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Intervention de Nathalie Richard

Réunion du 18 mai 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Nathalie Richard :

- M. Maraninchi a bien situé le rôle de l'AFSSAPS. Il convient de souligner la position de référent qu'occupe l'AFSSAPS par rapport à l'ONU et à l'OICS. L'AFSSAPS transmet en effet annuellement des rapports à l'OICS concernant la consommation et la production de stupéfiants.

L'AFSSAPS ne s'occupe pas que des produits de santé mais est également en charge de l'ensemble des substances psychoactives, ainsi que des drogues. C'est pourquoi nous travaillons également sur les alertes sanitaires liées à celles-ci.

L'AFSSAPS s'appuie sur un réseau de centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance. Les CEIP sont au nombre de treize et sont situés sur l'ensemble du territoire français ; ils sont essentiellement composés de pharmacologues et de toxicologues.

Le rôle de l'AFSSAPS concernant le marché licite des stupéfiants est peut-être moins connu. La France est le second pays producteur de stupéfiants dans le monde, derrière l'Australie. Cette production est mise en oeuvre par Francopia, filiale de Sanofi, qui cultive en France deux variétés de pavots, utilisés à la fois pour la production de dérivés de morphine mais également pour la production d'Oxycodone ou de Buprénorphine.

Cette production licite de stupéfiants par la société Francopia est réalisée en lien avec l'AFSSAPS. Nous sommes donc en charge de ce contrôle licite des stupéfiants et des cultures de pavots en France.

La lutte contre la douleur s'est développée en France à partir de 1999 avec trois plans triennaux. On a ainsi vu la consommation et la production d'Oxycodone passer de un kilo à 657 kilos en 2009, la transformation en médicament entraînant une consommation beaucoup plus importante.

Le second axe de développement et de production est la Buprénorphine. La production est passée, pour cette dernière, de 151 kilos en 1998 à 339 kilos en 2009, soit environ 117 000 patients sous Buprénorphine, Subutex et générique. Pour la Méthadone, on est passé de 149 kilos en 1998 à 816 kilos actuellement, soit 3 700 patients.

Ces médicaments sont indispensables en termes de lutte contre la douleur ou contre la toxicomanie. Cette mission de contrôle des stupéfiants par l'AFSSAPS est donc absolument nécessaire en termes de santé publique.

En France, seuls deux médicaments ont une AMM et sont commercialisés dans le cadre de la dépendance aux opiacés : le Subutex, commercialisé en 1996, dont cinq génériques sont maintenant sur le marché et la Buprénorphine, psychotrope dont la prescription suit une partie de la réglementation des stupéfiants, avec prescription sur ordonnance sécurisée et limitation de la durée de prescription à 28 jours. Toutefois, la Buprénorphine et le Subutex ne sont pas des stupéfiants.

Ces deux médicaments peuvent être prescrits par n'importe quel médecin, ce qui n'est pas le cas de la Méthadone.

En effet, il a fallu enrayer l'épidémie de Sida et généraliser l'utilisation de la Buprénorphine, beaucoup moins dangereuse que la Méthadone, dont la toxicité directe est bien plus importante. La Méthadone a été dans un premier temps réservée à des centres de soins spécialisés, la Buprénorphine étant beaucoup plus générale.

L'AFSSAPS et les services répressifs ont identifié cinq types d'utilisation problématique du Subutex, en particulier une auto substitution par certains patients, un usage toxicomaniaque, une utilisation par voie injectable et par sniff. Cette utilisation hors AMM induisait un certain nombre de problèmes graves de santé publique -dépressions respiratoires, infections, problèmes vasculaires- ainsi qu'un nomadisme médical et le développement d'un trafic international pour le Subutex.

Dès 2007, l'AFSSAPS avait déjà informé les professionnels de santé sur les risques et le bon usage de la Buprénorphine et attiré l'attention des médecins sur la nécessité de suivre leurs patients de façon plus étroite, recommandant que le nom du pharmacien figure sur l'ordonnance du patient afin de créer un lien entre médecin et pharmacien, et de favoriser une meilleure prise en charge du patient. Cette recommandation s'est concrétisée par un arrêté de l'assurance-maladie.

