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Intervention de Gilles Bouvenot

Réunion du 7 avril 2010 à 19h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence de la Haute autorité de sant :

Lorsqu'un laboratoire pharmaceutique demande au ministère le remboursement d'un médicament, lequel passe alors nécessairement devant la commission de la transparence, dont l'avis est consultatif, le dossier ne contient la plupart du temps que des études faites par le laboratoire lui-même. Cela peut paraître choquant mais je ne sache pas que les pouvoirs publics réalisent des essais de médicaments et effectuent des recherches en ce domaine ! Notre travail est d'examiner, avec la plus grande prudence, les dossiers qui nous sont soumis. L'honneur de la Haute Autorité de santé réside précisément dans sa totale indépendance intellectuelle. Nous travaillons à la croisée de desiderata non expressément formulés mais que nous connaissons : celui du décideur, qui n'intervient pas, celui du payeur qui a toujours l'impression qu'il va payer trop et trop cher, et celui de l'industriel qui pense naturellement que son médicament n'a pas été reconnu à sa juste valeur.

Il existe des études indépendantes, mais jamais avant l'AMM ou au moment de l'AMM. Elles ne sont toujours effectuées qu'après, comme cela a été le cas pour les statines. Il ne me choque pas que les dossiers ne contiennent que des études menées par les industriels, notre travail consistant précisément à les examiner avec distance et à faire preuve de l'esprit critique nécessaires. Les notes que nous avons données au Tamiflu l'ont été, pour l'essentiel, sur la base du dossier de première inscription, dont les études étaient beaucoup plus solides que les dernières que vous avez citées. Après que le résumé des caractéristiques du produit avait été modifié, le fabricant a dû nous fournir des études complémentaires. Ce fut celles que vous avez indiquées dont nous avons, comme vous, madame, considéré que, d'une très grande médiocrité et portant sur de trop faibles effectifs, elles ne nous permettaient pas de revaloriser le SMR du Tamiflu. Mais elles ne remettaient pas en cause pour autant les conclusions que nous avions rendues lors de la première inscription.

Pour ce qui est du rapport bénéficesrisques, ne croyez pas, madame, que je veuille me défausser. Mais ce n'est pas la Haute Autorité de santé qui octroie les AMM. C'est l'Agence européenne du médicament, l'EMA, basée à Londres, au niveau européen, et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) au niveau national. La commission de la transparence n'est pas habilitée à remettre en cause une AMM, laquelle est par définition octroyée sur la base d'un rapport bénéficesrisques globalement favorable, ni à juger de sa pertinence. Lorsque nous considérons qu'un produit n'est pas extraordinaire, nous disons que son SMR est modéré ou faible.

S'agissant de « l'injonction » faite aux généralistes, je ne peux que vous répondre, non en tant que président de la commission de la transparence, mais en tant que professeur des universités-Praticien hospitalier (PU-PH) de thérapeutique à la faculté de médecine de Marseille. Ma conviction est que lorsqu'une pandémie est avérée ou menace, même de « petits moyens » peuvent avoir de l'efficacité, je dirai même une efficacité insoupçonnée, en tout cas insoupçonnable. Si nous avons renoncé à toute idée de nous prononcer sur l'intérêt de Tamiflu dans le contexte d'une pandémie, c'est que nous n'avions aucun élément nous permettant de l'évaluer. Mais cela ne signifie pas qu'en tant que professionnel de santé – je parle là en mon nom personnel – , je n'aurais pas utilisé ce « petit moyen » supplémentaire, surtout dans un contexte de couverture vaccinale insuffisante. Tant que l'on n'a pas atteint un certain seuil de population vaccinée, la protection est mauvaise, du moins insuffisante. À titre personnel, mais cela n'engage que moi, cette « injonction » – j'ignorais qu'il s'agissait d'une « injonction », vous me l'apprenez – ne me choque pas. Et c'est pourtant moi qui vous dis dans le même temps que le Tamiflu n'est pas un médicament extraordinaire. Mais lors d'une pandémie, n'y aurait-il qu'un peu d'efficacité, pardonnez-moi ma trivialité, à « gratter » au profit des patients, je ne le refuserai pas.

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