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Intervention de Jean-Philippe Bourgoin

Réunion du 23 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Jean-Philippe Bourgoin, directeur de la stratégie et des programmes du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

Les comparaisons internationales en matière de R&D montrent que l'Europe a de grandes forces : une présence traditionnelle en matière de recherche fondamentale, de recherche appliquée et d'industrie. Chacun cherche à disposer de ce modèle, sachant qu'une faiblesse sur le maillon central de la recherche appliquée peut être compensée par un effort supplémentaire en faveur de la recherche fondamentale, comme à Taïwan, à Singapour ou aux États-Unis. De ce point de vue, la France et l'Allemagne doivent être classées dans le même groupe de pays, en dépit de leurs différences.

Mais l'Europe peine à faire émerger de nouveaux champions sur de grands secteurs économiques nouveaux. Si nous nous rapprochons du modèle allemand, nous ferons des progrès dans certains domaines, mais la compétition mondiale restera tout aussi vive !

Du point de vue des écosystèmes d'innovations constituées, l'Europe aujourd'hui n'a pas perdu. Dans certains secteurs, elle a eu tendance à faire produire ailleurs. Mais il reste encore, par exemple, une industrie automobile européenne – même si l'on peut souhaiter que la France y ait une place plus importante.

À ce sujet, je souhaiterais faire deux remarques. La première concerne les normes. La question de savoir qui va réussir à imposer la norme sur le véhicule électrique constitue un véritable enjeu : va-t-on voir émerger une protection vis-à-vis de l'industrie européenne produisant sur notre continent ?

Nous ne faisons pas à cet égard suffisamment d'efforts en France en matière de normalisation et de standardisation. Par comparaison, le Président Obama vient de déclarer qu'il voulait augmenter de 54 % les moyens consacrés à la National Science Foundation dans le domaine de la recherche fondamentale, au Department of Energy dans celui de la recherche sur l'énergie, et au National Institute of Standards and Technology concernant les standards et les normes. De même, j'ai visité un institut à Pékin, l'automne dernier, qui consacrait la moitié de son activité dévolue aux nanotechnologies à l'établissement de standards et de normes.

L'autre remarque est que, du point de vue des innovations, l'ensemble de notre système industriel doit suivre. Car le marché est confronté à l'arrivée de nouveaux « entrants » : le constructeur automobile chinois BYD indique clairement que, s'il n'a aucune chance sur un moteur électrique constitué de 1 400 pièces différentes, il a en revanche toutes ses chances sur un véhicule et un moteur électriques d'une centaine de pièces.

En ce qui concerne les freins à l'industrialisation européenne, la direction générale de la compétitivité n'a pas toujours facilité l'implantation de grands projets industriels sur notre continent. L'Europe a mis quelquefois jusqu'à deux ans pour donner son accord sur les projets relatifs aux applications industrielles et informatiques, risquant ainsi de conduire à une disparition complète de l'activité dans ce domaine, le secteur s'étant entre-temps reconstitué : la direction générale de la compétitivité s'est assuré que la compétition existait entre les pays européens, mais ne s'est pas posé la question de savoir si nous étions en train de perdre pied vis-à-vis de la concurrence extérieure.

Au sujet des exportations que vous qualifiez de « folies », monsieur Paul Giacobbi, il existe des contre-exemples de petites et moyennes entreprises françaises réussissant à vendre en Chine ou au Kazakhstan, tels certains équipementiers d'énergie solaire vendant des fours de fabrication de lingots. La question est de savoir comment on accompagne ces entreprises. À cet égard, la combinaison des pôles de compétitivité, des organismes de recherche technologique et du soutien de l'État, notamment au travers d'investissements d'avenir, va dans le bon sens.

À côté de la réponse macro-économique globale, notre compétitivité repose sur la défense de chaque entreprise, au cas par cas, et nous avons, sur ce point, des chances de gagner.

S'agissant du solaire, il faut prendre en considération la part de carbone qui peut être évitée. Or, la production du silicium coûte très cher en carbone. Les panneaux solaires chinois, largement vendus en France, dans la mesure où ils sont moins chers, sont neutres en carbone au bout de vingt-cinq ans et offrent une garantie d'une dizaine d'années, tandis que les panneaux français, certes un peu plus chers, sont neutres en carbone au bout de trois à cinq ans et sont garantis pour trente ans. Ce point peut constituer une donnée différenciante, même si ce n'est pas celle qui a prévalu jusqu'ici, du fait des incitations existantes.

Le différentiel de prix ne résulte pas d'une différence de coût de main-d'oeuvre – celui-ci représentant moins de 10 % du coût de production des modules solaires –, mais d'investissements dans les machines-outils et l'outil de production : les industriels chinois ont consenti ces investissements pour leur marché intérieur et leurs exportations, contrairement à l'industriel français, qui enregistre pourtant des performances remarquables. Nous ne souffrons pas d'un manque de couplage entre la recherche et l'industrie.

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