Le second type de mesure a porté sur la mise en place d'un plan de gestion des risques pour la Buprénorphine, le Subutex et ses génériques, avec suivi de pharmacovigilance et d'addictovigilance. L'AFSSAPS réalise des bilans très réguliers ; le dernier a été présenté en janvier 2011. Il est vrai que l'on continue à avoir des problèmes de mésusage, d'injection et de détournement mais on rencontre ces problèmes davantage avec le Subutex qu'avec les génériques. C'est ce qui ressort des études des CEIP.

Un autre problème a préoccupé l'AFSSAPS, la composition du générique du Subutex, qui comportait plus d'excipients solubles et était moins injectable que le Subutex, la galénique pouvant réduire ou augmenter son effet.

Une étude mutualisée va être mise en place par l'Agence avec l'ensemble des laboratoires génériqueurs et princeps, sous le contrôle de l'AFSSAPS, afin d'avoir une idée plus précise du mésusage.

Enfin, l'AFSSAPS, à la demande de la Commission nationale des stupéfiants et psychotropes, a rédigé avec des addictologues, des pharmaciens et des toxicologues, une mise au point destinée à favoriser le bon usage de la Buprénorphine. Cette mise au point est destinée essentiellement aux généralistes, qui sont les grands prescripteurs de Buprénorphine. La prescription généralisée de Buprénorphine posant peut-être le plus de problèmes, le but est de mieux informer les médecins prescripteurs, qui ne sont pas forcément spécialistes. Cette mise au point devrait être publiée en juin.

Le second médicament à disposer d'une AMM dans le cadre du traitement de substitution de la dépendance aux opiacés est la Méthadone, mise sur le marché en 1995 sous forme de sirop, dont la formulation empêche l'injection. Cela s'est avéré efficace et empêchait également le trafic car il n'est pas aisé de revendre des flacons de Méthadone au marché noir.

La toxicité de la Méthadone étant plus importante que celle de la Buprénorphine, les conditions de prescription sont dans un premier temps beaucoup plus contraintes pour la Méthadone en sirop, avec une primo-prescription par des spécialistes dans les centres spécialisés de soins aux toxicomanes et dans des milieux hospitaliers spécialisés.

La Méthadone sous forme de gélule est apparue en 1997, développée par le même laboratoire. Celle-ci présentait une plus grande acceptabilité pour les patients. Elle est plus maniable, sans sucre et sans alcool, ce qui n'était pas le cas du sirop.

Si la gélule est plus maniable pour les patients, elle l'est également pour les trafiquants. L'AFSSAPS a donc souhaité encadrer la délivrance de la gélule et a réservé sa prescription à des sujets stabilisés sous sirop sur le plan des pratiques addictives et sur le plan médical. Le patient retourne donc en centre de soins pour la prescription de la gélule et peut être pris en charge ensuite par son généraliste.

Par ailleurs, un plan de surveillance de la Méthadone extrêmement important a été mis en place ; il fait appel aux centres de pharmacovigilance et aux centres d'addictovigilance ainsi qu'aux centres antipoison pour ce qui est des intoxications.

Le bilan à deux ans est plutôt rassurant pour la Méthadone sous forme de sirop et la Méthadone en gélule. Le seul point qui pose encore problème à l'AFSSAPS et aux autorités sanitaires en général est lié à la toxicité et aux intoxications accidentelles chez l'enfant, chez qui l'on déplore un certain nombre de cas graves. Le blister contenant les gélules est si bien sécurisé que les patients déconditionnent les gélules et ouvrent les flacons de sirop qui sont également sécurisés. Les enfants peuvent donc avoir accès à ces produits et deux ou trois catastrophes ont déjà eu lieu. On essaye donc de faire en sorte que la communication soit renforcée autour de cette problématique.

Il existe bien sûr des médicaments utilisés hors AMM, comme les sulfates de morphine, le plus ancien étant le Néocodion, qui ne pose toutefois plus trop de problèmes…

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