqu'à Choisy-le-Roi, leur terminus. Les trains desservant la deuxième zone sont directs de Paris à Choisy puis omnibus jusqu'à Juvisy. Ceux de la troisième zone sont directs jusqu'à Juvisy, à l'exception d'un arrêt à Choisy, terminus de la première zone. Ceux de la quatrième zone vont directement à Juvisy puis desservent les banlieues éloignées. Ce système a pour inconvénient d'accroître la circulation, ce qui entraîne un phénomène de saturation à l'approche de Paris. En outre, les communes les plus denses autour de Paris – de Paris à Choisy dans l'exemple cité – ne sont desservies que par les trains de première zone, soit un train par quart d'heure, comme les communes situées au bout de la dernière zone. Enfin, le système se prête mal aux déplacements de banlieue à banlieue le long de la ligne, qui ont beaucoup augmenté, et pour lesquels les voyageurs doivent faire un changement au terminus de zone. Bref, la desserte par zone n'est plus adaptée ni aux besoins des usagers ni aux capacités des réseaux.

Dès lors, les schémas directeurs définis par le STIF avec les transporteurs – SNCF et Réseau ferré de France – organisent la remise à niveau des réseaux selon trois étapes. Celui de la ligne B va entrer en vigueur ; pour celui de la ligne D, les travaux commencent ; celui de la ligne C n'est pas encore mis en oeuvre. Le principe, plus ou moins facile à appliquer selon les réseaux, est le suivant. Le RER ira moins loin, s'arrêtant aux villes nouvelles, mais sera omnibus et plus fréquent, avec un train toutes les trois à cinq minutes, sur le modèle du S-Bahn allemand. En somme, le RER deviendra une sorte de super métro de la zone agglomérée. Le RER C, par exemple, s'arrêterait à Brétigny-sur-Orge.

Au-delà, la desserte serait assurée par des trains omnibus de Dourdan ou Saint-Martin d'Étampes jusqu'à Brétigny, comme aujourd'hui, puis directs jusqu'à Paris, à l'exception d'un ou deux arrêts à un point de maillage important comme Juvisy et dans une gare de correspondance avec la rocade du Grand Paris. Ces trains n'emprunteraient pas les tunnels dédiés au RER, mais auraient pour terminus une gare de surface, Paris-Austerlitz, après avoir desservi Bibliothèque-François-Mitterrand, appelée à accueillir tous les trains. Pour le RER B, le principe sera le même, à ceci près que tous les trains seront omnibus ; la fréquence augmentera pour atteindre vingt trains par heure entre Paris et Aulnay-sous-Bois, soit un train toutes les trois minutes. On ne sait ce qu'il adviendra du projet CDG Express qui devait aller de pair avec ces changements. Quoi qu'il en soit, ceux-ci interviendront fin 2012 ou début 2013. D'ici deux ou trois ans, la fréquence sera plus satisfaisante. Pour le RER C, il faudra attendre un peu plus.

Ces travaux sont d'autant plus coûteux qu'ils supposent des voies dédiées, indépendantes de celles qu'empruntent les trains grandes lignes. La tâche a été relativement facile sur la ligne B, même s'il a fallu poser des voies et aménager des terminus et des sauts de mouton. Elle a été plus difficile sur la ligne D. Sur la ligne C, elle implique la pose de deux voies supplémentaires entre Juvisy, voire Brétigny, et Paris, laquelle pourrait résulter de la construction de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL)

Enfin, Monsieur Malherbe, le principe que vous proposez est difficile à appliquer aux lignes de RER existantes mais préside au projet de prolongement de la ligne E vers l'ouest : les trains ne traverseront pas Paris mais auront pour terminus La Défense lorsqu'ils viendront de l'est et la future gare Rosa-Parks – ex-gare Évangile – lorsqu'ils viendront de Mantes-la-Jolie.

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