La société 3S Photonics fabrique les lasers d'émission ou d'amplification utilisés dans les fibres optiques qui permettent d'accéder à internet. Seuls trois producteurs travaillent dans ce secteur, les deux autres étant situés aux États-Unis. Plus précisément, notre société est issue d'une filiale d'Alcatel, Alcatel Optronics, qui a connu une très forte croissance en l'an 2000 avec 400 millions d'euros de chiffre d'affaires, 20 % de résultats nets, et qui employait 3 000 salariés dans le monde entier. En 2001, le marché a été divisé environ par dix avec, à la clé, de profondes restructurations suite à l'éclatement de la « bulle » des télécommunications : une partie de l'entreprise a été vendue aux États-Unis et, après que certaines de ses activités ont été délocalisées en 2005 en Thaïlande, seuls 150 salariés travaillaient encore en France. À la fin de 2006, enfin, la société mère américaine a cédé cette activité, virtuellement en dépôt de bilan. Le président Alexandre Krivine et moi-même l'avons alors rachetée quand le chiffre d'affaires de l'entreprise s'élevait à 10 millions d'euros pour un montant de pertes à peu près équivalent. Nous nous sommes donné un an pour redresser la situation financière de l'entreprise et nous avons décidé d'investir fortement dans l'innovation, la fabrication de semi-conducteurs relevant de la très haute technologie. Outre qu'une usine coûte environ 100 millions d'euros, nous devons absorber des coûts fixes particulièrement élevés. Grâce au redémarrage du marché, nous avons séduit de nombreux clients, surtout à l'étranger où nous réalisons 95 % de notre chiffre d'affaires dont plus de la moitié en Asie. Un an après, notre chiffre d'affaires était de 25 millions d'euros et nous avions à peu près atteint notre équilibre opérationnel.
Alors que la moitié de notre chiffre d'affaires provient de produits dont la création date de moins de dix-huit ou de douze mois, nous avons continué à investir dans la recherche et le développement à hauteur de 15 % de nos ressources. Soucieux d'atteindre un seuil critique en termes de taille, nous avons procédé à une ouverture de notre capital de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros qu'a investis le fonds stratégique d'investissement, tout en veillant à en garder la majorité – il s'agit d'ailleurs là d'un point important pour les petites et moyennes entreprises. 3S Photonics compte désormais 180 salariés en France – contre 110 au mois d'avril 2007 – et 170 au Canada où nous avons acquis une entreprise qui travaille dans un domaine voisin. Notre chiffre d'affaires devrait s'élever à 33 millions d'euros en France et à 20 millions d'euros dans ce dernier pays.
Afin d'accompagner cette croissance et alors que les cycles de production sont assez longs puisqu'ils varient de six à neuf mois, nos besoins en fonds de roulement sont très élevés ; or la trésorerie a souvent du mal à suivre. Il est évident que la crise de 2009 a été difficile à surmonter, les banques ayant fait preuve d'une frilosité certaine à la différence d'OSÉO, partenaire précieux sans lequel nous n'aurions vraisemblablement pas pu réaliser une telle croissance.
Sur le front de l'innovation et de la recherche et le développement, nous travaillons beaucoup avec des laboratoires de recherche académiques et industriels. Les financements sont assurés grâce aux fonds propres mais également par nos clients ainsi qu'à travers des aides publiques. De ce point de vue là, le crédit d'impôt recherche constitue un outil essentiel et très attractif, à tel point que certains de nos concurrents s'y intéressent et envisagent d'investir dans notre pays.
Nous avons également bénéficié du statut de jeune entreprise innovante mais cela ne durera pas compte tenu de notre taille. Travaillant beaucoup avec des petites entreprises de très haute technologie, je considère à ce propos que le plafonnement de l'exonération de charges sociales lié à ce statut a des conséquences dramatiques pour elles et contribue en particulier à freiner considérablement leur croissance. Cette année, l'évolution du crédit d'impôt recherche et du statut de jeune entreprise innovante nous coûte par exemple 1,5 million d'euros, somme grossièrement équivalente au résultat net que nous avions réalisé l'année dernière et qui est anéantie.