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Intervention de Pierre Mathieu

Réunion du 10 mai 2011 à 18h15
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Pierre Mathieu, vice-président du Groupement des autorités responsables de transport, GART, vice-président de la région Champagne-Ardenne :

Le GART, qui regroupe des élus de toutes les sensibilités politiques républicaines, est l'interlocuteur des pouvoirs publics à l'échelle nationale et européenne ; il a aussi pour vocation de promouvoir les transports publics, dont le bon fonctionnement dépend non seulement de la qualité des infrastructures et des matériels notamment ferroviaires, mais aussi du montant des ressources disponibles, au niveau des régions comme des agglomérations. L'objectif des autorités organisatrices est d'assurer la meilleure accessibilité possible, en termes d'aménagement du territoire, de politique sociale et tarifaire et, comme vous l'avez mentionné, en ce qui concerne également les équipements destinés aux personnes à mobilité réduite. Pour ce faire, les besoins financiers sont très lourds.

Au cours de ces dernières années, la volonté de développer les transports collectifs s'est traduite par des investissements importants : à l'échelle régionale, avec le renouvellement des matériels et les commandes liées au développement de l'offre ; et, au niveau urbain, avec les différents programmes de transports en site propre. Ces investissements représentent en moyenne 25 % des budgets régionaux ; quant aux matériels roulants, le total des marchés clos et en cours – que se partagent à parts à peu près égales les constructeurs Alstom et Bombardier – dépasse les 20 milliards d'euros.

Les commandes en cours – jusqu'à 1 000 rames pour le Regiolis d'Alstom et 860 pour le Regio 2N de Bombardier – ont été établies sur la base d'une évaluation des besoins ; mais, depuis, la « donne » financière s'est beaucoup dégradée : toutes les collectivités ont vu leurs dotations gelées, mais les régions sont désormais les seules à ne plus disposer d'aucun levier de fiscalité directe. Les coûts des produits ferroviaires augmentant par ailleurs un peu plus que l'inflation, on observe des effets de ciseaux dont pâtissent forcément les capacités d'investissement – et cette situation est d'autant plus préoccupante que les collectivités, et notamment les régions, n'ont plus aucune visibilité financière, alors que les programmes d'investissements, établis pour trente ou quarante ans, se chiffrent en centaines de millions d'euros. Faute de moyens, la région dont je suis vice-président a été obligée de revenir sur certaines commandes de matériels ! Elle n'est d'ailleurs pas la seule dans ce cas : les commandes fermes ne dépassent pas 160 rames pour le Régiolis et 129 pour le Regio 2N, contre 1 000 et 860 prévues à l'origine. Ces difficultés sont préoccupantes pour les transports eux-mêmes, mais aussi, plus généralement, pour l'aménagement du territoire, l'économie et les emplois, autant de domaines dont les collectivités sont aussi responsables.

De surcroît, certaines différences de traitement sont mal perçues. Ainsi, à la différence des autres régions, l'Île-de-France bénéficie d'une importante ressource propre avec le versement transport et, pour le renouvellement des matériels roulants, d'une participation de la SNCF, ce que je ne conteste d'ailleurs pas au fond. Dans ces conditions, le GART estimerait tout aussi légitime une aide de l'État aux autres collectivités au titre du renouvellement des matériels. Certes, l'aide pour les transports en commun en site propre (TCSP), à hauteur de 2,5 milliards, a été rétablie ; mais elle concerne, pour le dire vite, le BTP – c'est-à-dire l'infrastructure –, et non le matériel roulant. J'ajoute que le plan de relance gouvernemental prévoyait des programmes en faveur de l'automobile, mais rien pour le ferroviaire ou les transports publics stricto sensu.

Le GART regrette également certaines décisions qui lui semblent peu cohérentes avec les objectifs du Grenelle. Ainsi, sur l'enveloppe d'un milliard d'euros en faveur des investissements d'avenir, 750 millions sont consacrés aux véhicules routiers, contre 150 millions pour le ferroviaire et 100 millions pour le transport fluvial.

Le total cumulé des investissements prévus au titre des projets de tramways et, plus largement, des TCSP – infrastructures et matériels roulants – se monte à 13,8 milliards d'euros. Mais la situation est très inégale selon les agglomérations : certaines d'entre elles, qui auraient besoin de développer leur offre ferroviaire, ne seront pas éligibles aux aides de l'État – puisque celles-ci excluent le matériel roulant –, alors que d'autres le seront, par exemple, en créant une ligne.

Même si certains aspects dont j'ai parlé dépassent peut-être le cadre de votre commission d'enquête, l'organisation des transports forme un tout. Les autorités organisatrices, notamment les régions, sont de plus en plus sollicitées pour financer des infrastructures, ce qui serait plutôt le rôle d'instances nationales ; si l'on y ajoute le gel des dotations et le défaut de ressources, la situation devient très préoccupante pour nos capacités d'investissement.

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