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Intervention de Alain Bonnafous

Réunion du 29 mars 2011 à 17h30
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Alain Bonnafous, professeur émérite, chercheur au Laboratoire d'économie des transports :

La France a joué dans la libéralisation du secteur au plan européen un rôle continu de catalyseur, grâce notamment à l'action de deux ministres des transports, Charles Fiterman, qui avait relancé la politique européenne juste avant son départ, et Jean-Claude Gayssot, qui approuva le « paquet ferroviaire ». Il ne s'agit donc pas d'un mouvement uniquement libéral mais bien d'un mouvement général, qui a paru privilégier le développement des systèmes de transports, ferroviaires en particulier, et les intérêts des usagers, accessoirement des contribuables.

Au plan européen, les pays qui ont choisi d'appliquer rapidement la directive du 29 juillet 1991 (91440CE) relative au développement de chemins de fer communautaires et les autres textes européens suivants qui ont organisé la libéralisation du secteur, ont regagné, pour la plupart d'entre eux, des parts de marché de fret. Entre 2000 et 2006 – l'ouverture française à la concurrence date de 2007 –, le fret ferroviaire en Allemagne, au Royaume-Uni, en Autriche et aux Pays-Bas a non seulement connu une croissance supérieure à 22 %, mais a même repris des parts de marché à la route, voire, en Allemagne, au fluvial, alors même que le transport fluvial sur le Rhin est deux fois moins coûteux et deux fois plus rapide que sur les canaux français, en raison d'une quasi-absence d'écluses – le Rhin écoule 64 % du fret fluvial européen. Sur la même période, le fret ferroviaire français a, lui, perdu 23 % de ses parts de marché ! Nous sommes à la fois le dernier pays à avoir appliqué les dispositions européennes et le seul à connaître une telle déflation de son fret ferroviaire. Les nouveaux entrants sont arrivés en France en 2006, alors qu'ils étaient déjà en activité dès 2000 en Allemagne et même dès 1995 au Royaume-Uni.

Les conséquences sociales de la libération sont relativement bien acceptées dans ces deux pays, dans la mesure où les salaires moyens des activités ferroviaires ont connu une croissance historique, en raison d'un mode de fonctionnement et de production différent du nôtre. Sur le plan social, une autre organisation du travail a été acceptée, avec notamment une durée réelle du temps de conduite double de ce qu'elle est en France : aussi, les salaires ont-ils tendance à devenir plus élevés que les nôtres, à la grande surprise de nos représentants syndicaux.

Certains pays sont donc passés d'un fret ferroviaire en déflation, voire, dans l'esprit de certains, en voie de disparition, à un système dynamique, dont l'avenir est assuré du fait de la saturation des grands corridors routiers.

L'avenir du secteur « voyageurs » est, quant à lui, plutôt bien garanti, là où il est en concurrence avec l'aérien, c'est-à-dire sur les grands axes permettant de remplir les trains. Du reste, du sud de l'Espagne aux pays scandinaves, le secteur « voyageurs » se développe au plan européen dans le cadre de projets ambitieux, en dépit de ralentissements imputables à la crise.

S'agissant, enfin, ce qu'on appelle désormais « les trains de la vie quotidienne », le système ferroviaire a toute sa place dans un monde en voie d'urbanisation, même s'il est encore largement déficitaire, en raison notamment de coûts de production qui constituent, en France, un frein considérable au développement de cette activité. Les autorités organisatrices n'ont effectivement pas des capacités de financement illimitées. Le « train au kilomètre » est en France deux fois plus cher qu'outre-Rhin et atteint presque deux fois ce qu'il coûte en Suisse, ce qui contrarie son développement.

Bien que le matériel roulant ait besoin d'être renouvelé et modernisé, les difficultés des entreprises françaises ne sont pas négligeables. Je me contenterai de citer la perte, par Alstom, de marchés symboliques, tels que celui de l'Île-de-France ou de l'Eurostar. De tels échecs se multiplieront. Toutefois, l'industrie ferroviaire française a l'avenir devant elle à la condition de savoir surmonter ses handicaps traditionnels.

Je tiens toutefois à ajouter que ni mon collègue, Yves Crozet, me semble-t-il, ni moi-même ne sommes des spécialistes de l'industrie ferroviaire : nous en connaissons que les grandes caractéristiques, de la production des automotrices à grande vitesse aux locomotives de fret, par exemple.

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