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Intervention de Jean-Philippe Bourgoin

Réunion du 23 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Jean-Philippe Bourgoin, directeur de la stratégie et des programmes du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

Ma contribution sera davantage centrée sur l'apport de la R&D à l'innovation. Je serai un peu plus optimiste que mon prédécesseur, en lui indiquant que le pourcentage de son produit intérieur brut que la France consacre à la R&D est remonté en 2009 à 2,21 % et devrait être encore meilleur en 2010. Pour autant, on n'atteindra pas avant longtemps le taux de 3 % qui est l'objectif de l'Europe et des États-Unis, le Japon et la Corée ayant des taux encore supérieurs.

En 2009, la France se situait au onzième rang mondial en termes d'intensité de R&D et au sixième – derrière les États-Unis, le Japon la Chine, l'Allemagne et la Corée – en volume de dépenses. Elle demeure le sixième pays déposant de brevets.

Cette faible intensité relative de la R&D s'explique d'une part par la spécialisation sectorielle de notre industrie, principalement composée de filières peu intensives en R&D, et, d'autre part, par une démographie de nos entreprises en déficit de petites et moyennes entreprises importantes et d'entreprises de taille intermédiaire investissant dans la R&D. Combler le différentiel avec les Allemands prendra donc du temps et nécessitera que notre culture comme notre outil de production évoluent.

La France est très bien placée – au troisième rang après la Corée et le Canada, à égalité avec les États-Unis – pour le soutien public à la R&D, en particulier grâce au crédit d'impôt-recherche, qui est aujourd'hui considéré comme le meilleur dispositif au monde, en excellente adéquation avec ses objectifs : améliorer l'attractivité de la France et favoriser à la fois la R&D dans les petites et moyennes entreprises, le partenariat public-privé et l'embauche de jeunes docteurs.

L'efficacité du lien entre amont et aval paraît particulièrement importante pour la dynamique de l'innovation fondée sur la R&D. L'innovation est de plus en plus le fait de grands clusters mondiaux, peu nombreux, qui atteignent une masse critique en matière d'innovation, de recherche et de formation, et qui irriguent les régions limitrophes. En leur sein, l'Île-de-France est au neuvième rang mondial pour le dépôt de brevets et Rhône-Alpes au vingt-neuvième.

J'en viens à l'apport de la R&D à la capacité d'innovation des entreprises. Exerçant le métier spécifique qui consiste à coupler la recherche en amont et en aval, les instituts Carnot et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives représentent respectivement 13 % et 8,5 % de la recherche publique et 45 % et 33 % de la recherche en partenariat public-privé. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est le premier déposant de brevets au monde qui ne soit pas une entreprise. Nous conservons donc quelques points forts dans la compétition internationale, et c'est ce qui m'incite à l'optimisme.

Il est essentiel de couvrir tous les niveaux de maturité de l'innovation technologique, depuis les idées jusqu'aux produits. Les organismes de recherche technologique facilitent le fonctionnement et l'intégration verticale au sein des filières. Ainsi, dans la micro-électronique, le laboratoire d'électronique des technologies de l'information (LETI) soutient, au coeur de l'écosystème d'innovation à Grenoble, un ensemble de 15 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects. En vingt ans, il a bénéficié de 500 emplois publics et l'on en mesure les effets puisque les jeunes entreprises qui ont été créées font aujourd'hui travailler 2 500 personnes. Ce laboratoire et ceux qui travaillent avec lui soutiennent directement la filière nationale de micro-électronique, qui représente pas moins de 70 000 emplois. Le rapport que M. Laurent Malier, directeur du laboratoire, a rendu au précédent ministre de l'industrie, M. Christian Estrosi, montre que cette filière est durablement viable, moyennant un soutien à l'investissement et à la spécialisation d'un certain nombre de sites.

L'exemple du solaire confirme l'importance de couvrir l'ensemble de la chaîne de maturité technologique pour stabiliser toute une filière. Ayant atteint une masse critique de deux cent cinquante chercheurs, l'Institut national de l'industrie solaire, créé en 2005 à Chambéry, figure parmi les trois meilleurs organismes européens et vise rapidement une des trois premières places mondiales. Il compte 156 partenariats actifs avec les entreprises nationales, soit avec les quatre-cinquièmes d'une filière qui représente 25 000 emplois.

Il est également très important d'être présent sur le terrain du développement des technologies clés habilitantes – les key enabling technologies – qui couvrent la micro-nano-électronique, la photonique, les biotechnologies, les matériaux, le manufacturing, les nanotechnologies. L'Union européenne, les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, la Corée les ont identifiées comme indispensables à l'innovation. Leur marché, qui représentait en 2008 plus de 830 milliards de dollars, conditionne plusieurs millions d'emplois en Europe. Leur combinaison est une des clés de l'innovation, qui bénéficie aussi aux entreprises traditionnelles. Ainsi la société RYB, implantée en Rhône-Alpes et spécialiste des tuyaux en polyéthylène, est la première entreprise au monde capable de maîtriser et de vendre une canalisation plastique détectable et communicante, même enterrée. Une telle avancée devrait se traduire par la création de plusieurs centaines d'emplois.

Outre les avancées technologiques, l'innovation peut permettre d'améliorer l'organisation des entreprises. Ainsi, les constructeurs automobiles utilisent des simulateurs à retour d'effort pour former leurs personnels. Pour leur part, les sociétés d'assurance ont recours à des services liés à la modélisation du climat pour calculer le taux de leurs primes.

Dans le cadre des nouvelles méthodes d'innovation, nous avons créé, il y a dix ans, à Grenoble, un laboratoire d'idées qui fait travailler ensemble sciences humaines et sociales, technologues et usagers. Notre laboratoire de démonstration permet de montrer concrètement aux visiteurs les applications des nouvelles technologies.

Afin de maximiser l'effet de la R&D sur l'innovation, il me semble tout d'abord important que les moyens de soutien soient constants. Il faut ensuite accélérer la constitution des écosystèmes d'innovation, qui a été favorisée par les investissements d'avenir. Il est également indispensable de combler ce que l'on appelle la « vallée de la mort », c'est-à-dire de ne pas oublier qu'il faut passer de l'idée à la technologie, de la technologie au produit et du produit à sa fabrication en grande série. Cela suppose de réaliser les investissements nécessaires, y compris dans l'outil de production, en étant conscient que la recherche technologique est la clé de ces investissements.

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