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Intervention de Jean-Michel Couve

Réunion du 12 janvier 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Couve :

- En effet.

Cette population se caractérise par un âge moyen de 35 ans. C'est une population vieillissante, qui reste majoritairement masculine, même si des tendances récentes montrent qu'il y a de nouvelles générations d'usagers problématiques de drogues et que la part des femmes est plus importante. Elle se caractérise également par trois faits majeurs : ce sont des poly-consommatrices de produits licites et illicites, tous fumeurs et qui détournent certains médicaments (BHD, méthadone, psychotropes) de leur usage.

La prévalence de la morbidité psychiatrique est extrêmement élevée. Cette population se caractérise enfin par sa précarité. Ces deux éléments me semblent importants à souligner car la politique de réduction des risques en matière de toxicomanie ne peut résoudre tous les problèmes de la France en matière de psychiatrie ou de précarité sociale.

Quelles sont les évolutions marquantes des dernières années en matière de populations et de produits ? Un nouveau public émerge : jeunes migrants, mineurs en rupture sociale et familiale consommateurs de produits psycho-actifs. Une des caractéristiques marquante de cette nouvelle toxicomanie réside dans le fait qu'elle se diffuse sur les territoires ruraux et en zone périurbaine.

On assiste par ailleurs au développement de la poly-consommation. Les stimulants connaissent une importance accrue, notamment la cocaïne. On ne peut dire que l'héroïne soit à la fin d'un cycle car un certain nombre d'indicateurs démontrent que si les évolutions sont souvent cycliques, les nouveaux publics en fument ou en « sniffent » aussi.

La place des drogues de synthèse et des médicaments détournés est également très importante, ainsi que l'auto-culture du cannabis.

La seconde partie de mon propos portera sur les conséquences sanitaires et sociales de la toxicomanie. Il me faut auparavant vous donner quelques données de cadrage sur les dispositifs de réduction des risques, afin de vous permettre de juger des évolutions épidémiologiques sur la morbidité et sur la mortalité liées à la drogue.

Il existe trois grands axes dans la politique de prise en charge des usagers de drogues en France : les SCAPA, les CAARUD et le recours aux TSO.

Les CSAPA sont des centres de soins spécialisés dans le traitement des usagers de drogues ; ils travaillent dans une perspective d'abstinence et reçoivent 90.000 personnes.

Les CAARUD mettent en place une politique de réduction des risques et d'accompagnement. Le seuil d'exigences pour y avoir accès est faible, ce qui permet à certains usagers de drogues d'entrer dans ces dispositifs. Ils prennent en charge environ 48.000 personnes.

Enfin, les TSO concernent les usagers de drogues ayant une ordonnance pour un traitement de substitution. Ils relèvent de la médecine de ville et constituent un acteur majeur du système.

L'estimation globale de cette population s'élève à environ 200.000 individus, ce qui permet de dire aujourd'hui que 85 % de la population des usagers problématiques de drogues bénéficient d'une forme de prise en charge. La France n'a pas, de ce point de vue, à rougir de son dispositif : c'est un taux de couverture très nettement supérieur à celui que l'on connaît en alcoologie !

En 1994, cinquante personnes bénéficiaient d'un traitement de substitution. En cinq ans, on est passé à 80.000 du fait de la mise en oeuvre massive de ces traitements et l'on estime à 50 % le nombre d'usagers couverts par un traitement de substitution. Ce taux de couverture est plutôt assez élevé par rapport aux autres pays européens.

La couverture territoriale est relativement bonne, même si certains départements connaissent un certain nombre de trous dans le dispositif.

En termes d'indicateurs, le programme le plus symbolique dans la mise en place de la politique de réduction des risques est l'accessibilité aux seringues, comme l'a déjà mentionné Mme Etiemble : 14 millions de seringues sont distribuées par an, soit un ratio d'une seringue par usager injecteur tous les deux jours. La France se positionne, dans ce domaine, à un niveau relativement élevé en Europe.

J'en viens à présent aux dommages sanitaires. Je me suis concentré sur les deux maux majeurs que sont les décès et l'infection par le VIH et le VHC.

Le risque majeur -cela ne fait pas débat dans la littérature scientifique- est l'utilisation de la voie intraveineuse. C'est un paramètre important à surveiller. Malheureusement, la France ne s'est dotée d'un instrument de mesures qu'au milieu des années 1990. On a donc peu d'informations sur les périodes antérieures. On constate cependant en France, depuis cette date, une baisse du nombre d'usagers problématiques de drogues, ce qui est plutôt une bonne chose.

Il est intéressant de relever que, dans la seconde moitié des années 1990, la diminution du nombre de décès a correspondu à la montée en charge de la politique de réduction des risques et au recours à des produits de substitution. Cela a été confirmé par deux études de cohortes rétrospectives.

Comme toute évolution, celle-ci n'est cependant pas définitive et on a, au cours des cinq dernières années, enregistré une certaine augmentation des décès. Cela figure dans le rapport de l'INSERM et constitue un point important à prendre en compte.

J'apporterai toutefois un correctif à l'indicateur de 330 décès, dernière donnée dont nous disposions. On sait en effet, pour avoir mené d'autres études, que l'on sous-estime de 25 à 30 % le nombre des décès. Il est même probable que les décès liés à l'usage problématique de drogues soient plus proches du millier que de 300. Cela reste à relativiser par rapport à la position de la France, dont le taux de mortalité est inférieur à la moyenne européenne.

Pour le VIH, les courbes sont extrêmement bonnes quelles que soient les sources, la prévalence, apparaissant à la baisse. Cela amène la France à rejoindre la grande majorité des pays européens.

Cependant, les niveaux de prévalence relatifs au VHC sont plus élevés. Il faut toutefois prendre conscience du fait que, pour des raisons de coûts, les sources utilisent pour l'essentiel la prévalence déclarée, qui entraîne une sous-estimation de l'ordre de 15 à 20 %. Il est donc probable que la prévalence du VHC soit plus proche de 60 % que de 40 %. Même si on voit s'amorcer une diminution qui reste à surveiller, cette prévalence demeure élevée et constitue un problème général en Europe.

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