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Intervention de Yves Crozet

Réunion du 29 mars 2011 à 17h30
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Yves Crozet, professeur à l'Université Lyon 2, Laboratoire d'économie des transports :

Si EasyJet, contrairement à Air France, réussit à proposer des vols à 50 euros à partir de Lyon, c'est que tout son personnel habite dans la ville rhodanienne et rentre chez lui le soir : la compagnie n'a donc pas de frais de découcher – en revanche, il lui est plus difficile de faire de la grande distance. Air France a réagi en imitant EasyJet à partir de Bordeaux : tout son personnel vit sur les bords de la Garonne.

Tel est le problème de la SNCF : après trois heures de conduite, les conducteurs dorment dans la ville d'arrivée et rentrent le lendemain, ce qui leur donne droit à terme à un jour de congé. Ne pourraient-ils pas faire l'aller-retour dans la journée en étant mieux payés ? Bien sûr que si, mais dans ce cas ils perdraient la prime de découcher et la prime de panier, d'où leur refus d'une évolution de leurs conditions de travail. On l'a bien vu en 2008, lorsque les opérateurs privés de fret ont signé une convention collective avec les conducteurs, établissant le temps de conduite à cinq heures pas jour, bien supérieur à celui qui est pratiqué à la SNCF. M. Pepy a alors proposé à ses conducteurs du fret de passer sur la convention du secteur privé contre une augmentation de salaire. Plus d'un millier de cheminots, considérés comme des « jaunes » par leurs collègues, se sont portés volontaires. Immédiatement, les conducteurs du Transilien, pourtant non concernés, se sont mis en grève préventive : ils craignaient que le dispositif leur soit, un jour, appliqué et le Gouvernement a préféré reculer.

Seules des mesures politiques arrêtées à haut niveau permettront de débloquer la situation. Je prendrai l'exemple de la Suisse : alors que la France produisait dans les années 1990 plus de « voyageurs-kilomètre » et de « tonnes-kilomètre » que la Suisse et l'Allemagne – c'est maintenant loin d'être le cas ! –, le gouvernement suisse a promis à l'époque à son opérateur historique qu'il resterait dominant s'il réussissait, en dix ou douze ans, au nom de l'intérêt national, à baisser son effectif de plus du tiers, en passant de 40 000 à 28 000. C'est ce qui s'est passé.

Il conviendrait également de prendre des mesures au plan local, permettant – il est vrai que la formule peut paraître aujourd'hui éculée – de « travailler plus pour gagner plus ». La négociation doit tendre à une plus grande souplesse des conditions de travail, ce qui conduira nécessairement, à terme, à modifier le RH 077. Mais comme il est difficile de réaliser une révolution globale, impliquant les 160 000 salariés de la SNCF, il convient de procéder par touches locales, à travers l'ouverture à la concurrence ou en procédant à des expérimentations.

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